Avec Dieu, sans excuse


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1 Jean 4/7-12

7 Bien-aimés, aimons nous les uns les autres; car l’amour est de Dieu, et quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu. 8 Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour. 9 L’amour de Dieu a été manifesté envers nous en ce que Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde, afin que nous vivions par lui. 10 Et cet amour consiste, non point en ce que nous avons aimé Dieu, mais en ce qu ‘il nous a aimés et a envoyé son Fils comme victime expiatoire pour nos péchés. 11 Bien-aimés, si Dieu nous a ainsi aimés, nous devons aussi nous aimer les uns les autres. 12 Personne n’a jamais vu Dieu; si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et son amour est parfait en nous.

Chers frères et sœurs, nous avons constaté la semaine dernière, en étudiant un passage du livre d’Ésaïe, que Dieu n’est pas forcément visible parce que nous ne sommes pas prêts à le voir tel qu’il est vraiment. Nous nous attendons à voir Dieu sous les traits dont nous l’affublons, et nous avons du mal à concevoir qu’il ne corresponde pas à l’idée que nous nous en faisons – idées qui sont le plus souvent des idoles qui n’ont rien à voir avec Dieu.

  1. Dieu, on le voit ou on ne le voit pas ?

Je dis « voir Dieu ». Mais dans ce cas, comment comprendre que cette lettre de Jean affirme que personne n’a jamais vu Dieu ? Dieu, on peut le voir ou pas ? À lire ce passage biblique il semble bien que Dieu ce soit plutôt : « circulez y a rien à voir ». Toutefois, plus tôt dans la Bible, le livre de l’Exode, au chapitre 24, raconte que Moïse, Aaron et 70 des anciens d’Israël étaient à la montagne du Sinaï. Or, au verset 10, le rédacteur indique : « ils virent le Dieu d’Israël ; sous ses pieds, c’était comme un ouvrage de saphir transparent, comme le ciel lui-même dans sa pureté. » et pour éviter toute ambiguïté, le verset suivant confirme : « ils virent Dieu, et ils mangèrent et burent. »

Nous avons là une contradiction frappante entre deux textes bibliques et, au passage, nous pouvons noter que celui qui indique la plus grande proximité qui soit entre Dieu et les humains n’est pas le texte du Nouveau Testament, mais le passage de l’Exode, dans la Bible hébraïque. Je précise « Bible hébraïque » et non Ancien Testament, parce que la version grecque des Septante à traduit en disant qu’ils avaient vu le lieu où Dieu se tenait, laissant entendre qu’ils n’avaient pas vu Dieu lui-même. On comprend l’embarras du traducteur qui rechigne à écrire qu’il est possible de voir Dieu – cela contredit non seulement l’expérience commune que l’apôtre Jean restitue bien en déclarant que « personne n’a jamais vu Dieu », mais aussi notre conception de Dieu qui considère que Dieu est au-delà des images que nous pouvons nous en faire.

Il n’empêche que le texte hébreu n’hésite pas à dire que des gens ont vu Dieu. Cela nous intéresse parce qu’en ce dimanche où un enfant a été baptisé et qu’on se demande comment nous allons susciter chez elle la foi en Dieu, il serait plus simple de lui montrer Dieu, tout simplement. La question demeure : est-il possible de voir Dieu oui ou non ?

Le livre de l’Exode nous offre un élément de réflexion supplémentaire, un peu plus loin, aux chapitres 33 et 34. Moïse demande à Dieu de lui montrer sa gloire, c’est-à-dire de se montrer lui-même (la Septante traduira d’ailleurs par seauton – toi-même – comme elle l’a fait au verset 13 pour le « chemin »). Et que va montrer Dieu au chapitre 34 ? Dieu va montrer ses arrières et ses arrières, ce sont les deux tables sur lesquelles vont être écrites les dix paroles de l’alliance voulue par Dieu.

Cela nous aide à savoir si Moïse et les anciens ont vu Dieu comme nous nous voyons. Ex 34, avec les arrières de Dieu qui sont des paroles divines, nous fait comprendre que l’expérience de Dieu, c’est l’expérience personnelle de paroles qui nous extérieures et qui pourtant s’inscrivent au plus profond de nous et nous rendent plus vivants. Des paroles qui nous font vivre plus fort, voilà de quelle manière nous pouvons expérimenter Dieu.

C’est cela qui fera écrire, selon Jean 1, que la parole est non seulement auprès de Dieu, mais qu’elle est Dieu, et qu’elle s’est faite chair. Elle a pris corps avec Jésus. Et elle continue à prendre corps à chaque fois que nous nous laissons saisir par l’Évangile. Quand nous nous laissons animer par la grâce de Dieu, , nous incarnons la parole de Dieu, et Dieu demeure alors dans l’histoire humaine. Et il est dès lors possible de voir Dieu à l’œuvre. Oui, il est donc possible de voir Dieu, non pas comme on voit un individu ou une chose, mais par l’impact qu’il a sur notre vie quotidienne. Nous voyons Dieu par les effets qu’il a dans notre vie.

  1. la parole de Dieu qui fait alliance, nous pardonne

C’est le cas pour nous ce matin qui avons assisté au baptême de Manon. Nous avons pu constater les effets de l’Évangile sur son existence et sur la notre par la même occasion.

Tout d’abord, constatons que ce n’est pas Manon qui a choisi d’être baptisée. Elle est au bénéfice de l’amour de ses parents, parrain et marraine, qui ont répondu, avec l’Église, à l’appel du Christ, de baptiser dans le but de prolonger l’alliance avec Dieu. Sans cet appel, nous ne serions pas là aujourd’hui. Dieu a donc un impact sur notre agenda (parfois). Mais intéressons-nous un peu à cette question d’alliance pour constater que l’impact de Dieu est profond dans notre existence.

Notre passage biblique indique que Jésus a été « victime expiatoire pour nos péchés » (v. 10). Cette manière de parler de Jésus peut nous faire frémir. On y entend la violence rituelle, la sauvagerie religieuse. Mais il faut prendre conscience de la référence à l’Ancien Testament pour mieux comprendre la signification de cette expression qui n’est pas aussi cruelle que cela. Le terme grec se rapporte à une prescription du Lévitique 25/9 qui parle du grand Pardon lors de l’année jubilaire. C’est une référence à la libération des personnes : libération de l’esclavage, de la dépossession de soi. Si une personne était devenue l’esclave d’une autre pour avoir de quoi manger, ou pour être hébergée, elle était libérée de cette dette, même si cette personne n’avait rien fait pour obtenir un meilleur sort.

Cela se faisait par grâce seule : c’est la seule volonté de Dieu qui libère des personnes réduite à l’état de servitude. Cela se faisait symboliquement avec une victime expiatoire, un bouc qui recevait tous les péchés du peuple et qui était envoyé ensuite dans le désert. C’était une manière de dire que les gens ne portaient plus le poids de leur faute ou de leur renoncement. C’est le sens de la phrase du Notre Père qui dit : « pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ». En réalité, le texte grec parle de la remise de la dette. « Remets-nous notre dette, comme nous remettons à nos débiteurs ». C’est ce que la baptême accomplit une fois pour toutes.

C’est à cela que l’épître de Jean fait référence. Le verset 9 dit que c’est à travers Jésus que nous avons reçu cette libération, afin que nous ayons la vie. Le texte grec parle d’avoir la vie à travers Jésus, c’est-à-dire grâce à lui, grâce à ce qu’il a montré, grâce à ce qu’il a enseigné.

Le baptême dit que Manon est libérée de tout ce qui l’empêchera de mener sa propre vie. La voie ouverte par Jésus indique la possibilité de vivre pleinement, même si les circonstances ne sont pas favorables, même si l’injustice existe et que le malheur perdure autour de nous.

L’amour de Dieu nous rend capables de vivre pleinement. L’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ nous révèle qu’il est possible de mener une vie bonne, même si nous sommes dans un contexte qui lui semble contraire. L’amour que vous, ses parents, parrain et marraine, et nous communauté paroissiale, nous allons prodiguer à Manon, c’est ce qui lui permettra de comprendre qu’elle n’a plus à se justifier. Elle est la bienvenue dans ce monde parfois hostile, ce qui monde qui semble parfois nous rejeter, mais qui est le monde que Dieu a aimé, pour lequel il a envoyé son fils.

L’amour que nous allons prodiguer à Manon lui fera comprendre qu’elle est aimée sans qu’elle ait eu à faire quoi que ce soit pour cela. Sa dignité est à jamais marquée en Dieu. Quoi qu’il arrive, quoi qu’il lui arrive, quoi qu’on dise d’elle par la suite, elle pourra avoir cette conviction chevillée au corps : elle est digne d’une vie portée à l’incandescence.

  1. Éthique de la responsabilité plutôt que philosophie de l’excuse

Cette affirmation théologique n’est pas sans conséquence. Loin de là. Il résulte de cela une exigence développée par le christianisme. Pour le dire aussi directement que possible, il importe de bien comprendre que le christianisme n’est pas une excuse du péché. Le christianisme n’est pas une excuse de nos travers, de nos mauvais côtés ou de notre paresse. Dire que Dieu nous rend capables de vivre, par Jésus-Christ, implique que nous n’avons pas d’excuses pour mener ne serait-ce qu’une vie moyenne, une vie sans éclat.

Ceci explique le devoir d’aimer (v. 11) : nous n’avons pas d’excuse pour ne pas aimer. En raison de la grâce dont nous bénéficions, nous n’avons plus d’excuse pour ne pas être fraternel avec notre prochain, pour ne pas être artisan de paix, pour ne pas agir d’une manière juste en faveur de l’intérêt général. Ce n’est pas parce qu’il y a des difficultés que nous n’allons rien faire. Le christianisme ne déploie pas un éloge de la paresse. Ce n’est pas non plus une méthode pour se morfondre sans trop de douleur, ni pour tromper l’ennui de ne rien faire. Car le christianisme est une dynamique d’engagement au cœur de la vie.

Plutôt qu’une philosophie de l’excuse, le christianisme a développé une théologie de la grâce qui nous rend capables de mener une éthique de la responsabilité.

L’amour nous libère de l’angoisse de ne pas être légitime. L’amour nous libère des préjugés qui nous brident, qui nous maintiennent dans le syndrome de l’imposteur. L’amour nous libère des stéréotypes malheureux qui voudraient qu’il y ait une infériorité des femmes par rapport aux hommes, ou que la valeur d’une personne se mesure au montant de son compte bancaire.

La foi, c’est la confiance que nous accordons aux paroles de l’Évangile qui disent ce matin, à Manon et à chacun d’entre nous que nous pouvons avoir de l’ambition pour nous-mêmes et pour les autres. Nous pouvons nous lancer dans l’aventure de la vie pour éprouver personnellement le bonheur et la grâce dont il est question dans ce psaume 23 qui a ouvert notre culte.

Amen

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