La foi, c’est pas sorcier


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Deutéronome 18/9-14

9 Lorsque tu seras entré dans le pays que l’Éternel, ton Dieu, te donne, tu n’apprendras point à imiter les abominations de ces nations -là. 10 Qu’on ne trouve chez toi personne qui fasse passer son fils ou sa fille par le feu, personne qui exerce le métier de devin, d’astrologue, d’augure, de magicien, 11 d’enchanteur, personne qui consulte ceux qui évoquent les esprits ou disent la bonne aventure, personne qui interroge les morts. 12 Car quiconque fait ces choses est en abomination à l’Éternel; et c’est à cause de ces abominations que l’Éternel, ton Dieu, va chasser ces nations devant toi. 13 Tu seras entièrement à l’Éternel, ton Dieu. 14 Car ces nations que tu chasseras écoutent les astrologues et les devins; mais à toi, l’Éternel, ton Dieu, ne le permet pas.

Chers frères et sœurs, il est fort probable que l’été soit un peu trop chaud pour faire de longues balades, en conséquence de quoi vous aurez plus de temps pour la lecture et, qui sait, pour la lecture de magazines. Si c’est le cas, veillez à ne pas vous arrêter sur les pages horoscopes, car elles sont interdites par ce passage biblique. Alors, que penser de cette liste d’interdiction du Deutéronome ? Que cela n’a pas sa place dans la Bible, que ce sont des interdits d’un autre âge, que c’est à cause de ce genre de texte que les gens quittent la religion ?

En fait, que des gens prennent leurs distances avec la religion à cause de ce texte, ce n’est pas impossible. Cependant le reproche n’est pas à adresser au texte biblique, mais à ceux qui se placent délibérément dans la situation qui est combattue par ces prescriptions bibliques. Non, ce texte n’est pas d’un autre âge. Ses prescriptions ne témoignent pas d’une époque préscientifique, bien au contraire.

  1. Foi et science

Ce qui frappe les oreilles du théologien, ce sont les discours qui font passer l’astrologie, le tirage des cartes, l’invocation des esprits, pour des pratiques modernes et dignes d’intérêt. Pour le dire plus clairement, ce qui me frappe, c’est d’entendre que non seulement ces pratiques fonctionnent, mais qu’il est incompréhensible que certains n’y croient pas.

Est-ce aux théologiens de s’émouvoir qu’on accorde du crédit à la superstition, à la divination, à la communication avec les morts ? Oui, bien entendu, car la théologie s’intéresse au réel, à ce qui est vrai et la théologie fait la chasse à ce qui est illusoire, ce qui est une falsification du réel. La chasse aux idoles, c’est l’expression biblique pour parler de tous les systèmes de pensée qui sont erronés, qui ne rendent pas compte du réel, qui sont infichus de décrire le fonctionnement de notre monde, de ce qui fait notre vie.

La foi qui est biberonnée aux textes bibliques, est l’ennemie des superstitions, des théories qui veulent se démarquer de la démarche scientifique. Et soyons clairs, la foi biblique n’est pas hostile à toutes ces pratiques par littéralisme ; il ne s’agit pas de ne pas céder aux sirènes de l’occultisme parce qu’il est écrit dans la Bible qu’il ne faut pas le faire, mais parce que ce texte bibliques et d’autres, nous révèlent que ces pratiques sont contraires à une vie pleinement accomplie. Ces pratiques sont contraires à une vie bonne, une vie en terre promise, pour reprendre l’image biblique, parce que ces pratiques nous condamnent à vivre dans un monde privé de toutes ses potentialités. Cela revient à imiter tous ceux qui construisent leur vie sur une vision antiscientifique de la vie, et qui se cassent la figure car vivre contre la science est proprement mortel. Le travail des croyants est d’effectuer une régulation des croyances et lorsque la croyance se porte vers des illusions, il importe de le signaler vigoureusement.

La science n’est donc pas l’ennemi de la foi (l’inverse non plus), tout au contraire. La foi a besoin de la science pour mettre à jour les véritables ressorts de la vie, pour mettre à jour les dynamiques à l’œuvre dans le monde, et chacun a besoin de la foi de manière à pouvoir s’orienter vers ce qui est le plus estimable et, ce qui n’est pas accessoire, s’orienter vers ce qui est vrai, ce qui existe et qui favorise la vie. Si la science permet de découvrir toutes les forces à l’œuvre dans le monde, à envisager toutes les possibilités qui s’offrent à nous en trouvant les moyens de parvenir aux objectifs qu’on se fixe, la foi est ce qui permet d’examiner le sens de chaque chose, de chaque décision, de chaque invention, de chaque réalisation, pour ne pas aller dans un sens qui serait contraire à notre désir de vie, notre désir de liberté, notre désir d’accomplissement, notre désir de justice, notre désir de bonheur etc.

  1. le problème des pratiques occultes

Bien évidemment, il ne suffit pas de dire qu’une chose est mauvaise pour qu’elle le soit. Il ne s’agit pas de dire qu’une pratique est mortifère pour qu’elle le soit effectivement. La foi n’est pas une pétition de principe. Elle pense les sujets qu’elle aborde, non pas en fonction de ce qui nous fait plaisir individuellement, mais en fonction de ce qui est vrai, c’est-à-dire en fonction de ce qui résiste à l’épreuve des faits. En ce sens, elle s’oppose aux pratiques qui, elles, ne se confrontent pas à l’expérience du réel.

Ceux qui ont fait passer leur enfant par le feu, ceux qui l’ont sacrifié pour obtenir une faveur divine, ont-ils obtenu ce qu’ils espéraient ? Ont-ils eu une vie plus satisfaisante ? Si le sacrifice des enfants a été aboli par l’épisode d’Abraham sacrifiant son fils Isaac (Gn 22), c’est parce que les rédacteurs bibliques ont constaté que ce genre de pratiques ne menaient à rien de satisfaisant. Non seulement cela laissait entendre que Dieu n’est pas amour, qu’il a besoin de chair fraîche pour être aimable, mais cela contrevenait à l’expérience qui révèle que le sacrifice d’enfants ne provoque pas le bonheur, bien au contraire. La mort des enfants provoque le malheur, cela rend les gens malheureux.

Au fil des siècles, les expériences ont pu s’accumuler pour les théologiens qui ont composé la Bible. Ils ont constaté que les morts ne répondaient pas aux suppliques et, pour ceux qui imaginent qu’ils répondent quand même, car rien n’empêche, après tout, de prendre un craquement de parquet ou une baisse de tension électrique, pour un signe venant de l’au-delà, les rédacteurs bibliques ont ouvert les yeux sur le fait que les morts n’ont rien à nous apprendre, ils ne sont porteur d’aucune vérité qui ne serait connue que des défunts. Ainsi, l’épisode de 1 S 28 qui fait remonter Samuel du séjour des morts, montre qu’il ne dit rien d’autre au roi Saül que ce qu’il a toujours dit jusque-là. Les morts ne communiquent pas avec les vivants, c’est la raison pour laquelle, en christianisme, et notamment durant les obsèques, on ne s’adresse pas au mort. La vérité biblique est qu’il faut accepter la finitude ; il faut intégrer la mort dans l’horizon de la vie.

Les cartes ignorent tout de la vie. Elles n’ont ni mémoire, ni conscience, ni capacité d’analyse qui leur permettrait de savoir ce qui va se passer compte tenu de la position actuelle de tout ce qui constitue le monde – ce qui permettrait de déterminer la seconde qui suit, puis la suivante etc. La vérité biblique est qu’il faut accepter l’imprédictible. L’homme n’est pas condamné à n’être que ce qu’il a été, ni même ce qu’il est actuellement à perpétuité.

L’astrologie qui tient compte de la position des planètes ignore que les planètes ont bien moins d’impact sur nous que le temple ou même un arbre que vous croisez dans la rue. Les planètes, quoi qu’ayant une masse plus importante que la Terre, sont bien trop éloignées pour avoir une influence supérieure aux objets, aux immeubles qui nous entourent. La vérité biblique est qu’il faut accepter la liberté, comme le fit Abraham en Gn 15, qui intégra que la promesse divine a bien plus d’impact sur notre existence que les étoiles du ciel dans lesquelles on espère lire son thème astral, ou les entrailles d’animaux découpés, comme voudrait nous faire croire le devin qui va à la rencontre d’Astérix, ou encore les oiseaux de mauvais augure qui fondirent sur ces animaux.

Toutes ces superstitions ont été examinées au fil du temps et cela permit de constater qu’il n’y avait pas de lien de causalité entre les pratiques liées à la sorcellerie et ce que nous faisons, ce que nous vivons. Voilà pourquoi ont peut dire que la foi, c’est pas sorcier.

  1. la conséquence des pratiques occultes : le commerce du mensonge

En revanche, il est vrai que tout cela peut fonctionner si on, décide que cela fonctionne, que c’est vrai. On peut faire de son horoscope la vérité de notre vie si nous nous conformons à ce que dit l’horoscope. Nous pouvons donner raison à la cartomancienne, à celui qui lit dans les lignes de la main, si nous décidons de faire ce qui nous a été dit.

Voilà pourquoi le Deutéronome demande d’être complètement avec l’Éternel (v. 13). C’est une manière de dire qu’il ne faut pas donner prise aux pratiques occultes qui sont occultes car elles occultent le réel ; elles mystifient les naïfs, les crédules en travestissant la vérité et, au final, font commerce du mensonge.

Si toutes ces activités sont faites dans le but de divertir, soit. On peut en rire. Et, de fait, les horoscopes peuvent être savoureux – du moins lorsque ça va bien et qu’on est d’une humeur badine. Faisons tourner les tables, cela permettra de faire la poussière. Tirons les cartes, cela stimulera l’imagination. Jouons à ce que dirait Jésus s’il était vivant, cela favorise l’empathie etc.

Mais le problème auquel il faut être attentif, c’est que tout cela peut être pris au sérieux. Là, ça devient un problème. Un problème qui a été repéré par les rabbins qui, dans le traité Sanhedrin 67a-68a ont rédigé cette mishna : « le sorcier, s’il exerce une activité, est passible de sanctions, mais non point s’il fait seulement illusion. Rabbi Aquiba, au nom de Rabbi Yehochoua : deux personnes cueillent des concombres ; l’une d’elles est passible de sanctions, l’autre est absoute ; celle qui exerce l’acte est passible de sanctions, celle qui en donne l’illusion est absoute. »

Cette histoire fixe l’attention sur l’illusion. Est-on conscient que c’est un jeu, ou est-on dupe et cela devient une supercherie. Est-on comme l’enfant qui joue en faisant semblant de manger un délicieux éclair au chocolat ou comme la personne qui a perdu le sens du réel et qui se laisse malmener par des faux-semblants qu’elle prend pour le réel ? Dans le deuxième cas, la vie devient du vent, du néant. L’existence s’anéantit peu à peu, jusqu’à n’être plus rien que ce qu’en font ceux qui ont pris le pouvoir sur notre raison.

Mon frère, ma sœur, « tu n’apprendras pas à faire comme les abominations de ces nations », recommande le Deutéronome. N’apprenons pas de l’occultisme qui occulte l’avenir en nous renvoyant à une image partielle du passé. Attachons-nous à l’Éternel, ayons foi en l’Éternel de qui nous recevons le goût pour la vie à venir, ce qui nous permet d’apporter une réponse personnelle aux défis qui se présente. Intéressons-nous aux questions d’aujourd’hui et pas uniquement aux réponses d’hier.

Amen

Un commentaire

  1. Très complète cette bible. Il est vrai que si l’horoscope est positif, on va passer une journée pleine de pensées positives et les gens vont faire positifs avec nous en retour, donnant raison à l’horoscope.

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