Dialogue sur la liberté religieuse avec le recteur de la Grande Mosquée de Paris

Dialogue sur la liberté religieuse entre Chems-Eddine HAFIZ, recteur de la Grande Mosquée de Paris et James Woody, pasteur de l’Eglise protestante à Montpellier.

Temple de Maguelone, jeudi 26 janvier 2023

déclaration finale

Quelques questions pour penser la liberté religieuse

  1. est-on libre d’être musulman en France ?

+ Une fois de plus, vous vous êtes tourné vers la justice pour porter plainte, cette fois contre Michel Houellebecq, suite aux propos hostiles qu’il a tenus récemment et sur lesquels vous avez eu l’occasion de vous expliquer avec lui. Être musulman en France, n’est-ce pas être constamment visé par une forme d’hostilité de la société ?

+ Qui dit liberté, dit liberté d expression, notamment à l’égard des religions. À partir de quand une expression contre une religion devient-elle condamnable ?

+ Y a-t-il chez les musulmans français le sentiment que la société est matérialiste, qu’elle se prive délibérément des richesses spirituelles des autres cultures ? La France est-elle « le tombeau de l’esprit, le cimetière des âmes mortes » ? (Abdenour Bidar)

Tillich : « Dieu est au-delà de Dieu » (Dieu est au-delà des représentations qu’on s’en fait) en conséquence de quoi le blasphème est impossible. Quelles seraient les éventuelles limites à la liberté d’expression ?

+ Au regard de la situation de l’islam en France, quels sont les critères pour repérer quand il y a atteinte à la liberté de culte ?

+ Dans Le Monde, en juin 2021, « En France, le régime de la liberté de religion, la laïcité, ne porte aucun frein à la pratique de l’islam ». Mais un musulman est-il vraiment libre de s’exprimer, de réfléchir à haute voix, de faire entendre ses convictions ? Les imams ne se contentent-ils pas de dire ce qui est extrêmement conforme à ce que dit la République.

+ En France, les mosquées sont souvent liées à un pays d’origine, notamment sur le plan financier. Quel degré de liberté par rapport à ces financeurs ?

  1. Qu’est-ce que la religion ?

+ on parle d’islam en France, d’islam de France – quelles seraient les caractéristiques de l’islam français – vers quoi tendent les formations pour les imams ?

+ Peut-on dégager des spécificités à l’islam par rapport aux autres religions ?

+ Religare ou Religere > relecture, réforme, altérité. La religion portée par la théologie n’a-t-elle pas pour vocation de ne pas se conformer au monde présent ni à la société telle qu’elle est – participer aux débats avec son patrimoine théologique ?

+ La laïcité est parfois comprise comme l’autorisation donnée par la société aux croyants de croire tout et n’importe quoi – être croyant, ce serait croire des choses invraisemblables qui défient la raison. Or l’intelligence et la raison sont au cœur des religions monothéistes. En christianisme, il me semble que les Eglises se sont laissé influencer par la religion populaire pour plaire au plus grand nombre, en collant aux images de Dieu véhiculées par la société (par exemple « Dieu tout puissant »). Est-ce que les imams ont tendance à aller dans le sens des images mentales populaires ou y a-t-il de la résistance théologique ?

+ En théologie, le sacré a été décrit comme ce qui fascine et comme ce qui terrifie (Rudolf Otto). L’islam n’est-il pas le meilleur agent du sacré, actuellement ? capable de susciter l’effroi et la fascination en même temps (ceux qui disent que l’islam ne vaut rien semblent obsédés par l’islam).

+ On entend souvent un plaidoyer pour dire à quel point l’islam est compatible avec la République (Tareq Oubrou, Abdenour Bidar, Hassen Chalgoumi, Dalil Boubaker), mais cela ne condamne-t-il pas à se fondre dans la société, comme si l’islam n’avait rien à apporter au présent et au futur ?

 

  1. L’islam est-il agent de la liberté ?

+ points pratiques

Possibilité de changer de religion, sourate de la Vache 2/217 « Ceux parmi vous qui adjureront leur religion et mourront infidèles, vaines seront pour eux leurs actions dans la vie immédiate et la vie future. » Or article 18 de la DDH ?

Un hadith : « celui qui quitte la religion doit être tué » (rapporté par Ibn Abas) –comment juge-t-on qu’un hadith est inauthentique

            Nécessité pour un non musulman de se convertir à l’islam pour épouser un musulman

+ La place des femmes dans l’islam

Quel regard sur Kahina Bahloul ?

Vu de l’extérieur, on a le sentiment que la condition féminine est non seulement inférieure à la condition masculine, mais qu’il y a une forme de soumission de la femme à la gent masculine.

+ Qu’est-ce qui, dans l’islam, a pu conduire à donner une image de religion rétrograde ?

+ L’islam semble être fait de beaucoup de contrainte, en tout cas il y a de la loi, dans l’islam, comme il y en a d’ailleurs dans la Bible hébraïque. La loi est-elle un chemin de liberté, dans l’islam (et dans ce cas, de quoi est-on libéré par les préceptes de l’islam ?)

En christianisme, libération de l’envie d’être un autre, de ne jamais être soi tout en étant libéré de d’une vision où l’autre est un rival et en étant libéré d’une fausse compréhension de soi (on serait autofondé, et on devrait se justifier en permanence d’être là).

+ Peut-il y avoir un islam à la carte, y a-t-il des islams, comme il y a des christianismes, des catholicismes, des protestantismes ?

+ L’islam prône l’ouverture et le respect des autres croyants (109/6  « les infidèles » 1. Dis : « Ô vous les infidèles! 2. Je n’adore pas ce que vous adorez. 3. Et vous n’êtes pas adorateurs de ce que j’adore. 4. Je ne suis pas adorateur de ce que vous adorez. 5. Et vous n’êtes pas adorateurs de ce que j’adore.6. A vous votre religion, et à moi ma religion ».;
2/256 256. Nulle contrainte en religion! Car le bon chemin s’est distingué de l’égarement. Donc, quiconque mécroît au Rebelle tandis qu’il croit en Allah saisit l’anse la plus solide, qui ne peut se briser. Et Allah est Audient et Omniscient. ; 10/99 ; 5/48)

et pourtant les informations que nous avons de la situation des chrétiens dans les pays à majorité musulmane est difficile, si ce n’est impossible. Comment expliquer ce paradoxe ?

+ Les Juifs et les chrétiens ont le récit de l’exode hors de l’Égypte, pays qui symbolise l’esclavage, comme fondement de la liberté. Y a-t-il dans l’islam un récit fondateur de la liberté, un récit qui indique le caractère central de la liberté pour l’islam ?

 

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