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Hébreux 11/1-3, 23-29
1 Or la foi est une ferme assurance des choses qu’on espère, une démonstration de celles qu’on ne voit pas. 2 Pour l ‘avoir possédée, les anciens ont obtenu un témoignage favorable. 3 C’est par la foi que nous reconnaissons que le monde a été formé par la parole de Dieu, en sorte que ce qu ‘on voit n’a pas été fait de choses visibles. 23 C’est par la foi que Moïse, à sa naissance, fut caché pendant trois mois par ses parents, parce qu’ils virent que l’enfant était beau, et qu’ils ne craignirent pas l’ordre du roi. 24 C’est par la foi que Moïse, devenu grand, refusa d’être appelé fils de la fille de Pharaon, 25 aimant mieux être maltraité avec le peuple de Dieu que d’avoir pour un temps la jouissance du péché, 26 regardant l’opprobre de Christ comme une richesse plus grande que les trésors de l’Égypte, car il avait les yeux fixés sur la rémunération. 27 C’est par la foi qu’il quitta l’Égypte, sans être effrayé de la colère du roi; car il se montra ferme, comme voyant celui qui est invisible. 28 C’est par la foi qu’il fit la Pâque et l’aspersion du sang, afin que l’exterminateur ne touchât pas aux premiers-nés des Israélites. 29 C’est par la foi qu’ils traversèrent la mer Rouge comme un lieu sec, tandis que les Égyptiens qui en firent la tentative furent engloutis.
Chers frères et sœurs, vous avez appris de Victor Hugo qu’il appartient à la famille d’éduquer les enfants et à la nation de les instruire. L’Église qui s’efforce d’accompagner les familles vers la terre promise avec l’aide de Dieu, ne peut que se soucier de la question de l’éducation familiale. L’Église doit donc s’interroger sur la part qu’elle peut prendre en matière d’éducation et, ce faisant, la première chose qu’elle peut faire, c’est d’aider les familles à s’interroger sur leur propre responsabilité. En tant que parent, quelle est notre responsabilité en matière d’éducation ? L’Église est un bon lieu pour se poser cette question, pour prendre le temps de réfléchir à ce que peut être notre compagnonnage d’adulte avec Gustave, pour aborder les choses de manière très concrète.
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Voir l’invisible
Le premier aspect auquel ce texte nous rend sensible, c’est la capacité à voir l’invisible. L’une de nos responsabilités, en tant qu’adulte, c’est de faire voir l’invisible aux plus jeunes d’entre nous. Notre responsabilité est d’aiguiser leur regard de telle manière qu’il puisse observer ce qui n’est pas visible dans notre monde.
Ce qui n’est pas visible à l’œil nu, ce peut être tout ce qui est d’une taille telle que nous ne pouvons pas le voir. On peut penser à l’infiniment petit avec les atomes, on peut penser à ce qui est lointain avec les galaxies, on peut penser à ce qui est très grand comme une ville, un pays, notre Terre. Mais tout cela devient visible avec un appareillage adapté. La technologie nous permet d’accéder à ces aspects de la vie qui sont des aspects matériels.
Ce passage biblique nous amène plutôt à penser aux dimensions non matérielles de l’existence. Ainsi, vous pouvez avoir tous les télescopes que vous voudrez, ce n’est pas cela qui vous permettra d’observer la liberté. Vous pouvez disséquer quelqu’un, vous ne parviendrez jamais à placer son âme sous un microscope. Il ne vous sera pas possible de photographier l’amour. Tout au mieux en verrez-vous les effets. Or tout cela et bien d’autres choses encore, les émotions par exemple, sont des éléments essentiels de notre vie et, ne pas en tenir compte, c’est manquer une grande part de la vie.
L’éducation commence par révéler aux plus jeunes que nous ne sommes pas que des êtres de chair. Nous sommes aussi des êtres spirituels, ce qui est une manière de dire que nous avons une vie intérieure, avec des pensées, des émotions, et une mémoire de ce que nous avons entendu, de ce que nous avons vu, de ce que nous avons ressenti. Ne pas tenir compte de cela, c’est en rester à une approche matérielle de la vie qui sera incapable de nous permettre de comprendre le fonctionnement du monde dans toute son étendue.
C’est ce que nous fait réaliser le rédacteur de la lettre aux Hébreux qui précise que « c’est par la foi que nous comprenons que le monde a été formé par la parole de Dieu de sorte que ce qu’on voit ne provient pas de ce qui est visible (v. 3) ». Cette phrase est encore plus intéressante si nous restons au plus proche du texte grec, puisqu’elle dit que, par la foi, nous avons l’intelligence de l’éternité conçue par la parole de Dieu jusque dans ce qui existe sans être manifesté à la vue.
Ce ne sont pas les yeux qui permettent de prendre conscience de Dieu, ce sont les témoignages des anciens. C’est par la parole que nous pouvons éduquer les plus jeunes de telle manière qu’ils soient sensibles aux aspects non matériels de la vie qui ne sont pas moins importants au prétexte qu’on ne les voit pas, bien au contraire. Les textes bibliques ont été rédigés pour nous aider à prendre conscience de ces aspects non visibles, des mécanismes à l’œuvre dans l’histoire humaine, des points d’appui ou des points faibles de la société humaine. Les personnages bibliques dont parle ce texte nous permettent de découvrir ce qu’est la justice, le plaisir, les menaces, la vocation, la promesse, la descendance, la bénédiction, la puissance, l’accueil inconditionnel etc. toutes choses constitutives de la vie éternelle, c’est-à-dire dire de la vie vécue devant Dieu. Dieu désigne la possibilité de ne pas se contenter d’une vie qui est soumise aux besoins matériels et qui ne s’intéresserait qu’à cela. Dieu désigne une vie qui est conduite hors des seules considérations matérielles, autrement dit une vie qui est éduqué – conduite hors de l’état naturel des choses. Gustave n’est pas qu’un estomac sur pattes. Il est aussi un être capable de s’intéresser à ce qui constitue la patrie céleste (v. 16), selon l’expression de la lettre aux Hébreux, ce que nous appelons aussi la vie spirituelle.
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Forger une espérance
De cette initiation à la dimension spirituelle de la vie découle le deuxième élément de l’éducation que nous pouvons prodiguer à Gustave pour en faire un adulte au plein sens du terme, c’est de l’aider à forger une espérance. La foi, c’est l’assurance des choses qu’on espère (v. 1), dit ce passage biblique dès le départ.
Nous pouvons observer cela à travers le résumé de la vie de Moïse que vous retrouverez dans le livre de l’Exode, le deuxième livre de la Bible. Moïse aurait dû mourir à sa naissance, puisque le pharaon avait ordonné la mort de tous les garçons hébreux à la naissance pour éviter le grand remplacement de la société égyptienne. Si sa mère a décidé de désobéir à l’ordre royal et qu’elle a fait en sorte de sauver son fils, c’est parce qu’elle a estimé qu’il y avait plus grand que le pharaon et plus important que son décret. Contre le roi qui disait que cet enfant n’avait pas place sur Terre, la mère a répondu à un appel à la vie selon lequel Moïse avait de belles choses à vivre. Le baptême déclare cela : notre identité véritable est en Dieu. Quoi qu’on dise de nous, quoi qu’on pense de nous, quoi qu’on fasse de nous, il est juste et bon que nous soyons là, par la grâce de Dieu qui à elle seule justifie notre existence.
La mère de Moïse a témoigné d’une espérance forgée dans sa foi en Dieu qui révèle que notre existence est au bénéfice de la promesse de la patrie céleste où notre vie est portée à son plein accomplissement. Par la suite, Moïse a témoigné d’une espérance semblable en œuvrant pour le salut du peuple hébreu plutôt qu’en se soumettant à l’ordre du monde voulu par le pharaon et son désir de domination. Notre espérance consiste à intuitionner ce qu’est la vie portée à son incandescence, la vie selon Dieu, et à orienter nos choix, nos projets, en fonction de cela. C’est la raison pour laquelle le peuple hébreu a pu traverser la mer rouge, selon la dénomination de ce texte, ou la mer du Jonc (yam souf) : Dieu leur désignait un au-delà, une terre permise où il serait possible de vivre selon un idéal de justice et non selon la terreur imposé par le pouvoir du pharaon. Pour les Égyptiens qui étaient soumis à une vision du monde non éclairée par Dieu, la mer devant laquelle ils se tenaient étaie la mer de la fin (yam sof), un obstacle infranchissable qui ne pouvait que les submerger s’il s’y aventuraient. Animés par l’espérance forgée en Dieu, les Hébreux traversèrent l’obstacle qui n’était qu’un problème à surmonter pour atteindre une félicité plus grande, alors que pour les Égyptiens il y avait là un mur infranchissable selon eux.
C’est comme Pierre qui veut sortir de la barque sur le lac de Galilée. À partir du moment où il n’est plus tendu vers le Christ, vers l’idéal de vie, alors il est happé par les menaces qui l’entourent (le vent, la nuit, les vagues) et il sombre, c’est oligospitos, cet homme de peu de foi. À nous d’aider Gustave à être fortement animé par une espérance qui lui permettra de tenir bon à ce qu’il y a de plus ultime dans la vie, une périphrase pour dire ce qu’est la foi.
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susciter l’engagement
Cela me conduit au troisième point relatif à l’éducation que je repère dans ce texte. Faire voir l’invisible, forger une espérance et, maintenant, susciter l’engagement. S’engager dans la vie, se lancer dans l’aventure de la vie, cela n’a rien d’évident, cela n’a rien de naturel. On se met en route parce qu’on reçoit un appel. Ce fut le cas pour Abram qui aurait pu vivre toute sa vie tranquillement dans les jupes de ses parents. Ce fut le cas pour Moïse qui aurait pu vivre tranquillement à la cour de Pharaon où il avait été recueilli par ce qu’on appelle une ironie de l’histoire. Mais il y eut un appel à faire valoir ses talents pour ces personnages bibliques comme il fut demandé à Josué de faire sauter le bouchon Jéricho qui empêchait l’entrée en terre promise, comme il fut demandé à Marie de donner naissance à Jésus, comme il fut demandé aux futurs disciples d’abandonner père et filet pour devenir pécheur d’homme.
Gustave ne fera rien de sa vie si nous ne lui faisons pas entendre l’appel de la vie élevée à la hauteur de l’espérance de Dieu. Gustave ne fera rien de sa vie si nous ne lui révélons pas les défis présents à relever, les causes dans lesquelles il pourra s’engager de tout son être pour apporter sa contribution personnelle à un moment plus vivable. Nous qui sommes au bénéfice de la grâce de Dieu, il importe que nous rendions Gustave attentif à cette grâce pour que son histoire s’ouvre à ce que la grâce nous invite à vivre à commencer par le fait de ne pas se satisfaire de ce que Dieu estime insatisfaisant.
Si, dans notre culte, nous avons un moment de la liturgie pour entendre la volonté de Dieu à notre égard (aujourd’hui c’était le texte instituant le baptême), c’est parce que, à la suite de Calvin, nous comprenons que la loi est ce que Dieu nous rend capables d’accomplir. La loi, ce sont les engagements dans lesquels la grâce nous rend capables de nous engager.
L’éducation spirituelle, c’est voir au-delà des réalités auxquelles nous sommes habitués, c’est voir le réel. L’éducation, c’est découvrir ce qui est désirable pour rendre le monde plus divin, pour permettre à l’humanité de s’épanouir. L’éducation spirituelle, c’est faire retentir les appels à l’engagement auxquels les jeunes poussent pourra répondre, ce qui en fera des être responsables.
Puissions-nous être tous des agents actifs de l’éducation spirituelle que Dieu nous confie.
Amen