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Jonas 2
1 Jonas, dans le ventre du poisson, pria l’Éternel, son Dieu. 2 Il dit: Dans ma détresse, j’ai invoqué l’Éternel, Et il m’a exaucé; Du sein du séjour des morts j’ai crié, Et tu as entendu ma voix. 3 Tu m’as jeté dans l’abîme, dans le cœur de la mer, Et les courants d’eau m’ont environné; Toutes tes vagues et tous tes flots ont passé sur moi. 4 Je disais: Je suis chassé loin de ton regard ! Mais je verrai encore ton saint temple. 5 Les eaux m’ont couvert jusqu’à m’ôter la vie, L’abîme m’a enveloppé, Les roseaux ont entouré ma tête. 6 Je suis descendu jusqu’aux racines des montagnes, Les barres de la terre m’enfermaient pour toujours; Mais tu m’as fait remonter vivant de la fosse, Éternel, mon Dieu ! 7 Quand mon âme était abattue au dedans de moi, Je me suis souvenu de l’Éternel, Et ma prière est parvenue jusqu’à toi, Dans ton saint temple. 8 Ceux qui s’attachent à de vaines idoles Éloignent d’eux la miséricorde. 9 Pour moi, je t’offrirai des sacrifices avec un cri d’actions de grâces, J’accomplirai les vœux que j’ai faits: Le salut vient de l’Éternel. 10 L’Éternel parla au poisson, et le poisson vomit Jonas sur la terre.
Chers frères et sœurs, cet épisode n’est pas sans évoquer le baptême, puisque le baptême était, primitivement, le fait d’être plongé dans l’eau, ce qui symbolisait la mort puis la résurrection lorsqu’on en était sortis. Nous pourrions même dire que cet épisode est une excellente prédication de la grâce que révèle le baptême.
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Dieu est plus grand que nos fuites
Cet épisode est une prédication particulièrement intéressante car elle dit bien la grâce seule, si chère au protestantisme. Lors d’un baptême, il peut nous arriver de dire que le bébé n’a rien fait pour être baptisé, ce qui est déjà une bonne prédication de la grâce qui déclare que l’amour de Dieu ne dépend pas de nous, de ce que nous faisons ou ne faisons pas. Mais, dans le cas de Jonas, ce qui est particulièrement intéressant, c’est que la grâce de Dieu rejoint Jonas alors que celui-ci fuit loin de l’Éternel. La grâce de Dieu rejoint celui qui fuit ses responsabilités, celui qui n’a pas le courage de ses convictions, celui qui renonce à ce qu’il y a de grand et de beau dans l’existence, en préférant sauver sa peau plutôt que défendre l’honneur de Dieu devant un peuple qui ferait mieux de changer de comportement.
Ici, la grâce n’est pas seulement une bienveillance à l’œuvre, quelles que soient nos œuvres. La grâce se révèle jusque dans sa capacité à être efficace en dépit de notre mauvaise volonté et de notre refus. Plus exactement, la grâce est plus grande que nos fuites en avant, plus grande que nos renoncements, plus grande que nos trahisons. La vie reste providentielle même pour ceux qui vont à rebours de leur vocation divine. La vie reste riche de grâce pour ceux qui se détournent de la justice et préfèrent le calcul personnel à l’intérêt général.
Quand nous fuyons nos responsabilités, Dieu reste source de grâce pour nous. Et c’est ce que veut exprimer le baptême : l’amour de Dieu est inconditionnel ; il ne dépend ni de notre bonne volonté, ni même de notre volonté. L’amour de Dieu est toujours disponible. En toutes circonstances.
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Dieu est toujours accessible
C’est là le deuxième enseignement que nous pouvons tirer de cet épisode : Dieu reste toujours disponible. Quand l’âme de Jonas était abattue au-dedans de lui, il s’est souvenu de l’Éternel (v. 8) et la vie de Jonas en a été changée du tout au tout. L’autre promesse que contient le baptême, c’est que Dieu est toujours accessible. Il n’est pas de moment de notre vie où nous nous trouverions coupés de Dieu. Pas de problème de perte de réseau, pas de problème de voie encombrée, pas de problème de saturation. Dieu est toujours accessible.
Cela peut sembler étonnant car l’expérience dit plutôt le contraire, avec un Dieu plutôt aux abonnés absents. Mais l’aventure de Jonas nous aide à comprendre que notre expérience de l’absence de Dieu est plutôt le résultat de notre fuite de Dieu, de notre refus de Dieu.
Nous avons parfois du mal à discerner Dieu dans notre quotidien car nous l’espérons à la hauteur de nos espoirs. Nous avons du mal à repérer Dieu parce que nous l’espérons tel que cela nous arrangerait, validant mécaniquement nos choix, confirmant nos idées, accomplissant ce que nous ferait plaisir. Or, à l’image des parents qui ne cèdent pas aux caprices des enfants, Dieu se révèle être non pas celui qui dit « amen » à tout ce que nous faisons, mais une exigence de vie qui, évidemment, tranche avec ce que nous recherchons. Et c’est parce que nous recherchons un Dieu qui colle à nos espoirs que nous avons du mal à le repérer dans notre vie.
Toutefois, lorsque nous nous souvenons de l’Éternel, lorsque notre âme est à nouveau tendue vers Dieu et non vers les fausses images, alors nous le percevons à nouveau. Ce fut vrai de Jacob qui réalisa que Dieu était présent même au cœur de sa fuite. Ce le fut aussi pour Jésus qui aurait préféré ne pas boire la coupe du vendredi saint, mais qui, dans sa prière au jardin de Gethsémanée, retrouva le véritable visage de Dieu, un Dieu qui n’est pas toujours en phase avec ce qui nous arrangerait à court terme. Puis, ce fut vrai également pour l’apôtre Paul qui dira que Dieu l’a particulièrement contrarié, lui faisant prendre un autre chemin que celui qu’il tenait pour infiniment supérieur aux autres.
La prière de Jonas est une prière de repentance qui lui permet de changer, de modifier son regard sur Dieu et donc sur la vie. Jonas va cesser de fuir ses responsabilités parce qu’il change son regard sur Dieu et, ainsi, il prend conscience de ce qui dégrade la vie, de ce qui détruit. Et cela ressuscite son goût pour la vie. Jonas, sera désormais un apôtre de la vie, se rendant auprès des habitants de Ninive pour leur communiquer cette exigence de vie portée par Dieu.
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Mort et résurrection
Ce que nous révèle cet épisode, c’est ce que Jésus appellera le « signe de Jonas », ajoutant qu’il ne nous sera pas donné d’autre signe que celui-là (Lc 11/29-30). Le signe, c’est mort et résurrection. Ce que Dieu accomplit pour nous, c’est de nous faire mourir à toutes ces fausses idées, à toutes ces fausses représentations du monde et de nous-mêmes, afin que nous ressuscitions au réel.
L’apôtre Paul dira que la foi en Dieu l’a fait grandir. Avant, écrit-il aux Corinthiens (13), il voyait comme un enfant, il pensait comme un enfant, puis il est devenu un homme, capable de porter un regard pénétrant sur les situations. Vient donc un moment où l’on meurt à sa condition d’enfant pour ressusciter à la condition d’adulte. On cesse d’esquiver, de dire que c’est la faute des autres, que c’est pas moi, promis juré. Et on assume notre part de responsabilité dans la marche du monde. On prend sa part dans l’édification d’une société vivable au sein de laquelle il devient possible d’agir selon ce que l’Évangile nous propose.
Dieu nous retire de l’abîme, du séjour des morts, pour reprendre les images de Jonas qui s’est rendu compte que ses enfantillages ne produisaient rien de vivable et qu’il fallait faire demi-tour, une véritable conversion, pour aller dans le sens du règne de Dieu. Jonas pensait que la société, c’était le chacun pour soi, surtout ne pas se préoccuper des autres, ne pas en prendre soin, ne pas intervenir. Fuir si nécessaire, mais ne pas prendre sa part à la régulation de la société en apportant ses convictions, en faisant valoir le point de vue de Dieu dans les affaires humaines.
Et Jonas qui est sur le point d’être totalement rejeté de cette société qu’il fuit, est rattrapé par Dieu qui le sauve de la noyade, qui l’empêche d’être submergé par le chaos. Il est ressuscité. Il est redressé, il est remis debout, par Dieu qui lui permet de reprendre pied dans une histoire qui lui avait totalement échappé.
C’est ainsi que Dieu nous sauve du non-être, et du désespoir qui lui est lié. Dieu nous sauve en nous offrant de nouveaux défis à relever, qui ne sont pas hors de notre portée, mais, souvent, hors de notre imagination, hors de notre propos. Et, par cette résurrection, Dieu ressuscite la possibilité d’une régulation au sein de la société qui cesse d’être livrée au pouvoir des plus forts, des plus haineux, des plus assoiffés de pouvoir et de domination. En ressuscitant Jonas, Dieu restaure son âme, il lui redonne le goût de défendre une cause juste, la défense inconditionnelle de l’humanité contre ce qui l’accable, contre ce qui la mine, contre ce qui la divise, contre ce qui l’éloigne de la possibilité de la paix civile.
En vomissant Jonas sur la terre, le poisson rend Jonas au monde, il le fait venir à ce monde que Dieu a tant aimé qu’il lui a donné Jonas, et puis Yonna, le baptiste, et puis Jésus, le baptisé, et puis… et puis Diane, notre baptisée du jour, pour que chacun apporte sa contribution en faveur d’un monde où le loup et l’agneau partageront le même pâturage. Un monde où il ne se fera plus ni tort ni dommage.
Amen