Matthieu 6/5-8
5 Lorsque vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites, qui aiment à prier debout dans les synagogues et aux coins des rues, pour être vus des hommes. Je vous le dis en vérité, ils reçoivent leur récompense. 6 Mais quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte, et prie ton Père qui est là dans le lieu secret; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. 7 En priant, ne multipliez pas de vaines paroles, comme les païens, qui s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés. 8 Ne leur ressemblez pas; car votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant que vous le lui demandiez.
La vie monacale est loin d’être la voie royale en protestantisme. L’idée de se retirer du monde, au sein d’une communauté, pose à la fois le problème de la présence du croyant au monde – un monde aimé de Dieu et qui, pour cette raison, ne devrait pas être abandonné – et le problème de la vie communautaire qui court le risque de devenir sectaire.
Néanmoins, la spiritualité dont parle Jésus n’est ni une vie en permanence les uns avec les autres, ni une immersion totale dans le monde. Dans ce passage biblique, Jésus invite à se retirer, à s’isoler. Jésus invite à l’attitude monacale qui consiste à être seul, en grec nous dirions à être mono… à être moine. La vie monacale fait partie intégrante de la spiritualité chrétienne qui pose que la seule instance qui vaille, c’est l’individu. Jésus n’est pas venu pour fonder une Eglise, il n’est pas venu pour renforcer la religion juive qui était la sienne : Jésus s’est efforcé de donner de la consistance à la spiritualité de chaque personne qu’il rencontrait.
« Lorsque vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites qui aiment (…) se montrer aux hommes… (v.5) ». Jésus encourage au face à face avec Dieu sans intermédiaire et sans témoin. Seul face à Dieu ; seul face à ce qui a un caractère ultime dans la vie ; sans se faire influencer par le regard des autres, sans se faire influencer par les effets de mode, sans subir de pression, sans intégrer le « qu’en dira-t-on ? » dans son attitude intérieure. En se retirant, celui qui prie peut s’affranchir du conformisme ; il peut faire droit à sa singularité ; il peut développer sa personnalité et la porter à son incandescence en se tenant face à ce qui est fondamental et non ce qui est secondaire.
La prière ne sert pas à demander à Dieu de faire ceci ou cela : « votre Père sait de quoi vous avez besoin avant que vous lui demandiez » (v.8) est une phrase de Jésus qui indique bien que la prière ne consiste pas à orienter une action divine. La prière consiste à se mettre à l’écoute de Dieu, à l’écoute de la vie authentique, de la vie véritablement humaine. La prière consiste à laisser la vie se révéler dans notre propre vie. La prière consiste à découvrir la vie qui nous convient, découvrir ce qui nous correspond, découvrir qui nous sommes appelés à être.
Si l’Esprit désigne notre capacité à nous mettre en relation les uns avec les autres pour découvrir des aspects de la vie auxquels nous n’aurions pas pensé, seul, si la vie de l’Esprit consiste à enrichir notre propre vie de l’expérience des autres chercheurs de vérité, la spiritualité a aussi besoin de ces moments de retrait, de ces moments monacaux, où nous pouvons réunir tout ce que nous avons cueilli, ou, pour le dire avec un terme plus théologique, nous recueillir. Se recueillir, c’est cueillir et rassembler ce que nous avons cueilli. C’est le moment de faire un avec tous les aspects de notre vie quotidienne. C’est le moment de dire oui à notre vie au lieu de se conformer à la vie des autres qui nous correspondent si peu.
Etre moine, de temps en temps, c’est opter pour une vie sur mesure plutôt que pour le prêt à porter, le prêt à croire, le prêt à penser qui nous contraignent à avoir une vie mal fichue. Faire valoir ses talents, prendre son grabat et marcher, ouvrir ses yeux sur le monde, ne plus être considéré comme un lépreux ou un pestiféré dirions-nous aujourd’hui… Jésus a été de ceux qui ont rendu la vie à celles et ceux qui en étaient privé ou qui étaient confinés dans une vie réduite, une vie en sous-régime.
L’attitude du moine consiste à retrouver la liberté d’être soi pour être entièrement disponible ensuite à ce que la vie offrira en termes de rencontres, de défis, de projets, de gestes de solidarités possible, en termes de créativité. Comme le disait Henry Thoreau : « si je ne suis pas moi, qui le sera ? »
Le monde n’a pas besoin d’une armée de clones ni de pantins standardisés. Le monde a besoin de chacun de nous, fort de ses compétences particulières, fort de son désir unique en son genre, fort de sa sensibilité personnelle, fort de son caractère dont l’équilibre n’appartient qu’à nous. Le monde a besoin de chacun de nous avec sa manière propre d’incarner l’espérance de Dieu, comme le corps a besoin de chacun de ses membres aux fonctions spécifiques. Il y a un temps pour se retirer et un temps pour être au monde. Il y a un temps pour cueillir de quoi faire notre vie et un temps pour rassembler ces gouttes de grâce.
C’est si juste, nous sommes vites embarqués à adopter « le prêt à porter, le prêt à croire et le prêt à penser ». Se laisser porter par des idées fortes et convainquantes, est confortable et sûr, mais cela ne correspondance pas forcément à ce que nous sommes réellement au fond de soi. Je me demande toujours pourquoi nous n’avons pas cette force de rester nous même parfois.
vite…convaincante…correspond.. ha ! les fautes d’étourderie !