Retrouvez l’émission Solae consacrée à la liberté politique, sur France Culture.

Un entretien avec Jean-Luc Gadreau, le producteur de l’émission Solae, est l’occasion de penser la liberté politique à partir de textes bibliques.
Outre les textes de l’Exode qui soulignent la capacité du peuple a préférer la servitude et les avantages qui lui sont liés, plutôt que la liberté, les livres de Samuel et des Rois sont l’occasion de penser le politique à partir de la chute de Jérusalem et de l’exil à Babylone.
Des textes bibliques étrangement modernes
Dans le livre du Deutéronome (entre les chapitres 16 et 18) on trouve la distribution des pouvoirs, quelques siècles avant Montesquieu. Jusque-là, le roi était la source de la loi. Il est désormais le lecteur de la loi et celui qui la met en pratique. Le pouvoir législatif qui fait la loi, et le pouvoir judiciaire sont confiés à d’autres. La monarchie absolue est vidée de sa substance.
Le personnage Shimeï permet d’instituer le principe de l’opposition. Shimeï apparait en 2 Samuel 16. Il fait le lien entre le règne de David et le règne de Salomon. Le rédacteur qui écrit après l’exil, souligne que la qualité d’un pouvoir politique tient à la place qu’il donne à l’opposition. David laisse Shimeï aller. Salomon l’assignera à résidence et le fera tuer lorsqu’il se déplacera.
Les textes bibliques développent une réflexion destinée à des lecteurs, à des individus. Le but est de forger leur conscience politique. Ainsi ils pourront résister contre des formes de népotisme et de despotismes qui conduisent les personnes à devenir esclaves d’une situation qui n’est pas propice à l’intérêt général.
Dieu désigne la perspective universelle que doivent viser les responsables politiques. La référence à Dieu permet aussi d’élaborer une société juste. Parce que Dieu prend soin de la veuve, de l’orphelin et de l’étranger, une société fondée en référence à Dieu prendra soin des plus vulnérables, des moins forts, des moins futés. C’est aussi la raison d’être de l’enseignement, de la torah. Il s’agit de donner à chacun les moyens de forger sa compréhension du monde. Cela permet aussi d’être en mesure de juger des situations. C’est ce qui permet de pouvoir s’orienter et, ainsi, donner à sa vie le sens qui nous semble le plus juste.
Les rédacteurs bibliques se méfient de la souveraineté populaire. Si elle n’est pas nourrie par l’intelligence collective issue de la pluralité, le phénomène de masse réduit alors les individus à une entité unique.
Pour prolonger la réflexion : La liberté et les premiers rois d’Israël, paru au Cerf.
Peut-être n’insistez-vous pas suffisamment sur l’inflexion que notre Enseignement devrait prendre dès la Maternelle à savoir développer l’esprit critique plus que développer la course aux acquisitions. Pour avoir eu l’expérience de l’enseignement au Québec j’ai été surprise par cette inflexion present dès la toute petite enfance.
Je suis un peu réservé sur le développement de l’esprit critique sans acquisition au préalable. L’intérêt de l’esprit critique est de découvrir ce que nous pouvons améliorer dans les situations présentes. Encore faut-il avoir atteint le niveau de connaissance actuel pour le critiquer sérieusement et le transcender.
Ainsi, la peinture de Picasso a un impact d’autant plus fort qu’il savait très bien peindre de manière figurative.