David danse devant l’arche d’alliance en pleine assemblée générale

2 Samuel 6/12-22
On vint dire au roi David: L’Éternel a béni la maison d’Obed-Édom et tout ce qui est à lui, à cause de l’arche de Dieu. Et David se mit en route, et il fit monter l’arche de Dieu depuis la maison d’Obed-Édom jusqu’à la cité de David, au milieu des réjouissances. 13 Quand ceux qui portaient l’arche de l’Éternel eurent fait six pas, on sacrifia un boeuf et un veau gras. 14 David dansait de toute sa force devant l’Éternel, et il était ceint d’un éphod de lin. 15 David et toute la maison d’Israël firent monter l’arche de l’Éternel avec des cris de joie et au son des trompettes. 16 Comme l’arche de l’Éternel entrait dans la cité de David, Mical, fille de Saül, regardait par la fenêtre, et, voyant le roi David sauter et danser devant l’Éternel, elle le méprisa dans son coeur. 17 Après qu’on eut amené l’arche de l’Éternel, on la mit à sa place au milieu de la tente que David avait dressée pour elle; et David offrit devant l’Éternel des holocaustes et des sacrifices d’actions de grâces. 18 Quand David eut achevé d’offrir les holocaustes et les sacrifices d’actions de grâces, il bénit le peuple au nom de l’Éternel des armées. 19 Puis il distribua à tout le peuple, à toute la multitude d’Israël, hommes et femmes, à chacun un pain, une portion de viande et un gâteau de raisins. Et tout le peuple s’en alla, chacun dans sa maison. 20 David s’en retourna pour bénir sa maison, et Mical, fille de Saül, sortit à sa rencontre. Elle dit: Quel honneur aujourd’hui pour le roi d’Israël de s’être découvert aux yeux des servantes de ses serviteurs, comme se découvrirait un homme de rien ! 21 David répondit à Mical: C’est devant l’Éternel, qui m’a choisi de préférence à ton père et à toute sa maison pour m’établir chef sur le peuple de l’Éternel, sur Israël, c’est devant l’Éternel que j’ai dansé. 22 Je veux paraître encore plus vil que cela, et m’abaisser à mes propres yeux; néanmoins je serai en honneur auprès des servantes dont tu parles.

Chers frères et sœurs, ce récit de l’arrivée de l’arche dans la cité de David est à comprendre en lien avec le psaume 132. Le fait que le psaume 132 reprenne ce récit de l’installation de l’arche indique que cette procession devint une institution qui fut répétée dans l’Israël ancien (Cf. Mowinckel, The Psalms in Israel Worship I, New York, 1967, p. 174-175). Le psaume 132 donne les mots d’une liturgie qui était répétée, chaque année, à l’occasion d’une fête qui constituait une probable fête du règne de l’Éternel.

Le chef d’Israël arrivait plein d’enthousiasme, précédé par le coffre contenant la loi. On marquait les différentes étapes de cette procession après quoi on distribuait à manger à toute la foule d’Israël. Ainsi, chaque année avait lieu ce grand rendez-vous qui rassemblait tout Israël et que l’on pourrait tout à fait nommer l’Assemblée générale ordinaire. Que nous apprend cette Assemblée générale mise en scène dans 2 Samuel ?

  1. Le roi est nu

Tout d’abord nous apprenons que le roi est nu, ou presque nu. Il n’a qu’un bout de tissu en lin sur les reins. Je laisse à celles et ceux qui tiennent à la lecture littérale des Écritures le soin d’imaginer le gouvernement de notre Église procéder comme c’était le cas au temps de l’Ancien Israël. Dans le fait que le roi est à peine vêtu, nous pouvons comprendre une attitude qui vise la simplicité de vie, l’absence d’apparat et de toute forme de tralala. C’est la simplicité protestante dans toute sa splendeur qui rend nos célébrations et notre vie quotidienne dépouillées de toute pompe, de tout ornement qui nous éloignerait du Dieu de Jésus-Christ qui est glorieux dans la faiblesse humaine, dans la simplicité humaine. Nous pouvons comprendre également la presque nudité de David avec l’expression « le roi est nu ».

Le roi se tient au milieu du peuple sans artifice, sans maquillage, sans cacher quoi que ce soit. Cette assemblée est l’épreuve de vérité. C’est le moment du dévoilement. Tout est présenté. Tout est montré. Tout est exposé, à l’exception de ce qui est du domaine privé et qui n’a pas sa place dans une telle Assemblée. Tout ce qui concerne la vie commune est là, sous le regard enjoué du peuple. C’est le moment où chacun peut faire le point sur l’état du royaume, de la communauté. Le gouvernement s’expose sans détour, sans dissimuler quoi que ce soit. Car ce n’est certainement pas le lieu pour la tricherie ni même pour l’esquive.

  1. Le peuple a la parole

L’autre personnage mis en scène dans ce récit est Mikal, une fille du roi Saül qui a été démis de ses fonctions et qui a laissé sa place à David, selon le récit des livres de Samuel. Mikal, bien évidemment, a du ressentiment à l’égard de David qui a supplanté son père. Comme David le dira, il a conscience d’avoir été choisi par l’Éternel pour prendre la place de son père. Le moins qu’on puisse dire est que Mikal n’est pas dans un rapport de fascination à David. Elle ne participe pas du phénomène de cour qui consiste à ne rien dire au souverain de peur de lui déplaire, de crainte d’être mal vue et de ne plus avoir ses faveurs. Voilà pourquoi elle ne va pas craindre de lui dire sa vérité et de lui faire entendre ce que son comportement a de choquant.

Mikal est une femme libre. Libre du phénomène de cour, libre du qu’en dira-t-on. Certainement n’a-t-elle plus rien à perdre et se sent-elle libre de dire les choses telles qu’elle les analyse et non tel qu’il faudrait les exprimer pour être politiquement correcte. Alors Mikal parle librement, avec un brin d’ironie qui souligne sa contrariété. Le fond de son message est que David est un homme de rien. Il a tout montré, et ce qu’elle a vu lui fait dire que David ne vaut rien. Elle ose dire que le roi est nu et qu’il vaut mieux circuler car il n’y a rien à voir. En se dévoilant, en se mettant à nu, il a révélé qu’il était un homme de rien, que le vide était son nouveau prénom. À ses yeux son bilan vaut zéro virgule nul !

Ce n’est pas seulement parce que David s’est partiellement dénudé que Mikal a ce jugement sévère. C’est parce qu’il s’est dénudé de telle manière qu’il a attiré sur lui l’attention des serviteurs, des petites gens, qu’il reçoit la désapprobation de Mikal. Le reproche qui lui est fait tient à ce qu’il a privilégié sa situation au lieu de servir l’Éternel et de faire porter l’attention en direction de l’Éternel.

Mikal nous rappelle le sens profond de l’Assemblée générale d’Israël, qui n’était pas de magnifier le gouvernement d’Israël, de dresser des lauriers au roi et à sa cour, mais de vérifier que l’Éternel est bien au centre du dispositif ; vérifier que c’est bien l’Éternel qui justifie et non nos actions, nos œuvres. Mikal nous rappelle que le centre de gravité de notre vie spirituelle est Dieu et non ce que nous faisons, ce que nous accomplissons ou n’accomplissons pas. Mikal nous rappelle que l’Assemblée est l’occasion de se replacer devant Dieu, résolument devant Dieu, et de vérifier que notre action, notre emploi du temps, notre manière d’employer nos différentes richesses servent bel et bien Dieu, rendent service à sa création.

  1. David a raison, Mikal n’a pas tort

Ce récit biblique est en tension entre les deux personnages, comme toute Assemblée générale est en tension entre ses deux pôles : le gouvernement et le peuple de Dieu. Le rédacteur biblique ne joue pas un personnage contre l’autre. Il les maintient tous les deux dans une tension commune qui me fait dire que David a raison et que Mikal n’a pas tort.

David a raison de faire preuve de simplicité. Il est un être mortel, de condition semblable à tout autre membre du peuple auquel il appartient. David a raison d’être enthousiaste et de ne pas se parer d’artifices de sorte que ce moment est un temps de vérité précieux dans la vie de la communauté.

Quant à Mikal, elle n’a pas tort d’avoir une attitude critique envers David et de lui faire part de son analyse personnelle. Elle aurait tort de garder cela pour elle et de ne pas aider David à entretenir l’équilibre nécessaire entre engagement personnel et service d’autrui. Mikal n’a pas tort de prendre la parole sur un mode critique pour éviter à David l’autosatisfaction et lui éviter de se complaire dans une gestion du peuple qui pourrait ne pas amener de commentaire particulier, sinon qu’il n’est plus en phase avec l’espérance divine que la Bible nous révèle.

David a raison de célébrer la vie et de se réjouir de toutes ses forces. Mikal n’a pas tort de lui demander des comptes et de l’interroger pour qu’il ne perde pas de vue le sens de sa mission. C’est ainsi que David pourra, effectivement, exercer ses responsabilités avec humilité de telle sorte qu’il fasse honneur à la communauté des serviteurs de l’Éternel.

Amen

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