Se convertir à Dieu pour ne pas se perdre


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Luc 9/23-26 

23 Puis il dit à tous: Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge chaque jour de sa croix, et qu’il me suive. 24 Car celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui la perdra à cause de moi la sauvera. 25 Et que servirait-il à un homme de gagner tout le monde, s’il se détruisait ou se perdait lui-même ? 26 Car quiconque aura honte de moi et de mes paroles, le Fils de l’homme aura honte de lui, quand il viendra dans sa gloire, et dans celle du Père et des saints anges.

Chers frères et sœurs, ce passage biblique indique une manière d’être chrétien. C’est un passage qui est devenu le cœur de la compréhension de la vie chrétienne :  la vie chrétienne consisterait à suivre le Christ.  Une fois de plus, c’est beau, mais c’est faux. J’aimerais que nous entendions que ces versets disent bien autre chose que cette gentille histoire de « suivance » du Christ. Être chrétien, c’est bien autre chose que mettre ses pas dans ceux du Christ. C’est bien autre chose que régler son pas sur le pas du Christ.

  1. Partir de la honte

J’aimerais tout d’abord partir de la fin du passage que je vous ai lu, c’est-à-dire partir de la honte. Aux deux sens de l’expression : prendre la honte comme point de départ de cette exploration de ce qu’est être chrétien et quitter la honte, la laisser derrière soi pour ne plus y revenir.

Dans la bouche de Jésus, les chrétiens ne sont pas seulement des êtres animés par de bons sentiments. Ce ne sont pas seulement des exemples de vie bonne qu’on pourrait citer en modèles. Certes, beaucoup de chrétiens ont obtenu un prix Nobel, mais tous sont loin d’être un modèle de vie. Du point de vue de Jésus, ce qui pose problème, ce n’est pas une mauvaise connaissance du catéchisme chrétien, ce n’est pas une morale qui ne serait pas à la hauteur des commandements de la torah. Ce qui pose problème, c’est la honte. C’est la honte ressentie par bien des croyants qui ont honte à cause de Jésus et honte à cause de ses paroles. Le problème repéré par Jésus, c’est la honte de ces croyants qui sont totalement paralysés lorsqu’il s’agit d’exprimer leur foi, leur espérance, leurs convictions religieuses.

Je pense que nous pouvons facilement nous reconnaître dans cette critique de Jésus qui constate que nous avons du mal à nous tenir devant des gens et à leur témoigner le cœur de notre foi. Certains diront qu’ils ont du mal à verbaliser, qu’ils n’ont pas suffisamment de connaissances théologiques pour dire avec précision ce qu’est l’Évangile, ce que Dieu désigne etc. Pour Jésus, le véritable problème c’est la honte. La honte devant l’autre, comme Adam qui avait honte dans le jardin du livre de la Genèse. C’est la honte qui, du coup, empêche les relations interpersonnelles, la honte qui empêche d’aller vers l’autre et d’engager une discussion, de tisser une véritable relation.

La honte, c’est une émotion qui trahit le fait que nous ne sommes pas en phase avec le moment. La honte traduit le fait qu’il y a un problème : notre intérieur est en opposition avec l’extérieur. Ce que nous sommes ne correspond pas avec ce que nous voudrions être – ou avec ce que nous pourrions être. La honte est la trace du péché qui exprime le fait que nous sommes à distance de nous-mêmes.

C’est une donnée de notre existence que Dieu connaît bien, et qu’il nous aide à assumer par la grâce qui nous rejoint dans la vérité de notre existence, dans la réalité de nos insuffisances, de nos incomplétudes, de notre difficulté à être quelqu’un dont nous pourrions être fiers. La grâce nous rejoint pour transcender toutes nos situations de honte, pour nous aider à relever la tête et voir plus loin que notre misère actuelle. Le premier point que je relève du discours de Jésus, c’est que notre point de départ est la honte de n’être que ce que nous sommes, la honte de parler de religion devant des incroyants par exemple.

  1. Se convertir à Dieu

Jésus nous sort de la honte en nous sortant de l’orgueil. L’orgueil, c’est cette survalorisation de notre personne au point que nous en venons à penser que nous allons nous en sortir par nos propres forces. L’orgueil, c’est ce qui nous conduit à imaginer que nous allons pouvoir sauver notre vie – tout seuls. C’est en cessant d’être obsédés par soi, par l’image qu’on donne de soi, par l’image extérieure qu’on peut avoir de nous, que nous avons un avenir.

Ce n’est pas en imaginant que nous pouvons obtenir notre salut par nos œuvres, que nous serons effectivement sauvés. Il ne s’agit pas de dire que nous sommes des incapables, que nous ne valons rien. Il s’agit de révéler ce que nous sommes profondément pour mettre à jour notre véritable identité. Le salut, c’est la manifestation de notre être véritable, qui ne doit rien à ce que nous pensons, à ce que nous disons ou faisons. En effet, notre être véritable, notre identité, n’est pas le résultat de nos actes, de nos œuvres. Notre vie est cachée en Dieu, dira l’apôtre Paul (Colossiens 3/3). Ainsi, notre salut, le fait que nous soyons relevés même lorsque nous sommes abattus par les circonstances, ne doit rien à nos efforts. Notre salut doit tout à Dieu qui inscrit notre existence hors des contingences du monde.

Ainsi, pour développer l’image de celui qui veut gagner le monde entier, ce n’est pas en prenant le pouvoir sur quelqu’un qu’on devient quelqu’un. Ce n’est pas en étant au sommet de la popularité qu’on devient quelqu’un. Ce n’est pas en gagnant le monde, ce n’est pas en ayant prise sur les gens, qu’on devient quelqu’un.

Celui qui voudra sa vie la perdra, dit Jésus. Celui qui voudra se rendre justice lui-même se perdra, dit Jésus. On ne s’auto-justifie pas, on ne se rend pas juste soi-même. Vouloir se faire justice soi-même, c’est ruiner le sens même de la justice qui s’élabore en présence des autres, devant un regard extérieur. Cela nous oriente vers ce qu’est la vie chrétienne : le fait de se convertir à Dieu, de tourner notre existence vers Dieu, d’être tendus vers Dieu et non vers nous-mêmes.

Jean Charles Joseph Rémond, La mort d’Abel, 1838 (Musée Fabre, Montpellier)

Dieu, c’est ce qui fait advenir à l’existence ce qui n’existe pas encore, c’est d’ailleurs ce que dit son nom Yhwh, le verbe advenir au futur. S’orienter vers Dieu, c’est donc s’orienter vers ce qui peut advenir, vers l’avenir. Alors que s’orienter vers soi, c’est se replier sur soi, comme Caïn, qui n’aura dès lors aucun avenir sans le secours de Dieu pour le sortir de son cercle infernal.

Être chrétien consiste à ne pas être soumis à la logique du monde qui calcule le prix des gens en fonction de l’emprise qu’ils ont sur les autres, et qui réfléchit à court terme, pour un résultat immédiat, ce qui conduit à chercher des gains rapides, à réagir en fonction des émotions du moment, à valoriser la spontanéité, alors que Dieu désigne la vie éternelle, ce qui nous donne notre valeur, une valeur qui se fonde sur ce qui n’est pas éphémère. C’est une vie qui relève de la logique du don et non du donnant-donnant, cette logique de l’échange qui conduit à la vengeance au lieu de la justice, à la perte et non au salut.

 3. Être l’acolyte du Christ

Si Dieu est notre référence en matière de vie, si Dieu est ce que nous visons pour découvrir notre valeur, cela change la perspective de notre vie. Et c’est pourquoi à ceux qui veulent venir derrière le Christ, Jésus répond qu’ils se trompent. La vie chrétienne ne consiste pas à suivre le Christ, à marcher dans son ombre, mais à l’accompagner. C’est le verbe akoloutheo qui est employé, qui fait des chrétiens des acolytes du Christ, et non des gentils toutous qui le suivraient à la trace. A ceux qui voudraient aller à la suite du Christ, Jésus leur demande de revenir sur leur intention, de changer de perspective, de renier cette folie de vivre dans l’ombre du Christ comme cela avait le cas des disciples durant le ministère de Jésus : c’est Jésus qui rattrapait leurs turpitudes, c’est Jésus qui répondait à leur place ; il était donc utile que Jésus s’en aille, comme il leur dira, afin qu’ils puissent vivre en pleine lumière.

Cela signifie qu’être disciple du Christ c’est être au front. Le chrétien prend sa croix – c’est une métaphore de la responsabilité individuelle. Il se charge de sa responsabilité, chaque jour, et il se lance dans la vie. La vie chrétienne, ce n’est pas un loisir du dimanche matin, c’est une responsabilité quotidienne. Être chrétien, c’est s’engager sur un chemin de vie, un chemin exigent, un chemin parfois raboteux, qui va dans une direction inspirée par Dieu. Celui qui veut aller derrière le Christ, qu’il se renie lui-même, car ce n’est pas la bonne manière d’être chrétien. Être chrétien, ce n’est pas suivre docilement le Christ : il s’agit d’accompagner le Christ, il s’agit d’être à la hauteur du Christ.

Amen

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