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Marc 11/22-24
22 Jésus prit la parole, et leur dit: Ayez foi en Dieu. 23 Je vous le dis en vérité, si quelqu’un dit à cette montagne: Ote-toi de là et jette-toi dans la mer, et s’il ne doute point en son cœur, mais croit que ce qu’il dit arrive, il le verra s’accomplir. 24 C’est pourquoi je vous dis : Tout ce que vous demanderez en priant, croyez que vous l’avez reçu, et vous le verrez s’accomplir.
Chers frères et sœurs, nous avons eu l’occasion d’entendre un passage biblique nous révélant que la prière nous aide à forger la patience nécessaire pour obtenir justice, la patience nécessaire pour venir à bout de ce qui nous empêche de vivre. Cela a été l’occasion pour quelques uns de me dire des situations où leur prière n’a pas été exaucée – des prières qui sont restées sans suite et qui provoquent plus de découragement que de raisons de croire. Voilà pourquoi il est important, aujourd’hui, ne nous pencher sur la question de l’exaucement de la prière car c’est bien le plus grand point d’achoppement que nous connaissons dans notre vie spirituelle. Nous demandons ce qui nous semble juste, et cela n’arrive pas. Nous patientons, mais notre patience ne débouche pas sur les espoirs que nous avions conçus. Autrement dit, Dieu ne nous donne pas nécessairement ce que nous avons demandé avec confiance et sincérité.
Si j’ai choisi ce texte biblique pour entendre ce que Dieu peut nous révéler au sujet de la prière et au sujet de l’exaucement, ce n’est pas pour nous accabler un peu plus en disant que c’est simple : il suffit de croire en Dieu et de demander ce qu’on veut pour l’obtenir. Ce passage biblique me semble très pertinent et bien adapté à nos interrogations, pourvu que nous le lisions dans sa version initiale et non dans les traductions qui sont souvent fautives, gorgées d’idées théologiques qui ne sont pas bibliques.
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Une foi de Dieu
Le premier aspect que ce texte nous fait aborder, c’est la question de la foi. Nous avons vu que la foi est le point de départ de la prière, dans le texte biblique où la veuve vient demander justice. Et ce texte semble nous dire que tout se réalisera pourvu qu’on ait foi en Dieu. Par conséquent, si nos demandes ne sont pas exaucées, il peut nous sembler que cela tient au fait que notre foi n’est pas suffisante, qu’elle n’est même pas de la taille d’une graine de moutarde, pour prendre une image que l’on trouve dans un autre passage biblique.
Mais l’évangéliste ne dit pas que nous devons avoir foi en Dieu – il ne dit pas non plus qu’il ne faut pas avoir foi en Dieu. L’évangéliste dit que Jésus nous recommande d’avoir une foi de Dieu (génitif). Et cela est bien différent. Selon ce texte biblique, il ne s’agit pas d’obtenir une confiance en Dieu, il ne s’agit pas d’élaborer une foi en Dieu qui serait digne d’un chrétien. Cela ne serait pas autre chose qu’une œuvre personnelle qui n’aurait probablement rien à voir avec Dieu. Il s’agit d’avoir une foi de Dieu, c’est-à-dire d’être au bénéfice de la foi de Dieu. Tout à l’inverse de construire la relation à Dieu qui est le plus souvent une relation avec une projection personnelle qui est bien éloignée de Dieu, il s’agit de se laisser gagner par la foi de Dieu, par la confiance de Dieu. Il s’agit de s’ouvrir à Dieu. Il s’agit d’accueillir Dieu qui a confiance en nous, qui a foi en l’humanité. Chose à peine crédible, me direz-vous, mais la théologie chrétienne affirme pourtant la foi de Dieu en l’humanité, au point qu’il a donné son fils Jésus-Christ afin que nous ayons tous la vie en plénitude.
Exprimé avec des formules moins religieuses, cela veut dire que la religion chrétienne pose que nous sommes tous des êtres capables de certains accomplissement, que nous sommes tous en mesure d’être responsables face à la vie, face à ce qui arrive. Avoir cela en tête, c’est ce que nous demande Jésus lorsqu’il dit « ayez une foi de Dieu ». J’ajouterais volontiers « et votre vie ce sera du feu de Dieu ». Le point de départ de la prière, c’est cela : s’ouvrir à cette vérité théologique fondamentale selon laquelle notre dignité humaine est que nous sommes au bénéfice d’une foi de Dieu.
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Croire ce que l’on dit
Le deuxième point qu’aborde ce verset biblique et celui de la foi et du doute. Dans nos traductions habituelles, le doute n’est pas le bienvenu. Il est du côté de la mauvaise attitude. Le doute est manifestement ce qu’il faut corriger dans notre vie spirituelle. En réalité, ce texte biblique parle d’hésitation, lorsque nous n’arrivons pas à nous décider entre deux choix, entre deux jugements (diakrino). L’hésitation est effectivement le signe d’un manque de foi, dans la mesure où la foi est un attachement personnel à ce qui est juste, à ce qui est vrai, à ce qui a un caractère sacré dans mon existence. Si j’hésite, cela signifie que je n’arrive pas à me décider – je n’arrive pas à faire de Dieu le seul Dieu de ma vie.
Ensuite, il y a dans ce verset 23 un malentendu fâcheux qui nous fait croire qu’on peut parler aux montagnes, leur donner des ordres et les montagnes nous obéiront, si nous leur parlons avec foi. Or le texte grec ne dit pas que les montagnes se déplacent d’elles-mêmes. Le texte dit que ce sommet de la vie, ce qui pourrait bien être un obstacle majeur sur notre chemin, peut-être déplacé en englouti – dans la mer.
Je veux dire par là que la prière n’a pas pour fonction de faire disparaître les problèmes comme par enchantement. La prière nous permet de venir à bout des difficultés et de les réduire à néant, ce que symbolise la mer, qui est le lieu du chaos. Autrement dit, la prière ne nous exonère pas de travailler pour régler les problèmes, pour venir à bout des difficultés ; la prière nous rend responsables de telle manière que nous puissions agir pour résoudre les problèmes, pour surmonter les difficultés.
Mais pour que cela arrive, il faut que nous soyons en phase avec ce que nous voulons. Il faut que nous soyons intimement convaincus que notre projet est bon, que notre cause est juste, que nous agissons en vue de ce que Dieu nous révèle comme un horizon de vie. Croire que ce que nous disons advient, c’est avoir foi dans notre parole au point de considérer que ce que nous disons correspond bien à un projet de vivable – nous parlons volontiers de projet viable. Et cela non pas selon des critères matériels, financiers, mais selon l’ordre de Dieu qui nous révèle ce qui est tov, ce qui est vivable, et ce qui ne l’est pas.
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Prier et demander
Enfin, le troisième point qu’il nous faut aborder concerne le fait de demander. Nous savons qu’il n’y a pas que la prière de demande dans la vie croyante. Il y a d’abord la prière d’action de grâces pour dire merci. Il y a la prière de repentance qui nous permet d’accueillir la grâce de Dieu, son pardon. Il y a la prière d’intercession pour porter à plusieurs des situations particulières. Toutes ces prières peuvent contenir des demandes particulières et, parfois, notre prière est tout entière une prière de demande par laquelle nous demandons à Dieu d’intervenir dans le cours de l’histoire humaine.
Mais l’enseignement de Jésus distingue la prière de la demande. Il ne s’agit pas de demander quelque chose à Dieu en priant, mais de prier et de demander. Commencez par prier et, ensuite, vous demanderez. Cela signifie que nous devons prier avant de formuler des demandes. Nous devons d’abord prier pour évangéliser nos envies, pour les métamorphoser en désir Dieu.
On peut tout dire dans la prière. L’exemple des psaumes est très éclairant à ce sujet. Les psaumes parlent de tout, y compris de ce qui n’est pas très glorieux comme sentiment personnel ou comme envie. La prière est un espace de liberté dans lequel nous ne devons certainement pas nous brider, mais, au contraire, laisser libre cours à ce qui nous passe par la tête. Mais cela ne veut pas dire que tout ce qui nous passe par la tête en nous plaçant résolument devant Dieu doit devenir réalité. La prière, le fait de se tenir devant Dieu, c’est confronter toutes nos idées, toutes nos envies, tous nos projets, à l’évangile de Dieu. C’est en faisant cela que nos pensées sont évangélisées.
Nous voulons la guérison d’une personne qui souffre d’un mal incurable. Il n’y a rien à redire à cela. Ce peut être le sujet de notre prière – mais pas de notre demande. La prière nous permettra d’exprimer notre désarroi devant la situation de cette personne. Nous pourrons nous révolter contre ce scandale. Et puis accepter cette situation, non pas en nous résignant, mais en découvrant que ce que nous pouvons accomplir, c’est de vivre avec cette personne comme on vit avec quelqu’un qu’on aime, et pas comme on se comporte avec un condamné à mort.
Je mesure à quel point ces quelques mots que je prononce sont bien abstraits face aux situations que nous vivons tous et qui sont si difficiles à des degrés divers. Parfois, les situations ne sont pas difficiles parce qu’il y a de la souffrance ou parce que la mort rôde, mais parce que nous n’arrivons pas à nous décider entre deux options dont aucune n’est pleinement satisfaisante, dans le domaine du travail, dans le cadre familial, parce que nous ne savons pas comment nous y prendre pour faire acte de réconciliation, pour faire advenir la paix, etc.
Mais c’est justement dans ces situations que la prière est essentielle. Lorsque nous n’y voyons pas du tout clair, lorsque nous sommes dans une situation impossible, il est d’autant plus important de prier pour faire advenir la vérité de la situation, pour que nous percevions ce qui doit advenir. Car c’est à partir du moment où nous pouvons dire ce qui doit advenir, que nous sommes viscéralement attachés à ce qui doit advenir, que nous pouvons le formuler de telle manière que nous recevions la force intérieure pour mener à bien notre existence. Et quand je dis que la prière nous permet de découvrir ce qui peut advenir, il faut dire dans le même temps que la prière nous permet de discerner ce qui ne peut pas arriver. La prière nous permet aussi de faire le ménage dans nos idées qui relèvent de la pensée magique – par exemple une montagne qui se lèverait et se jetterait dans la mer en un clin d’œil. La prière nous permet de ne pas infliger à Dieu des images erronées, par exemple Dieu qui serait capable de détruire des cellules cancéreuses, mais à la condition qu’on lui demande en bonne et due forme – je dis cela en pensant à un pasteur qui, en plein synode, lors d’une prière, a demandé que disparaisse la tumeur que le professeur Raphaël Picon avait au cerveau, et Raphaël est mort deux mois plus tard : ce pasteur avait, en fait, tout simplement oublié de prier.
C’est parce que nous serons en mesure de bien dire ce qui est souhaitable dans la perspective de Dieu, que nous serons en mesure de recevoir ce qui nous est nécessaire. Une fois que la prière nous aura permis de faire la part des choses entre ce que nous voulons et ce qui est désirable selon Dieu, il nous sera possible d’accueillir ce dont nous avons besoin pour orienter notre vie dans ce sens et répondre aux situations auxquelles nous faisons face.
Je termine en revenant sur cette question de l’exaucement pour répondre à la question du départ, « Dieu exauce-t-il ? » Dans la Bible, nous pouvons lire plusieurs textes où il est question d’exaucement, où il est question de Dieu qui exauce, mais dans les traductions françaises. Dans l’hébreu ou dans le grec, il n’est pas dit que Dieu exauce au sens de Dieu qui fait ce qu’on lui demande. Dans l’hébreu et dans le grec, il est question de Dieu qui écoute. Et c’est d’ailleurs cela, le sens premier du verbe « exaucer » : c’est écouter. Oui, Dieu écoute, disent de nombreux textes bibliques, ce qui veut dire que notre prière ne reste pas lettre morte. Nos interrogations, nos doutes, nos élans, nos envies ne restent pas en l’état lorsqu’on les porte dans la prière, lorsqu’on les confronte à ce que l’Évangile nous dit de la vie, du Royaume de Dieu. La prière nous aide à modifier nos envies, nos pensées, pour leur donner une perspective universelle. Le résultat de notre prière devient alors la vérité de notre vie que nous avons reçue de ce travail spirituel qui peut être long. Ce résultat, nous le recevons comme la vérité qui, désormais, nous fera vivre, orientera notre histoire personnelle, et nous fera être. Cela nous ouvrira un avenir, il sera, pour nous. Notre avenir ne sera pas un effondrement, ni un effacement. Tout au contraire, il sera pour nous, un avenir sera, pour nous.
Amen
Cher James
Je suis à moitié ok avec cette prédication
Notamment l’exemple de la mort de Raphael Picon! Une tumeur cérébrale est mortelle! Le pasteur ami aurait plutôt dû prier pour que Raphael et ses proches vivent au mieux cette fin de vie et retrouve au plus vite la lumière après la mort qui ne peut qu’obscurcissement nos vies…
Pour moi la prière ne peut que nous aider à vivre ce que nous avons à vivre et non à changer le cours des événements extérieurs…
J’aime cet instants des prières du Culte et leur « objectif ». J’aime parce que je ne sveux pas exposer telle ou telle détresse pour qu’elle disparaisse mais je demande de savoir donner à cette détresse sa juste place afin de savoir agir en conséquence. Il ne s’agit pas de faire disparaître mais de m’acvompagner afin que je trouve la juste distance
Un grand merci pour ces paroles lumineuses et édifiantes !