Riverboom et notre cœur fait boum

Riverboom, c’est l’histoire de trois protestants qui veulent voir où tombent les parachutes américains en Afghanistan

C’est un documentaire en forme de film, qui est une épopée contemporaine qui s’appuie sur les ressorts du tragique. C’est à la fois une plongée dans l’Afghanistan de 2002 à l’époque où débute la traque d’Oussama Ben Laden, un road-movie comique sur les traces de l’exploratrice Ella Maillart qui a fait le tour du pays en 1939, une leçon d’histoire, un hommage au travail de grand reporter et de photographe de guerre, une ode à l’amitié, une célébration de la vie, un regard froid sur l’absurdité de la guerre. On y découvre, loin de la « Green zone », ce qu’est devenu ce bijou de l’Orient, après l’invasion russe puis la prise en main des Talibans. C’est filmé par un amateur, avec une caméra achetée sur place. Cela nous met dans la situation d’un voyage de vacances qui n’en est vraiment pas un. C’est l’occasion de découvrir les deux autres héros de ce road trip : le correspondant du Figaro, Serge Michel, et Paolo Woods un photographe de guerre qui fait des photos sérieuses en étant joyeux. Tous les trois sont protestants, mais cela n’avait rien de prémédité.

Une entrée en Terre promise

C’est aussi un parcours initiatique, celui du réalisateur qui fait une relecture de sa vie personnelle, de ses angoisses liées à la mort de ses parents, à la lumière de la foi protestante qui unit les trois comparses et de la Bible qui est un prisme (inconscient ?) à travers lequel Claude Baechtold décrit sa libération intérieure. Après 42 jours de périple dans le « désert afghan », à aller de village en tribu, 42 jours qui sont donc 6 semaines et qui pourraient tout aussi bien être 42 deux années, le temps que le peuple hébreu a passé dans le désert avant d’entrer en Terre promise, Claude Baechtold se retrouve à passer la nuit dans la voiture avec laquelle ils roulent sur des routes qui ne sont parfois des pistes. La rivière Boom est en crue. Ils sont bloqués pour la nuit, au milieu de nulle part, là où tout est sauvage. C’est une nuit  de l’introspection, près de cette rivière qui a tout du Jourdain qui déborde à l’époque où Josué doit traverser, avec le peuple hébreu, pour entrer en Terre promise.

Il fallait qu’une génération meure dans le désert pour que vienne à la vie la suivante (Josué 5/2-9). La circoncision, l’inscription du tragique de la vie, aura bien eu lieu, d’une manière symbolique, dans la chair de Claude Baechtold.

Serge Michel, Paolo Woods et Claude Baechtold

Le vidéaste amateur est aussi photographe à ses heures. Muni de son petit appareil, il capte des scènes, des instants, d’une manière qui souligne le professionnalisme de Paolo Woods. Le travail du photographe est ainsi mis en valeur d’une manière éclatante et drôle. On observe aussi le sérieux, la conscience professionnelle du reporter qui va chercher l’information à la source, non sans affronter des risques que peu seront prêts à prendre. Ce journal de campagne est aussi l’occasion d’une critique cinglante, et salutaire, d’une éducation protestante qui manie la culpabilité avec passion. Ces rites d’initiation qui nous confrontent à d’autres cultures, à des situations où nous nous exposons pleinement, nous donnent l’occasion de faire un inventaire utile de ce que nous avons reçu et de ce qu’il est inutile d’emporter avec soi. Selon la formule du décalogue, au plus près de l’hébreu : « Charge ton père et ta mère [de ce qui leur appartient] afin que tes jours se prolongent sur la terre que Dieu te donne » Exode 20/12.

Faire un peu vide, c’est faire un peu de place pour ce qui vient. La place faite aux Afghans est belle, et le trio d’amis est splendide.

De cette amitié nouée aux confins de l’humanité naîtra une maison d’édition, Riverboom, en hommage à cette porte d’entrée dans la vie adulte, qui est aussi l’ère de la foi plus forte que nos peurs. Un film à voir et à faire voir.

 

Riverboom, un film réalisé par Claude Baechtold, avec Claude Baechtold, Paolo Woods et Serge Michel, 1h35.

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