Je crois en Dieu


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Proverbes 3/5-8

5 Confie-toi en l’Éternel de tout ton cœur, Et ne t’appuie pas sur ton intelligence ; 6 Reconnais-le dans toutes tes voies, Et c’est lui qui aplanira tes sentiers. 7 Ne sois pas sage à tes propres yeux, Crains l’Éternel, écarte-toi du mal : 8 Ce sera la santé pour ton corps Et un rafraîchissement pour tes os.


Hébreux 11/1-3

1 Or la foi, c’est l’assurance des choses qu’on espère, la démonstration de celles qu’on ne voit pas. 2 C’est à cause d’elle que les anciens ont reçu un bon témoignage. 3 C’est par la foi que nous comprenons que le monde a été formé par la parole de Dieu, de sorte que ce qu’on voit ne provient pas de ce qui est visible.


Jacques 2/19

19 Tu crois qu’il y a un seul Dieu, tu fais bien ; les démons le croient aussi et ils tremblent.

 

Chers frères et sœurs, cela fait donc 1700 ans que s’est tenu le concile de Nicée qui a notamment produit la confession de foi dit « symbole de Nicée ». Vous allez probablement entendre et ré-entendre ce texte composé non pas pour édifier les croyants, mais pour chasser l’hérésie, pour traquer les pensées divergentes. En contrepoint de ce texte qui trace la frontière entre le dehors et le dedans de l’Église officielle du IVè, je vous propose de revisiter un autre symbole. Le symbole des Apôtres commence à apparaître vers l’an 200. On en trouve une première version chez Tertullien (150-220), puis chez des théologiens comme Marcel d’Ancyre (285-374) ou encore  Cyrille de Jérusalem (315-387). Il fait partie des textes auxquels se réfère la confession de foi de La Rochelle, ce texte fondateur de l’Eglise réformée de France en 1559.

  1. Individualisation de la foi

Outre le fait qu’il ait été écrit pour exprimer positivement la foi plutôt que pour exclure les hérétiques, une raison majeure pour laquelle le symbole des Apôtres présente un intérêt et qu’il commence par « Je crois ». La formule latine est devenue classique : credo. Cela fait une grande différence avec le symbole de Nicée qui, écrit en grec, commence par pisteuomen « nous croyons ».

La confiance en Dieu, d’un point de vue biblique, est personnelle. Dans le livre des proverbes, c’est à un individu que l’auteur s’adresse, et non à une communauté. Le livre des Proverbe développe une sagesse individuelle, exercée personnellement. Le livre des Proverbes agit comme le livre du Deutéronome le fera dans sa rédaction finale, en instituant des individus et non un collectif. C’est de « toi » qu’il s’agit, et non de « vous ». L’impératif du livre des Proverbes est au singulier et non au pluriel.

C’est aussi un élément essentiel de la tradition protestante qui considère que la relation à Dieu est individuelle. Le fameux coram Deo de Martin Luther, est une expression qui dit que chacun se tient personnellement devant Dieu. L’Église rassemble des individus qui se tiennent personnellement devant Dieu et qui ne disparaissent pas dans le grand tout de la communauté. Chacun est autorisé à avoir une expression de la foi qui lui est propre et qui ne correspond pas forcément à la foi de l’Église telle qu’elle peut être exprimée dans ses textes fondateurs. Mieux que cela, Luther exprimera à la diète de Worms en 1521, que la conscience personnelle est l’instance décisive. Il dira : Ma conscience est captive de la Parole de Dieu ; je ne peux ni ne veux me rétracter en rien, car il n’est ni sûr, ni honnête d’agir contre sa propre conscience. »

Ce n’est donc pas l’Église qui fait loi, mais notre compréhension personnelle de la Parole de Dieu. Cette confiance que nous avons dans la Parole de Dieu, une confiance individuelle, voilà la foi, qui ne peut donc s’exprimer que par un « Je crois ». Le « nous croyons » est un abus de pouvoir d’une Église qui veut prendre l’ascendant sur les consciences.

  1. Fides qua creditur

Le deuxième élément de cette confession de foi, est le « in ». C’est le plus petit mot de ce texte, c’est l’un des plus importants pour clarifier ce qu’est la foi chrétienne. Jacques l’exprime d’une manière radicale dans son épître : tu crois qu’il y a un seul Dieu ? Tu fais bien, les démons eux aussi le crois. Et ils tremblent ». Croire que, c’est ce que font les puissances démoniaques, c’est-à-dire les forces brutes qui ne sont pas orientées vers un idéal de vie, comme l’Évangile, par exemple.

« Croire que », ce n’est pas la foi. C’est un savoir. Et, au non de ce savoir, on peut se mettre à exercer une violence envers ceux qui sont étrangers à ce savoir. Les ayatollahs de toutes les religions font la chasse à ceux qui ne cochent pas les bonnes cases. Les réformés calvinistes n’ont pas manqué de le faire en exigeant des pasteurs qu’ils signent les canons de Dordrecht (1618-1619) s’ils voulaient continuer à exercer leur ministère. C’était une liste de cinq points[1] jugés fondamentaux, accompagnée de la liste des erreurs qui étaient condamnées, qui fut le moyen d’exclure une partie du corps pastoral. En latin, c’est la fides quae creditur. « Croire que », c’est la foi qu’il faut croire, c’est le catalogue des affirmations qu’il faut tenir pour vraies. C’est cette fides quae creditur qui nous pousse à dire (ou non) : « j’ai la foi ». Comme si la foi était un quelque chose que l’on possède.

Dans le symbole des apôtres, il est question de « croire en », c’est la fides qua creditur. C’est la foi qui croit. C’est la foi qui fait confiance. C’et lorsque nous sommes entièrement saisis par une cause à défendre, par une situation à sauver, par une personne à aimer. D’ailleurs, dit-on « j’ai l’amour » ? Non, on dit « j’aime ». Et cela traduit la disposition de tout notre être. Ce n’est pas un bout de notre intellect qui est concerné : c’est toute notre personne qui est engagée dans cet élan de la confiance, un élan qui nous relie à autre chose que nous. La fides quae creditur, elle, n’a pas besoin de Dieu.

  1. Dieu

C’est autre que nous, c’est Dieu. Deum dans le texte latin, un terme qui renvoi à l’indo-européen deiwos qui désigne le ciel. C’est une formule classique pour désigner ce qui est à la fois plus grand que nous, insaisissable, invisible. Dans la tradition biblique, le ciel désigne, symboliquement, le lieu de Dieu. La foi n’est donc pas tournée vers nous-mêmes et sur un savoir que nous posséderions, un catéchisme dont nous pourrions nous prévaloir. La foi, c’est notre relation personnelle à un autre que nous-mêmes. La foi est d’abord un anti-naricissisme, un anti-égoïsme. C’est l’art de la relation à autrui.

C’est ce que nous explique le verset 8 du livre des proverbes. Lu au plus près du texte hébreu, il déclare au sujet de la crainte de l’Éternel, qui est l’expression hébraïque pour dire « croire en Dieu » : « ce sera la santé pour ton nombril, et une boisson pour tes os. » Croire en Dieu, c’est bon pour notre nombril. N’est-ce pas une vérité déconcertante de modernité ? Bien sûr que la foi est une manière de guérir de notre nombrilisme, pour autant que nous vivions d’une fides qua creditur, et non d’une fides quae creditur.

Dieu comme une boisson pour nos os, c’est-à-dire ce qui nous permettra de ne pas devenir sec, rabougri. Il y a là aussi un enseignement important qui a été développé dans l’épître aux Hébreux. Être humain, c’est être créé, en permanence. Être humain, c’est être infini, en perpétuelle évolution. Nous sommes humains parce que nous n’en finissons pas de découvrir le monde et d’apprendre ce que vivre veut dire.

La foi en Dieu, c’est ce mouvement toute notre personne vers Dieu, un mouvement qui, par définition, nous sort de nous-mêmes, de notre nombrilisme, et qui nous projette dans le monde que nous pouvons alors explorer. Croire en Dieu nous sort de notre suffisance. Par conséquent, la foi en Dieu nous permet d’accéder à une plus grande connaissance du monde, aussi bien visible qu’invisible. « nous comprenons » (Hb 11/3) se dit noomen, en grec. Cela rejoint ce que nous disions la semaine dernière sur la conversion à laquelle Jésus appelait, la metanoia. Si nous nous contentons de ce que nous savons, nous en restons à la connaissance du monde matériel, la connaissance de ce qui est sensible… par nos cinq sens.

Mais la parole de Dieu nous permet d’accéder à la partie non sensible de la vie. L’amour, la liberté, la justice, le pardon, la vie éternelle, la grâce sont autant d’éléments qui constituent bien notre existence, mais auxquels ont accède que par la parole. Et c’est bien la confiance que l’on accorde à la parole de Dieu qui nous permet de comprendre la place que tous ces éléments occupent dans notre histoire.

Si nous nous privons de Dieu, si nous ne faisons pas confiance dans la parole de Dieu, alors nous nous privons de la révélation de tous ces aspects structurants de la vie. La non foi en la parole de Dieu, c’est une vie où l’amour, la liberté, la justice, le pardon, la vie éternelle, et bien d’autres aspects encore, n’ont aucune consistance et donc n’existent pas.

Celui qui fait l’expérience de l’amour, fait l’expérience de Dieu. Celui qui fait l’expérience de la liberté, fait l’expérience de Dieu. Celui qui fait l’expérience de la justice, fait l’expérience de Dieu. Et sa compréhension du monde s’en trouve approfondie. C’est cela la metanoia, la conversion à laquelle le Christ nous appelle.

Ainsi, ce qu’on voit, ne vient pas de ce qui est visible, mais de ce que la parole de Dieu nous révèle. Pour le dire autrement, ce qui nous révèle les aspects fondamentaux de notre humanité est parole de Dieu. Et cela nous permet de ramasser ces enseignements en une formule qui pourrait être la synthèse de l’évangile de Jean : on ne voit que ce qu’on croit.

Amen

[1] La prédestination, l’élection et la réprobation, La mort de Jésus-Christ et la rédemption des hommes, La corruption de l’homme, Sa conversion à Dieu, La persévérance des saints.

One comment

  1. Cette prédication du pasteur James Woody est sans doute à relire et à conserver car elle contient tous les éléments essentiels à la compréhension de la foi au sens le plus large et le plus précis aussi . Cette prédication complète assez bien l’ouvrage de Michel Barlow  » Pour un christianisme de liberté » qui va bien avec le titre du blog et celui écrit par A Gounelle L Gagnebin et B Reymond « Trois parcours pour un christianisme crédible »
    Finalement en divaguant sur le chemin du protestantisme il est possible de rencontrer des témoins et des passeurs qui nous éclairent sur des questions qui au début de ce voyage pouvaient paraître obscurs
    Bertrand Leblond La Motte d’Aigues (Lubéron )

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