Protéger, Pourvoir, Permettre

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Marc 10/13-16

13 On lui amena des petits enfants, afin qu’il les touchât. Mais les disciples reprirent ceux qui les amenaient. 14 Jésus, voyant cela, fut indigné, et leur dit: Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les en empêchez pas; car le royaume de Dieu est pour ceux qui leur ressemblent. 15 Je vous le dis en vérité, quiconque ne recevra pas le royaume de Dieu comme un petit enfant n’y entrera point.16 Puis il les prit dans ses bras, et les bénit, en leur imposant les mains.

Chers frères et sœurs, cet épisode biblique est bien connu des parents qui ont raison d’y voir un encouragement à prendre soin de leur progéniture et à leur offrir, dès leur plus jeune âge, ce qu’il y a de meilleur. Mais quel est ce meilleur que nous pouvons offrir à nos jeunes ? Ce passage biblique peut nous servir d’aide-mémoire quand nous ne savons plus très bien que faire pour nos jeunes pousses. En effet, l’attitude de Jésus nous invite à développer nos soins de trois manières, selon trois axes qui sont fondamentaux pour les aider à se développer et qui se disent en trois verbes que j’emprunte à Pierre Lassus : Protéger, pourvoir, permettre.

  1. Protéger

Contre toute attente, en particulier l’attente des disciples, Jésus va embrasser les petits enfants. Contrairement à l’idée que nous pourrions nous faire de cette attitude, cela ne veut pas forcément dire que Jésus va poser ses lèvres sur eux. Le terme grec enagkalizomai désigne ce qu’embrasser veut dire d’un point de vue étymologique : prendre dans les bras. Ce geste, fort affectueux, est un geste de protection. C’est le geste de l’adulte qui prend l’enfant dans ses bras pour le consoler, pour l’apaiser si nécessaire, pour lui donner un fort sentiment de sécurité.

Jésus protège les enfants. C’est le premier point à noter. C’est un point essentiel, d’autant plus essentiel que le petit d’homme, contrairement à la plupart des mammifères, mettra des années à pouvoir assurer sa propre protection. Ici, Jésus rappelle, en un geste, qu’un enfant est vulnérable. Certes, il n’attendra pas 18 ans pour être pénible de temps à autre, pour faire preuve d’un fort caractère et pour essayer de mener son monde à la baguette. Mais, pendant des années, un enfant reste fragile pour deux raisons. La première raison est qu’il n’est pas autonome. Il lui faudra des années pour savoir manger tout seul et encore plus d’années pour apprendre à cuisiner tout seul et encore quelques temps pour faire lui-même les courses qui lui permettront de cuisiner (sans parler du temps qu’il lui faudrait pour apprendre à cultiver, à élever, si nous voulions qu’il soit tout à fait autonome). Un enfant met du temps à se débrouiller seul. Cela a pour conséquence que si nous ne le protégeons pas, il sera à la merci de tous les dangers, à commencer par le danger de la famine.

La seconde raison tient justement au danger et, plus spécifiquement à la conscience du danger. Cette conscience s’éveillera petit à petit. La prise de conscience du danger se fera par exemple par les mises en garde de ses parents, de son parrain ou de sa marraine, de quelques adultes bienveillants, à l’image de Dieu qui, au moment où Adam et Eve vont prendre leur envol, leur adresse quelques paroles d’avertissement pour qu’ils sachent ce qui va leur arriver et qu’ils soient prêts à faire face à leur nouvelle vie, sans une conscience auxiliaire qui balisera leur chemin à chaque instant. La prise de conscience pourra se faire aussi par quelques expériences par lesquelles l’enfant apprendra que le feu, ça brûle ; qu’il faut se couvrir quand il fait froid sans quoi on tombe malade ; qu’il y a une force qu’il saura un jour nommer force de gravitation, qui nous attire vers le bas etc.

Ce texte biblique nous rappelle que l’éducation que nous pouvons offrir à nos enfants commence par les protéger des dangers qui les menacent, dont ils ne se rendent pas forcément compte, sachant que le premier danger c’est eux-mêmes, du fait de leur joyeuse insouciance qui peut les conduire dans des situations compliquées à gérer à leur âge. Il y a là un long et patient travail d’éducation qui consiste aussi à faire prendre conscience des conséquences de nos actes.

  1. Pourvoir

Toutefois, il ne suffit pas de protéger nos enfants. Un enfant qui vivrait constamment dans un cocon ne deviendrait pas un adulte pour autant. Il faut pourvoir à ses besoins. J’ai indiqué la question de l’alimentation qui nous incombe jusqu’au moment où il saura se débrouiller pour s’alimenter tout seul, y compris tenir un budget, mais il y a bien d’autres aspects sur lesquels nous devons agir en donnant à nos enfants ce qui leur sera nécessaire pour grandir physiquement et intérieurement, ce que la Bible exprime d’une belle manière en disant « grandir en stature et en sagesse ».

C’est ce que fait Jésus en bénissant les enfants qu’il vient de prendre dans ses bras. Il leur donne les paroles nécessaires pour qu’ils puissent devenir adultes, pour qu’ils puissent se prendre en main tout seul, pour qu’ils puissent accéder à leur pleine majorité. Souvenons-nous que bénir, cela ne veut pas seulement dire du bien (ce qui n’est déjà pas si mal quand on pense à tous ceux qui ont une mission d’éducation et qui disent du mal, qui humilient les personnes qui leur sont confiées et, ce faisant, les empêchent de grandir en leur admonestant des prophéties auto-réalisatrices en forme de « tu es nul », « tu me fais honte », « tu me pompes l’air » et bien d’autres expressions toutes pires les unes que les autres). Bénir, c’est également bien dire, ce qui revient à dire la vérité d’une bonne manière. Quand Jésus bénit les enfants, il leur dit leur vérité, peut-être leurs quatre vérités, non pas sur un mode de reproches, mais sur le mode de la promesse. Bénir, c’est ouvrir l’avenir, c’est faire entrevoir ce qui est possible, ce vers quoi l’interlocuteur peut s’engager.

Quand Jésus bénit les enfants, il leur donne les moyens de pouvoir comprendre le monde qui les entoure, les moyens de pouvoir s’orienter et de donner du sens à leur vie. La vie est tellement complexe, faite de choses visibles et de choses invisibles… pour un enfant, la vie est proprement incompréhensible. Il faut donc l’aider à décrypter ce qu’il observe et ce qu’il est susceptible de découvrir au fil du temps. Et quand il grandit, il est précieux de l’aider à comprendre ce qui se passe en lui, ce qui est en train de changer. Son corps change, ce qui peut être très effrayant. Son caractère change, ce qui peut être particulièrement troublant. Ses idées évoluent, ce qui peut être bouleversant. Pouvoir mettre des mots sur les émotions, pouvoir mettre des mots sur les expériences, sur les réactions des uns et des autres, c’est aider l’enfant à ne pas être submergé par le cours des événements. C’est ce que fait la Bible à longueur de pages. Plutôt que voir la Bible comme un grand code, comme un règlement qu’il faudrait suivre à la lettre pour devenir quelqu’un de bien, il convient de voir la Bible comme une grande carte topographique qui nous aide à révéler ce que nous avons sous les yeux : le monde, les relations humaines, les puissances sourdes et néanmoins à l’œuvre dans l’histoire.

Pourvoir aux besoins de nos enfants, c’est non seulement leur offrir le gîte et le couvert, quelques vêtements qui, bien choisis, leur permettront de développer un goût vestimentaire qui leur sera utile plus tard. C’est aussi leur offrir les éléments culturels, symboliques, qui les rendront plus humains. La découverte des langues, la sensibilisation aux différentes formes d’art, l’apprentissage des sciences, le développement de la spiritualité… tout cela contribue à nous rendre plus humains. Et, si Jésus précise que « quiconque ne recevra pas le royaume de Dieu comme un petit enfant, n’y entrera point », c’est parce qu’une vie épanouie est une vie où n’en finissons pas de faire des découvertes et d’apprendre encore et encore. En christianisme, la curiosité est une grande qualité dans la mesure où elle est la traduction de notre désir de comprendre, de savoir, d’apprendre, d’élargir notre champ de connaissance et notre champ d’intérêt. Et plus nous pourvoyons auprès des enfants en matière d’éducation dans les différents domaines de l’existence, plus le désir de découvrir augmente et plus le plaisir d’apprendre s’aiguise.

  1. Permettre

Toutefois, il ne suffit pas de remplir nos enfants d’un maximum de connaissances pour qu’ils deviennent adultes. Autrement ils ne seraient que des ordinateurs qui sont capables de stocker bien plus d’informations que nous. Un enfant a besoin de développer sa singularité. Et, pour cela, il a besoin de devenir libre. C’est la raison pour laquelle le troisième point à retenir est qu’une éducation chrétienne consiste à permettre à l’enfant de frayer son propre chemin. Permettre, c’est offrir à l’enfant la liberté d’essayer des idées, des analyses, des chemins, qui seront peut-être des impasses, mais qui lui permettront d’avancer aussi loin que ses capacités le permettront.

C’est d’ailleurs la première réaction de Jésus : « laissez venir à moi les petits enfants », dit-il aux disciples qui considéraient qu’ils n’étaient pas dignes de se rendre auprès du maître. « Ne les empêchez pas » ajoute Jésus qui a dû assister plus d’une fois à ces scènes où les adultes, souvent bien intentionnés, pensent que le moment n’est pas encore venu pour l’enfant de faire ceci, d’essayer cela etc. Quand l’adulte n’est tout simplement pas jaloux du potentiel de l’enfant, il le bride en pensant qu’il n’est pas encore prêt pour telle activité. Certainement on ne peut pas tout faire à n’importe quel âge. Ce serait absurde de vouloir qu’un enfant de deux ans apprenne à conduire un autocar. Mais il ne faudrait pas attendre qu’un enfant soit prêt à faire quelque chose pour qu’il commence à le faire. Par exemple, un enfant, pour savoir manger proprement, commencera par s’en mettre partout. C’est repas après repas qu’il parviendra à atteindre le dessert en conservant un bavoir immaculé. Si nous attendions le moment où un enfant serait en mesure de manger proprement pour lui laisser la fourchette et la cuiller, il est probable qu’il lui faudrait plusieurs vies pour espérer construire un jour sa propre maison.

Jésus n’est pas dupe. Il sait pertinemment que les enfants n’ont pas le même niveau de connaissance que ses disciples. Mais, c’est justement en ne les maintenant pas à distance du savoir que cette différence pourra se résorber. Allons plus loin, c’est à la condition de pouvoir se tromper qu’un enfant sera véritablement capable d’apprendre. Si nous empêchons nos enfants de faire des erreurs, de se salir, d’abîmer ceci ou cela, si nous ne laissons aucune marge de manœuvre, aucun degré de liberté par lequel il se pourrait, effectivement, qu’il y ait quelques échecs, nous les condamnons à ne pas être libres de faire des découvertes. Les sciences ont bien souvent fait des progrès grâces aux erreurs ou aux négligences. Songeons à la découverte de Pasteur…

Frères et sœurs, protégeons nos petits, pourvoyons à tous leurs besoins et permettons leur d’explorer le monde, et le Royaume de Dieu sera un peu plus proche !

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