Le psaume 23, un psaume pour nous accompagner tout au long de notre vie, dès les premiers jours


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Psaume 23

1 L’Éternel est mon berger : je ne manquerai de rien. 2 Il me fait reposer dans de verts pâturages, il me dirige près des eaux paisibles. 3 Il restaure mon âme, il me conduit dans les sentiers de la justice, à cause de son nom. 4 Quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi : ta houlette et ton bâton me rassurent. 5 Tu dresses devant moi une table, en face de mes adversaires ; tu oins d’huile ma tête, et ma coupe déborde. 6 Oui, le bonheur et la grâce m’accompagneront tous les jours de ma vie, et je reviendrai dans la maison de l’Éternel jusqu’à la fin de mes jours.

Chers frères et sœurs, que souhaiter de mieux pour son enfant que le bonheur et la grâce ? C’est par ces mots que s’achève ce psaume 23 qui évoque la vie comme un pèlerinage. La vie peut être comprise comme un pèlerinage. Un pèlerinage qui nous conduit de lieu en lieu, mais aussi un pèlerinage intérieur, qui nous permet de camper dans de nouveaux lieux, sur de nouvelles positions, d’évoluer dans nos convictions, dans le regard que nous portons sur la vie. Et, tout au long du pèlerinage qui nous conduit vers la demeure de Dieu, il y a cette affirmation selon laquelle le bonheur et la grâce nous accompagneront.

  1. La vie n’est pas un cadeau empoisonné

Le premier élément notable est que ce psaume nous dit que la vie n’est pas un cadeau empoisonné. En ce jour où Énora a été présentée à notre communauté devant Dieu, nous lui avons affirmée qu’elle est, justement, au bénéfice de cette grâce de Dieu qui l’accompagnera en toutes circonstances, aussi bien auprès des eaux paisibles, lorsque la vie sera douce, qu’à travers la vallée où règne l’ombre de la mort, lorsque la vie sera vraiment mortelle.

La foi chrétienne, c’est cet attachement viscéral au fait que la vie est l’occasion d’un bonheur possible, d’une joie permise. En faisant venir Énora au monde, vous lui offrez la possibilité d’éprouver toutes les satisfactions qu’elle voudra bien accueillir dans son existence. Elle ne vient pas au monde condamnée à subir une histoire qui la rendra malheureuse ou qui la rendra esclave ; elle ne vient pas au monde pour vous combler ; elle ne vient pas au monde pour payer votre future retraite ; elle vient au monde pour entreprendre le pèlerinage qui lui permettra d’habiter dans la maison de Dieu, c’est-à-dire d’avoir une existence qui corresponde à ce qui lui ira le mieux, une existence qui correspondra à ses goûts, à ses capacités, à sa vocation personnelle.

  1. S’asseoir sereinement face aux difficultés

Bien entendu, il y aura des difficultés. La Bible ne nous cache rien des aspects pénibles de la vie. La Bible est même constellée de passages que nous évitons de lire parce qu’ils ne sont pas très heureux. Il y a de nombreux passages sordides, épouvantables, où la violence et l’injustice confinent à la barbarie totale. Cela existe. Cela est possible. Et la foi chrétienne n’est pas une garantie que rien de fâcheux ne nous arrivera. Je serais presque tenté de dire l’inverse : la foi chrétienne nous sensibilise aux questions de justice, de paix, de liberté, tant et si bien que nous sommes particulièrement sensibles à toutes les situations où la justice, la paix, la liberté, sont malmenées voire anéanties. La foi chrétienne, en nous rendant sensibles à ce qu’est une vie bonne, nous rend sensibles du même coup, à ce qu’est une vie insupportable.

Cela ne signifie nullement que la vie d’Énora sera malheureuse. Énora sera sensible aux malheurs, mais elle saura, également, que les situations difficiles ne sont pas le point final de notre histoire, ni de sa propre histoire. En compagnie de son berger, elle saura qu’elle pourra traverser la vallée de l’ombre de la mort, qu’elle pourra traverser tous les déserts, toutes les nuits aussi. Elle pourra s’asseoir face à l’adversité, pour reprendre les mots du psaume, car elle saura qu’elle peut faire face à l’adversité. Elle pourra regarder la vie droit dans les yeux, même lorsque la vie ne présentera pas un visage attrayant, car son berger divin lui donnera le courage d’affronter toutes les situations.

  1. Être force de vie

Le moment est venu de nous intéresser plus précisément à ce bonheur et cette grâce qui est promise à chacun d’entre nous, pour voir de quelle manière cela impacte notre quotidien.

La grâce, c’est la khesed, en hébreu. C’est le fait de prodiguer à quelqu’un ce qui lui est nécessaire pour mener sa vie dans toutes les dimensions. C’est le caractère inconditionnel de l’amour qui offre à quelqu’un ce qui lui sera profitable pour accomplir sa destinée. C’est Dieu, comme ressource inépuisable de défis à relever pour rendre notre vie plus intéressante, de possibilités de donner des inflexions à notre quotidien, de lui donner de la couleur, de la saveur. C’est le fait qu’Énora peut pratiquer le sport qui lui convient, jouer de l’instrument de musique qui la ravira, parler les langues qui lui seront utiles ou agréables, choisir son orientation professionnelle, ses lectures, ses engagements associatifs et c’est le fait qu’elle sera libre d’avoir avec Dieu la relation de confiance qu’elle voudra.

Le bonheur, c’est tov, en hébreu. C’est ce mot qui ponctue le récit de la création en Genèse 1, quand nos traductions françaises disent au sujet de Dieu qu’il vit que cela était bon – tov. J’ai eu l’occasion à de multiples reprises de vous dire qu’il vaudrait mieux traduire tov par « vivable » : Dieu vit que cela était vivable. Oui, le monde est vivable. Notre existence n’est pas destinée à être une peine éternelle, explique Genèse 1. Ce tov accompagnera donc Énora comme il nous accompagne, au jour le jour.

Cela veut dire qu’Énora est dotée de tout ce qui lui permettra de répandre la vie en abondance autour d’elle. Elle sera en capacité d’injecter de la vie, une vie vivable, et même très vivable, là où ça sent le moisi, le rance, là où plus personne n’aurait envie de vivre. Elle sera une puissance de vie là où tout flétrit, là où l’espérance n’est plus qu’un vague souvenir pour autant qu’elle ait un jour pris ses quartiers. La foi chrétienne, c’est avoir conscience que nous sommes riches de cette capacité à poursuivre la création du monde, en injectant du tov ici et là, tout autour de nous, dans la vie de ceux dont nous croisons la route, une route qui est peut-être accablante pour eux, et qui le sera moins après que nous les aurons rencontrés. Nous avons cette capacité de faire reverdir le quotidien de ceux qui dont la vie est devenue aride, ces gens qui sont devenus aussi secs que les ossements qui jonchaient la vallée où le prophète Ézéchiel fut un jour transporté. Elle aussi aura cette capacité à souffler sur toutes les sécheresses, à prophétiser sur toutes les pauvretés, sur toutes les misères, pour ressusciter le goût de la vie, pour ressusciter l’appétit de la liberté.

  1. Être au bénéfice du tov et de la khesed de nos aînés

Cela sera possible dans la mesure où elle aura été gavée d’huile et nourrie à satiété, par vous, ses parents, par l’ensemble de sa famille, qu’elle soit biologique ou spirituelle. Trop souvent, on fait de ce psaume le texte à lire pour nos obsèques. Funérailles ! Comme on dit sous nos latitudes. Ce texte nous parle de notre aujourd’hui, pas de ce qui nous arrivera une fois que nous serons morts et enterrés. C’est dès à présent que nous devons faire en sorte qu’Énora regorge de l’huile qui symbolise l’amour de Dieu. Le verbe employé n’est pas oindre au sens où l’on mettrait un peu d’huile sur le front de quelqu’un, ce qui en ferait un messie, ou un christ. Le verbe dashen signifie rendre gras. Cela signifie qu’il ne faut pas lésiner sur l’amour à prodiguer à Énora, car c’est la manière d’incarner la grâce divine, de faire pénétrer la grâce divine au plus intime de son être. Il nous appartient de la stimuler, de développer ses liens de confiance, de lui offrir des points d’appui, de reconnaître ses talents, de lui ouvrir les yeux sur tous les aspects de la vie qui sont tov, et même tov me’od (très vivables). Et de le faire encore et encore jusqu’à ce qu’elle dégouline de tout ce qui rend une vie excellente.

Il nous appartient aussi de remplir sa coupe de khesed, de lui offrir des occasions d’apprendre, de lui donner de l’affection, de la consolation quand ce sera nécessaire, des encouragements quand elle fera face à des situations compliquées, de lui donner les codes de la vie en société, en Église, dans le monde du travail. Et de lui donner encore, jusqu’à ce que ça déborde.

C’est en étant une figure de berger à part entière qu’Énora aura les moyens d’habiter dans la maison de l’Éternel, c’est-à-dire, comme pour chacun d’entre nous, d’éprouver les douceurs et la puissance de la présence de Dieu, de ce que la vie recèle de beauté et de raisons d’œuvrer pour la rendre encore plus belle.

Amen

Henri Cueco
Chiens courant, 1993

Exposé au Mo.Co (Montpellier Contemporain) dans le cadre de Musées en Exil

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