Ne pas renoncer à la liberté

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Galates 5/1-12

1 C’est pour la liberté que Christ nous a affranchis. Demeurez donc fermes, et ne vous laissez pas mettre de nouveau sous le joug de la servitude. 2 Voici, moi Paul, je vous dis que, si vous vous faites circoncire, Christ ne vous servira de rien. 3 Et je proteste encore une fois à tout homme qui se fait circoncire, qu ‘il est tenu de pratiquer la loi tout entière. 4 Vous êtes séparés de Christ, vous tous qui cherchez la justification dans la loi; vous êtes déchus de la grâce. 5 Pour nous, c’est de la foi que nous attendons, par l’Esprit, l’espérance de la justice. 6 Car, en Jésus -Christ, ni la circoncision ni l’incirconcision n’a de valeur, mais la foi qui est agissante par la charité. 7 Vous couriez bien: qui vous a arrêtés, pour vous empêcher d’obéir à la vérité ? 8 Cette influence ne vient pas de celui qui vous appelle. 9 Un peu de levain fait lever toute la pâte. 10 J ‘ai cette confiance en vous, dans le Seigneur, que vous ne penserez pas autrement. Mais celui qui vous trouble, quel qu ‘il soit, en portera la peine. 11 Pour moi, frères, si je prêche encore la circoncision, pourquoi suis-je encore persécuté ? Le scandale de la croix a donc disparu ! 12 Puissent-ils être retranchés, ceux qui mettent le trouble parmi vous !

Chers frères et sœurs, ne renonçons pas à la liberté. À travers la communauté des Galates, l’apôtre Paul nous en conjure : ne renonçons pas à la liberté.

Vous me direz : « Qui est contre la liberté ? » C’est vrai, avons-vous jamais entendu quelqu’un dire qu’il était contre la liberté ? A-t-on jamais entendu quelqu’un vouloir se faire élire en se déclarant ennemi de la liberté ? La liberté est entrée dans les mœurs, elle est devenue une sorte de bien commun que personne ne souhaite remettre en question. Mais attention ! Car il y a des manières de défendre la liberté qui reviennent à interdire la liberté en la vidant de sa substance. Et, plus que cela, on peut avoir très facilement la liberté aux lèvres, mais agir aux antipodes de la liberté. C’est ce que l’apôtre Paul entend mettre en évidence.

  1. L’évangile édifie une société libérale

Quand on dit que la liberté va de soi, c’est une illusion. Quand on dit que la société française rend libre, c’est un mensonge. Nous ne faisons pas mieux que les Galates. Évidemment, si nous nous en tenons à une lecture littérale du texte, nous n’avons rien à nous reprocher : nous ne pratiquons pas la circoncision, ou alors de manière marginale. Une lecture littérale de la lettre de Paul peut nous donner bonne conscience, puisque la circoncision ne fait pas partie de nos rituels.

Cependant, pour Paul, la circoncision n’est qu’une illustration d’un mal plus profond. Ce mal, c’est celui d’une société qui fonctionne sur la domination plutôt que sur l’affranchissement. Qu’a fait Jésus, tout au long de son ministère ? Il a affranchi les personnes qu’il croisait. Il a ressuscité leur dignité humaine, il leur a fait découvrir qu’ils étaient capables de se débrouiller et qu’ils n’avaient pas besoin de vivre au crochet de leurs contemporains. Jésus a cassé les liens de dépendance avec les personnes et les structures qui vivent de la soumission des êtres faibles. Et il a renvoyé à leurs familles, à leur histoire, ceux qui voulaient s’accrocher à lui et devenir disciple comme les moules sont disciples de leur rocher.

Une société qui favorise véritablement la liberté, est une société qui fait tout ce qu’elle peut pour affranchir ses membres, c’est-à-dire pour les rendre capables de mener leur vie, de faire des choix personnels, de gérer leurs biens, leur agenda, leurs priorités, sans avoir besoin d’une tutelle. Notre société a plutôt tendance à favoriser tout ce qui rend les structures indispensables.

Plutôt que rechercher l’affranchissement des personnes, notre société travaille pour la pérennité de ses structures. Les Français sont de plus en plus nombreux à avoir besoin d’aide pour subvenir à leurs besoins matériels. Lors de l’hiver 2018-2019, il y a eu 900.000 bénéficiaires des restos du cœur. 1,2 millions en 2020-2021 et 1,3 millions l’hiver dernier. Ce n’est pas de l’autonomisation, c’est de l’aliénation en bonne et due forme. Les Français sont de plus en plus dépendants des structures sociales – et de l’État, puisque les revendications auprès de l’État ne diminuent pas. Notre Église ne fait pas mieux, elle qui cherche la meilleure façon de survivre. Les services d’entraide, eux, se réjouissent que les personnes continuent à bénéficier de leurs bons soins. Dans le même temps, l’administration française ne cesse d’inventer des formulaires et des procédures pour encadrer les personnes, et la loi et les règlements ne cessent de gonfler pour déterminer ce qui est possible et ce qui ne l’est pas. Entraide et administration partout, liberté nulle part.

  1. Le paganisme fait partie des asservissements

Revenons à Paul. Nous pourrions penser que l’apôtre ne s’en prend qu’au légalisme juif qui met de la loi partout. Mais le verset 1 dit autre chose, puisqu’il demande aux Galates ne pas se remettre sous le joug. Or les Galates n’étaient pas des Juifs convertis au christianisme, mais des païens. Cela indique que ce n’est pas le judaïsme qui est visé par la critique de Paul, mais tout ce qui rend les gens esclaves au lieu de les affranchir. Or, le paganisme n’est pas exempt de reproches. À ceux qui ont le reproche facile envers les croyants qu’ils considèrent comme des ennemis de la liberté, Paul affirme qu’il ne suffit pas de n’être ni juif ni chrétien pour être libre, bien au contraire. Le paganisme est à l’origine de bien des servitudes au sujet desquelles les rédacteurs bibliques n’ont eu de cesse de nous avertir. L’Évangile, c’est la libération de toutes les servitudes. Le paganisme, c’est l’aliénation à des servitudes qu’ont tient pour des agents liberté. Le paganisme a développé l’idée que le travail rendait libre, que la nation rendait libre, que la famille rendait libre, que la superstition rendait libre. Ces dernières années, en France, on en est même venu à dire que la première des libertés, c’était la sécurité. Tout cela, bien au contraire, aliène, en devenant des idoles auxquelles nous devrions sacrifier notre vie, notre intelligence, nos amitiés, nos passions.

Le travail est un facteur d’émancipation, car il peut permettre de gagner l’argent qui nous permettra de choisir notre mode de vie, notre alimentation, une part de nos loisirs. La nation est un moyen d’organiser la vie commune en régulant la violence. La famille est un cadre qui peut être précieux pour éduquer les plus jeunes et permettre une solidarité intergénérationnelle auprès des plus vulnérables. La superstition peut donner l’occasion de bonnes rigolades. Quant à la sécurité, il est indéniable qu’elle est nécessaire pour éviter que la société soit une guerre de tous contre tous. Mais quand tout cela devient un but, et non un moyen de mener notre existence en toute liberté, alors c’est la liberté qui en pâtit. Un État policier chargé de faire régner l’ordre et la sécurité, c’est la censure permanente par peur d’être pris en défaut de loyalisme envers l’État et d’être accusé de trahison, de conspiration etc. L’État policier, c’est la terreur en permanence. Le paradoxe est que celui qui choisit la sécurité plutôt que la liberté, perd la liberté et la sécurité.

L’absence de théologie n’est pas un gage de liberté, bien au contraire. La théologie est ce qui permet de distinguer ce qu’il y a d’ultime, dans la vie, de ce qui est secondaire ; elle permet de distinguer ce qui favorise la liberté de ce qui empêche la vie. La foi, dont parle l’apôtre Paul dans ce passage, c’est la confiance que nous accordons à l’évangile de Jésus-Christ qui révèle les forces d’asservissement et les puissances libératrices. Sans la foi, sans avoir la possibilité de nous référer à des paroles qui établissent une carte des points d’appui et des menaces qui pèsent sur la vie, nous sommes comme des enfants sans repères qui se jettent dans les bras de celui qui a le discours le plus rassurant.

Si nous préférons que d’autres pensent à notre place, si nous préférons nous laisser guider par la loi sans nous interroger sur la pertinence de la loi, des règles de conduites dictées par la bienséance ou l’opinion populaire, Christ ne nous sert à rien. Il a vécu pour rien. Il a souffert pour rien. Il en est mort pour rien. Si la sécurité ou la tranquillité a plus d’importance pour nous que la liberté, Christ est réduit à rien, ce qui est la fin de notre liberté.

  1. Résister à la tentation de la soumission

En fait, la foi chrétienne devrait être subversive à l’égard des structures d’asservissement. Mais, elle fait plutôt montre de conformisme. Les chrétiens remplissent sagement les formulaires, ils font certifier leurs comptes par des commissaires aux comptes. Les chrétiens s’accommodent de la propagation de rumeurs et d’informations fausses par des personnes qui n’exercent pas vraiment leur esprit critique alors qu’elles ont des responsabilités. Les chrétiens n’ont pas l’air trop contrariés que la liberté d’expression soit bafouée par des interdictions de toutes sortes. Nous sommes plus préoccupés par l’avenir de nos structures ecclésiales et de nos bâtiments.

Est-ce bien fidèle à l’enseignement apostolique ? N’est-ce pas une manière de se soumettre à un ordre du monde marqué par le goût immodéré pour les structures et les organigrammes qui déterminent qui a le pouvoir, qui l’emporte sur autrui, au lieu de rendre libre ? Et dans ce cas, à quoi bon l’Évangile, à quoi bon la foi ? À partir de l’exemple de la vie chrétienne, Paul nous rappelle que ce n’est pas en ayant quelque chose qu’on est quelqu’un, ce n’est pas par nos œuvres qu’on est quelqu’un. Ce n’est pas la circoncision qui fait de nous quelqu’un. Ce n’est pas non plus le baptême, d’ailleurs, sinon Paul aurait opposé le baptême nécessaire à la circoncision qui ne l’est plus. Tous ces rituels, tous ces dispositifs, tous ces règlements, étouffent l’Évangile qui chercher à nous affranchir, chacun, de tout ce qui bride nos capacités, de tout ce qui nous retient de nous impliquer pleinement dans la marche du monde, dans le fonctionnement de notre société, dans l’avenir de notre communauté.

Or, c’est pour la liberté que Christ nous a affranchis. Demeurons donc fermes, et ne nous laissons pas mettre de nouveau sous le joug de la servitude.

Amen

4 commentaires

  1. Bonjour,

    Oui mais moi je suis dépendant maintenant de vos prédications que je trouve absolument brillantes. J’ai le sentiment de cheminer à chaque fois dans ma foi et mes questionnements. Ça me donne presque envie de déménager.
    Merci infiniment !!

    Jérôme, Mulhouse.

    1. Je vais devoir veiller à ne pas devenir dépendant de vos commentaires élogieux. Sourire.
      A partir de cet été, je serai à Paris-Auteuil, vous aurez plus de facilités pour en profiter en direct. Sourire.

  2. Bonjour, pour ma part c’est l’inverse, je lis les prédications mais je n’ai pas profité de les voir en direct 🙁
    Superbe le paradoxe entre liberté et sécurité…
    Merci,

    Thomas, Montpellier.

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