« Comme un homme qui, fuyant le lion, rencontre un ours » Amos 5,19.
Le covid-19 n’est pas la dernière menace qui se présentera sur notre route, alors autant ne pas en rajouter nous même. Il se pourrait que nous échappions au régime de liberté surveillé qui consisterait à consigner nos déplacements et nos fréquentations pour traquer les résidus de virus. Mais quelle sera la prochaine mesure d’exception destinée à régler un problème particulier et qui régentera un peu plus l’ensemble de notre quotidien jusqu’au plus intime de notre personne ?
N’accédons pas non plus à la demande d’instaurer une écologie punitive. La proposition d’une « TVA dissuasive » qui serait appliquée pour « guider les gestes de consommation » ne serait pas autre chose qu’un recours aux indulgences : payez et vous aurez droit au salut. Cela signifie que le changement de vie ne serait effectif que pour ceux qui n’ont pas les moyens de s’offrir le droit de mener leur existence comme ils le souhaitent. Au demeurant, cela consisterait à taxer des comportements qui n’ont rien d’illégal. Ce serait la fin de la société libérale où les choix de vie appartiennent aux individus et non à l’État ou a des groupes d’influence.
Entrer dans une telle société reviendrait à créer les conditions favorables pour une nouvelle piraterie, semblable à celle qui écuma les mers des Caraïbes quelques siècles en arrière. La flibuste était composée de tous les rebuts de la société normalisée, des rescapés, des dissidents : d’anciens esclaves, des protestants fuyant la persécution, des Quakers en rupture de ban avec une Église anglicane qui avait perdu de vue l’Évangile, et d’autres groupes radicaux qui prônaient l’égalité entre les hommes, qui militaient non seulement pour la fin de la propriété privée, mais aussi pour la religion sans Église et sans sacrements. La piraterie était formée d’individus ayant subi la confiscation de richesses, la soumission et l’humiliation, qui unirent leurs histoires et créèrent une société fondée sur la liberté, l’égalité et la fraternité. Il n’y avait plus ni Juif ni Grec, ni esclave ni homme libre, mais des pirates, unis volontairement par la charte de leur vaisseau. Les pirates nommaient leur capitaine par des assemblées générales à côté duquel un quartier-maître constituait un contre-pouvoir. Les femmes étaient respectées, les ennemis étaient enrôlés dans l’équipage non par la contrainte, mais par une libre adhésion des marins qui avaient été soumis jusque là à la violence de l’aristocratie qui commandait et qui trouvait chez les pirates une liberté qui leur avait toujours fait défaut.
Les pirates étaient des bandits, des pillards, qui avaient organisé une société démocratique dans un temps où le pouvoir s’absolutisait et ne garantissait plus les droits qui n’étaient pas encore qualifiés de fondamentaux. Ne doutons pas que de telles pirateries émergeront à nouveau si nos espaces de liberté sont de plus en plus restreints, si nous sommes de plus en plus considérés comme des délinquants en puissance qui ne pensent qu’à détruire la planète.
Au lieu de tisser une grande camisole dans l’espoir totalement fou qu’en ne faisant plus rien ça ira mieux, favorisons une plus grand liberté. Libérons les énergies, libérons la créativité, faisons confiance aux personnes pour qu’elles engagent de nouvelles alliances qui permettront d’atteindre des niveaux de réalisation jamais encore atteints. Investissons dans tout ce augmente nos possibilités d’aimer, de faire la fête, de produire de nouveaux récits, d’écrire de nouvelles histoires qui mêlent des destinées qui n’avaient a priori rien à faire ensemble et qui porteront ainsi le monde à son incandescence.
A nouveau un très bel article. Ceci nous renvoie à un roman de mon enfance, l’Île au trésor de Stevenson – un roman d’acteurs « protestants » – et pour en savoir plus sur les pirates et corsaires, au tome 1 de « Les huguenots et l’Atlantique »