Montpellier constellée de croix protestantes

 

Il n’est pas facile de se rendre compte à quel point la ville de Montpellier a su reprendre des couleurs protestantes l’année des 150 ans du temple de Maguelone. La faute au confinement qui nous prive de longues promenades dans les rues décorées de bannières et d’affiches du Musée Fabre annonçant l’exposition Jean Ranc (1674-1735), ce peintre montpelliérain qui fut celui de la cour d’Espagne. Sur chacune d’elle, une croix huguenote ou, pour être plus juste : le prototype de la croix huguenote, la version bêta en quelque sorte.

 

Regardons attentivement Ferdinand VI d’Espagne peint à l’âge de dix ans.

Il porte de grand cordon bleu de l’ordre royal du Saint Esprit.

Cet ordre, fondé par Henri III le 31 décembre 1578, a une médaille constituée d’une croix de Malte fleurdelisée sur laquelle figure une colombe.

Cela est également visible sur le portrait de Louis XV (1718-179) [huile sur toile (Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. Inv MV4386)]

La croix montée en sautoir est visible sur l’arc de triomphe qui se situe au niveau du Peyrou.

Y a-t-il un rapport avec la croix huguenote, la croix que portent beaucoup de protestants ? C’est une hypothèse très vraisemblable quand on sait que les protestants furent interdits de cet ordre. Si Henri IV en fut le deuxième grand maître, c’est parce qu’il estima que le trône de France valait bien une messe. Il fallait être catholique et les commandeurs de cet ordre, s’ils étaient des ecclésiastiques, n’étaient pas recrutés parmi les pasteurs de la Religion Prétendue Réformée.

Il est donc vraisemblable qu’un joaillier ait eu l’idée de faire du signe de l’exclusion des protestants l’emblème du protestantisme français, en descendant la colombe en dessous de la croix de Malte.

 

À partir de là, on peut créer une explication de la croix huguenote,

  • la croix de malte est composée de quatre branches comme les quatre évangiles.
  • Les pointes garnies de huit disques représentent les huit béatitudes prononcées par Jésus selon l’évangéliste Matthieu.
  • Les fleurs de lys indiquent que les protestants étaient légitimistes et s’engagèrent dans les guerres de religions non contre le pouvoir royal, mais contre l’injustice qu’ils subissaient.
  • Ces fleurs de lys créent, en creux, quatre cœurs qui disent le cœur de la prédication de Jésus : l’amour.
  • Certains considèrent que les fleurs de lys forment une couronne d’épines qui rappellerait celle de Jésus.
  • Comme pour l’insigne d’origine, la colombe figure le saint Esprit (ce qui ne me semble pas très biblique, mais c’est une autre histoire).

 

L’art de subvertir le mal

Cette hypothèse de la croix huguenote n’est pas sans précédent. Cette subversion d’un symbole avait déjà été effectuée à l’époque où Jésus avait été crucifié sur une croix. La croix est le symbole de l’humiliation publique, un instrument de torture et un moyen de mise à mort. Les premiers chrétiens qui voulurent se reconnaître par un signe choisirent le poisson parce qu’en grec, le mot ICHTUS est de l’expression Jésus Christ, fils de Dieu sauveur. Puis vint le symbole de la croix qui allait être ensuite brandie comme un défi à un ordre du monde qui cherche les alliances sur le dos de boucs émissaires, qui assoit son pouvoir par des assassinats politiques. Celui que vous aviez voulu terrasser, Dieu l’a élevé en gloire, pourrait-on lire à la suite de l’évangéliste Jean qui fit une interprétation théologique de la mort de Jésus (jean 3/14) à partir de l’épisode du serpent d’airain brandi par Moïse dans le désert (Nombres 21/8-9) : c’est un enseignement du Père (Jean 8/28) qui permettra d’attirer tous les hommes (Jean 12/32) à se demander qui est le fils de l’Homme ?(Jean 12/34). Cela n’aurait pas été possible si Jésus avait été lapidé.

La croix, prise comme symbole par le christianisme n’est donc pas une cicatrice qui nous assurerait une rente à vie au prétexte que Jésus a souffert. La croix est le symbole de la traversée possible de l’épreuve, de la souffrance, du deuil. C’est la raison pour laquelle il n’y a pas le corps de Jésus sur les croix qu’il peut y avoir dans les temples des Églises réformées – ce qui est d’ailleurs récent au regard de l’histoire, puisque c’est une pratique qui date des lendemains de la première guerre mondiale.

Il n’en va pas autrement pour la croix huguenote qui indique la possibilité de traverser l’épreuve du rejet, de la chasse à l’homme, de la persécution, de l’exil ou de la mort, et de retrouver ensuite une place active dans la société.

Qui sait si le coronavirus dont on nous fait de belles images de synthèse ne deviendra pas un bijou qui rappellera qu’on peut se relever des situations qui nous abattent. Les chrétiens appellent cela la résurrection.

6 commentaires

  1. Si l’Esprit Saint est symbolisée par une colombe, selon les dires de Jean-Baptiste, ce n’est pas parce qu’il est blanc, qu’il sait voler ou qu’il a des plumes, mais pour son action de descendre. De même que la passion et le Christ sont dans un mouvement ascendant, la résurrection et l’Esprit Saint sont dans un mouvement descendant. La Parole monte au ciel et redescend comme la pluie et la neige pour abreuver la terre. Dans un cercle d’éternité.

    1. Il me semble que c’est plutôt le corbeau qui figure le saint Esprit : il plane à la surface des eaux en vue de rendre la Terre vivable dans l’épisode de Noé comme le fit le saint Esprit non imagé dans le premier récit de la création. Cela irait mieux avec l’interdiction de manger du corbeau alors que la colombe est non seulement comestible, mais utilisée pour des sacrifices.
      S’agissant du baptême de Jésus, est-ce d’un oiseau qu’on parle, ou de Jean (en grec) – Jonas ? (en hébreu) – colombe (Jonas en hébreu signifie colombe, pigeon) ?

      1. Oui, il est intéressant de faire le rapprochement entre le nom de Jean « Dieu-fait-grâce » et l’accomplissement par avance de la totalité de la paix de Dieu dans le baptême de Jésus.

  2. LE BESOIN D’IDÉOLOGIE

    Qu’est-ce qu’une idéologie? C’est une triple dispense: dis­pense intellectuelle, dispense pratique et dispense morale.

    La première consiste à retenir les seuls faits favorables à la thèse que l’on soutient, voire à en inventer de toutes pièces, et à nier les autres, à les omettre, à les oublier, à empêcher qu’ils soient connus.
    La dispense pratique supprime le critère de l’efficacité, ôte toute valeur de réfutation aux échecs. L’une des fonctions de l’idéologie est d’ailleurs de fabriquer les explications qui l’en absolvent. Parfois l’explication se réduit à une affirmation pure, à un acte de foi…
    La dispense morale abolit toute notion de bien et de mal pour les acteurs idéologiques ; ou plutôt, chez eux c’est le service de l’idéologie qui tient lieu de morale. Ce qui est crime ou vice pour le commun ne l’est point pour eux.

    Puisqu’elle exempte à la fois de la vérité, de l’honnêteté et de l’efficacité, on conçoit qu’offrant de si grandes commodités, l’idéologie, fût-ce sous d’autres noms, ait été en faveur auprès des hommes depuis l’origine des temps. Il est dur de vivre sans idéologie, puisque l’on se trouve alors devant une existence ne comportant que des cas particuliers, dont chacun exige une connaissance des faits unique en son genre et appropriée, avec des risques d’erreur et d’échec dans l’action, d’éventuelles conséquences graves pour soi-même, des dangers de souffrance et d’injustice pour d’autres êtres humains, et une probabilité de remords pour celui qui décide. Rien de tel pour l’idéologue, qui plane au-dessus du vrai et du bien, qui est lui-même la source du vrai et du bien.

    Jean-François Revel, La Connaissance inutile (cf. chapitre 9) Grasset 1988

  3. Dans les familles, la naissance est entourèe de rites qui varient selon les cultures ou la religion.Si la belle au bois normand reçut à sa naissance les voeux de trois fées qui étaient aussi ses marraines.Je reçu de la mienne, qui n’était que ma grand-mère maternelle, une petite croix hugenotte,petite par sa taille,mais grande par ce que jai vécu avec elle, signifit pour moi.
    Je l’ai perdue lorsque j’avais dix ans et ne l’ai retrouvée que cinq ans plus tard.
    Nous allions toujours en vacances chez mes grands parents paternels où il y avait une terrasse recouverte de graviers.C’est là que j’avais du la perdre.
    Tel un champ que l’on laboure,les pas sur ces particules de pierre ont fini par la faire remonter. Lorsque je la découvris, alors que je la croyais perdue à jamais, ce fut une grande surprise et une grande joie.
    Cet événement fait qu’au-de-là de la « héraldique », elle symbolise aussi pour moi la renaissance,le relèvement après la chute.
    Il pourrait en être ainsi du coronavirus.
    Qu’adviendra-t-il après cette crise.
    Celui-ci engendrera-t-il plus de coopération internationale,les états feront-t-ils basculer la consommation de la part de l’ensemble des richesses créées consacrées à la guerre vers, l’éducation, la santé, la salubrité,la culture.Cela éviterait peut-être ainsi de continuer à engendrer des conditions propices à l’apparition de nouvelles pandémies.
    Le coronavirus nous fera-t-il prendre conscience de la relativité du pouvoir politique et nous fera-t-il comprendre la vérité contenu dans le message du Christ.
    « Le seul pouvoir véritable est celui qui concourt au bien »
    S’il en advient ainsi, alors peut-être qu’un jour le coronavirus,de symbole de malheurs et de deuils,deviendra-t-il lui aussi à son tour celui de la résurrection.

  4. Ce n’est pas une nouveauté la croix huguenote est fortement inspirée de l’ordre du Saint Esprit symbolique à la mode à cette époque on retrouve ce symbole partout en Europe un compromis entre un ordre religieux Malte et l’inspiration biblique conforté par un même élan….de pouvoir entre autre

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