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Jean 11/41
Jésus leva les yeux en haut, et dit: Père, je te rends grâces de ce que tu m ‘as exaucé.
Marc 11/24
Tout ce que vous demanderez en priant, croyez que vous l’avez reçu, et vous le verrez s’accomplir.
Chers frères et sœurs, nous avons souvent l’habitude de dire que la prière est un dialogue avec Dieu. Et, trop souvent, la prière consiste en une litanie de paroles que nous adressons à Dieu pour lui dire ce que nous pensons, ce que nous craignons, ce que nous voulons. De ce point de vue, nos cultes sont bavards ; ils donnent malheureusement à penser que la prière consiste à parler à Dieu et, à la limite, ils laissent entendre qu’être un bon chrétien, c’est l’art de tout dire à Dieu, de ne rien omettre : lui dire nos joies (louange), nos erreurs (repentance) et nos pensées (intercession).
Se mettre à l’école de Jésus, c’est découvrir une autre compréhension de ce qu’est la prière. C’est découvrir que la prière c’est plutôt écouter Dieu et rendre grâces –rien de bien original, me direz-vous, mais la question n’est pas tant d’être original que de voir juste.
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Prier, c’est écouter Dieu
Lorsque Jésus prie Dieu, il y est question de demandes. Dans les différents évangiles, il est question de demander à Dieu, de demander « tout » ce que nous souhaitons, et cela nous sera accordé. Et ce vague souvenir que nous avons de cette promesse de Jésus, répétée dans différents évangiles, que tout ce que nous demanderons nous sera accordé, fait que nous pensons que la prière, c’est l’art de demander à Dieu, de l’interroger, de le solliciter, de lui présenter nos requêtes personnelles. Mais, l’évangéliste Marc nous aide à mieux comprendre la logique de Jésus et cela corrige notre compréhension de ce qu’est la prière. Reprenons le verset qui est un verset clef, en l’écoutant au plus près du texte grec : « Tout ce que vous priez et demandez, croyez que vous l’avez reçu, et cela sera pour vous ».
Tout d’abord, nous pouvons remarquer que l’évangéliste distingue la prière de la demande. Contrairement aux traductions qui disent : « tout ce que vous demanderez en priant », l’évangéliste Marc dit, en le rendant aussi compréhensible que possible : « tout ce que vous priez et tout ce que vous demandez ». Autrement dit, la prière et la demande sont deux actes distincts. Bien entendu, il est question de demande dans la Bible. Jésus, selon les évangiles de Matthieu et de Jean dit à ses disciples que ce qu’ils demanderont, ils l’auront. Mais nous comprenons que, pour Jésus, prier et demander sont deux choses différentes. À tout le moins, ne limitons pas la prière à nos catalogues de souhaits, à nos listes de demandes plus ou moins généreuses. Retrouvons le sens de la prière pour que notre vie spirituelle ne soit pas seulement un exercice qui consiste à en vouloir toujours plus. Il y a suffisamment d’inflation comme cela de nos jours pour ne pas en rajouter avec des demandes qui nous éloignent de l’esprit de la prière telle que Jésus l’a vécue.
Retournons à notre verset de Marc : « tout ce que vous priez, croyez que vous le recevez ». Il est un peu difficile de comprendre ce que cela signifie tant que nous considérons que « croire », c’est savoir sans être tout à fait sûr ou encore lorsque nous pensons que « croire », c’est penser que des choses douteuses sont quand même vraies. Mais croire, c’est bien autre chose que ce qu’on a fait de ce verbe si important dans la religion. Nous pourrions dire que « croire » n’a rien à voir avec les croyances. Ce que nous traduisons par « croire », c’est le verbe pisteuo qui signifie avoir confiance, adhérer, tenir pour vrai, pour digne de confiance. Pisteuo est sans hésitation. Ainsi, la foi, n’est pas un savoir au rabais, ni un pari sur l’avenir : c’est la confiance ferme que nous accordons à une parole, à une vérité. La confiance, la foi, dans la Bible, c’est ce qui est solide, aussi solide que le nœud qu’on fait pour accrocher ensemble les liens qui vont unir deux chameaux qui formeront une caravane capable de parcourir le désert.
Cela signifie que lorsque Jésus nous dit que ce que nous prions, et ce que nous demandons, nous sommes appelés à croire que nous l’avons reçu, Jésus nous dit que ce que nous prions, c’est ce à quoi nous sommes attachés, c’est ce à quoi nous pouvons adhérer, c’est ce que nous avons reçu. La foi, c’est le fait d’adhérer à ce que nous avons reçu et la prière consiste à le reconnaître. Et ainsi cela devient quelque chose de consistant pour nous. La prière, c’est ce qui donne chair à ce que nous avons reçu de Dieu et dont nous n’avions pas encore clairement conscience. La prière, c’est ce qui nous permet de réaliser, d’ouvrir les yeux sur ce que nous recevons de Dieu, et d’en vivre. C’est ce qui fera dire au pasteur Wilfred Monod « la prière exauce Dieu ». La prière, c’est donc se mettre à l’écoute de Dieu au sens d’accueil ce que Dieu nous prodigue. La prière, c’est ensuite un acte de reconnaissance.
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Prier, c’est rendre grâces
Durant l’épisode où il sort Lazare de la situation invivable dans laquelle il était enfermé, Jésus prie en disant : « Père, je te rends grâces de ce que tu m’as exaucé ». Littéralement, Jésus rend grâces de ce que Dieu l’a écouté – alors que, dans cet épisode, Jésus ne lui a rien dit. Jésus n’est pas un bavard ; sa prière n’est pas une conversation faite d’une valse de mots. Jésus est en communion avec le Père céleste, il a un rapport de foi, un attachement mutuel, ce qui permet à Jésus d’être pleinement en phase avec l’espérance que Dieu désigne. La prière de Jésus consiste donc à accueillir la volonté de Dieu, à prendre conscience de ce que Dieu nous révèle comme un horizon de vie vers lequel nous pouvons nous rendre.
Le terme grec pour l’action de grâces dont il est question dans la Bible, ici dans la bouche de Jésus, c’est le verbe eucharisteo, qui a donné eucharistie. Il s’agit d’exprimer sa gratitude, le fait qu’on reconnaît que nous sommes au bénéfice de la grâce, au bénéfice des bienfaits de ce qui nous entoure.
La prière est donc un regard porté sur Dieu, un regard ouvert sur ce que Dieu nous prodigue. Prier, c’est l’art de débusquer Dieu dans notre vie, dans notre quotidien, dans le moindre aspect de notre histoire. C’est voir vers quoi nous mène notre foi, notre attachement à la grâce de Dieu. La prière est ce long et patient travail qui consiste à reconnaître tout ce qu’il y a autour de nous et qui peut concourir à notre bien et à celui de notre prochain. La prière, c’est ce travail personnel qui consiste à reconnaître les bons fruits, les paroles qui font du bien, les attitudes qui incarnent l’amour, les décisions qui rendent libres, les fonctionnements qui favorisent la responsabilité, reconnaître les caractéristiques de ce qui est divin – et de ce qui ne l’est pas.
Prier consiste moins à bavarder avec Dieu, qu’à faire ce travail de relecture – c’est cela la religion, relegere, relire – de notre vie personnelle ; prendre le temps nécessaire pour prendre conscience de l’univers dans lequel nous évoluons, pour discerner les points d’appui, les zones à éviter, les lignes forces, et ce qu’il y a d’infiniment désirable dans notre existence. Prier, c’est ouvrir les yeux sur tout ce qui fait notre vie et éclairer cela par des paroles bibliques qui vont donner du sens à tout cela et qui vont nous faire découvrir ce qu’il y a à espérer dans cet enchevêtrement qui fait notre vie. Ainsi, Jésus découvre que Dieu est ce qui exauce tout ce qui rend les gens libres. Alors Jésus libère Lazare du passé, de la mémoire dans laquelle ses sœurs l’avaient enfermé. Ainsi, Jésus parle à ses disciples de la religion en disant que la foi c’est la confiance qu’on a dans la vision biblique de la vie. Alors, il dire que le temple ce n’est pas pour faire du rituel de temps en temps, mais pour produire du fruit en toutes saisons.
Prier change la vie parce que prier nous fait découvrir des ressources peut-être insoupçonnées et cela nous fait découvrir le sens que peuvent prendre nos actions, nos paroles, pour que l’ensemble soit cohérent et tendu vers ce que la Bible nomme le règne de Dieu. C’est en ce sens que la prière n’est pas une causerie, mais une écoute de Dieu. Prier change la vie parce que cela nous fait découvrir que tout ne dépend pas de nous ; nous sommes au bénéfice d’exaucements qui ne viennent pas de nous, dont nous ne sommes pas l’origine, et qui sont pourtant décisifs pour que notre vie soit vraiment portée à son incandescence.
Prier, n’a donc rien du verbiage : c’est une action de grâces.
Amen