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Galates 4/4-7
Lorsque les temps ont été accomplis, Dieu a envoyé son Fils, né d ‘une femme, né sous la loi,
5 afin qu’il rachetât ceux qui étaient sous la loi, afin que nous reçussions l’adoption.
6 Et parce que vous êtes fils, Dieu a envoyé dans nos coeurs l’Esprit de son Fils, lequel crie: Abba ! Père !
7 Ainsi tu n’es plus esclave, mais fils; et si tu es fils, tu es aussi héritier par la grâce de Dieu.
Luc 1/26-38
26 Au sixième mois [de la grossesse d’Elisabeth], l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth,
27 auprès d’une vierge fiancée à un homme de la maison de David, nommé Joseph. Le nom de la vierge était Marie.
28 L’ange entra chez elle, et dit: Je te salue, toi à qui une grâce a été faite; le Seigneur est avec toi.
29 Troublée par cette parole, Marie se demandait ce que pouvait signifier une telle salutation.
30 L’ange lui dit: Ne crains point, Marie; car tu as trouvé grâce devant Dieu.
31 Et voici, tu deviendras enceinte, et tu enfanteras un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus.
32 Il sera grand et sera appelé Fils du Très-Haut, et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père.
33 Il règnera sur la maison de Jacob éternellement, et son règne n’aura point de fin.
34 Marie dit à l’ange: Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais point d’homme ?
35 L’ange lui répondit: Le Saint -Esprit viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre. C’est pourquoi le saint enfant qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu.
36 Voici, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils en sa vieillesse, et celle qui était appelée stérile est dans son sixième mois.
37 Car rien n’est impossible à Dieu.
38 Marie dit: Je suis la servante du Seigneur; qu’il me soit fait selon ta parole ! Et l’ange la quitta.
Chers frères et sœurs, si nous nous souvenons que les premiers écrits du Nouveau Testament sont les lettres de Paul et que les évangiles seront rédigés une vingtaine d’années après, nous constatons les changements intervenus dans la présentation de la naissance de Jésus. Lorsque Paul écrit aux Galates, il rappelle que Jésus est né d’une femme. Et quand il écrit aux Romains (1/34), il précise que Jésus est né selon la chair de la lignée de David, ce qui indique sa filiation avec Joseph.
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Jésus incarne l’espérance du salut
Si l’évangéliste Luc, dont les spécialistes disent qu’il était probablement médecin, indique que Marie était vierge, ce n’était pas pour faire une description gynécologique. De son côté, l’évangéliste Matthieu ne dira pas que Marie était vierge. En revanche, Matthieu fait clairement référence à une phrase du prophète Ésaïe (7/14) : « “voici que la vierge sera enceinte ; elle enfantera un fils et on lui donnera le nom d’Emmanuel”, ce qui se traduit : Dieu avec nous ». Il éclaire la vie de Jésus par cette phrase d’Ésaïe qui dit juste. En effet, Jésus incarnera la présence de Dieu parmi l’humanité – Dieu avec nous. Quant au fait qu’il soit question d’une vierge dans cette citation de Matthieu, cela s’explique très simplement par le fait que les évangélistes écrivaient leurs textes en grec. Aussi, quand Matthieu citaie l’Ancien Testament, il le fait d’après la traduction grecque dite des Septante. Or la Septante a traduit le mot hébreu ‘almah – jeune femme – par parthenos qui signifie jeune femme et vierge.
Mais le but des évangélistes n’étaient pas de nous donner des détails sur le corps de Marie. Ils voulaient faire le lien entre Jésus et l’enfant annoncé par le prophète Ésaïe – cet enfant qui saura rejeter le mal et choisir le bien. Cet enfant qui inaugurera une nouvelle histoire dont l’accomplissement est raconté en Esaïe 11 – le rejeton qui sort du tronc de Jessé (qui est le père du roi David).
Conjointement, à l’évocation de cette jeune femme, les évangélistes ont aussi souligné que le père de Jésus, Joseph, était descendant de David, fidèlement à l’esprit de la prophétie d’Ésaïe. Comme le dira l’ange Gabriel à Marie : Jésus « sera grand et sera appelé Fils du Très-Haut, et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père ». Tout est en place pour que le lecteur comprenne que Jésus est bien celui que le peuple de Dieu espérait pour faire advenir la paix dans le monde.
Inutile de faire une inflation théologique comme le Coran qui stipulera dans sa sourate XXI (Prophètes), 91 que Marie est celle qui a protégé son ouverture, indiquant par là qu’elle fut vierge toute sa vie. Inutile de faire une autre inflation théologique comme le dogme de l’Immaculée conception du 8 décembre 1854 qui fixe que Marie a été conçue sans souillure, qu’elle est exempte du péché originel – ce qui est assez contradictoire avec Romains 3/23 qui déclare que tous les êtres humains sont pécheurs.
Passons car l’important n’est pas là. L’important c’est que l’expression « né de la vierge Marie » inscrive Jésus dans l’histoire du salut opéré par Dieu. L’important est que cette expression nous fasse comprendre que Jésus incarne l’espérance humaine en matière de salut. Si nous voulons être sauvés de l’angoisse que peut provoquer la vie, c’est à Jésus qu’il faut regarder. Voilà ce qu’indique l’expression « né de la Vierge Marie ».
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Marie indique que le salut est à notre portée
Dans la compréhension des évangélistes, cette indication à ceci de spécifique qu’elle provoque notre responsabilité personnelle dans la marche du monde. En effet, les évangélistes se démarquent des mythologies antiques, comme l’avaient fait déjà les rédacteurs de Genèse 6 qui avaient disqualifié cette idée qu’on trouve dans les mythologies grecques : l’union entre les dieux et les humains. Cette fois, les évangélistes neutralisent une autre approche théologique qui consisterait à dire que Dieu reste distant à l’égard de l’humanité. À la limite, Dieu se promène parmi les hommes, sans que l’humanité soit impliquée.
Les évangélistes se font plus précis sur la présence de Dieu dans notre histoire par l’incarnation. Dieu s’incarne. Cela veut dire que nous sommes susceptibles d’être rejoints par Dieu, personnellement. Cela veut dire que Dieu n’est pas seulement une belle idée pour nous faire rêver ou pour nous consoler de nos tourments, mais une réalité concrètement à l’œuvre dans notre vie. Et cela veut dire que Dieu n’est pas l’altérité radicale, une sorte de point de fuite, un horizon qui ne cesse de reculer à mesure qu’on avance, un idéal inatteignable, juste une utopie.
Dieu est à portée de main. Comme le dira à sa manière le Deutéronome au sujet du commandement de Dieu (30/11ss.) : Dieu n’est point au-dessus de tes forces et hors de ta portée. Il n’est pas dans le ciel, pour que tu dises : qui montera pour nous au ciel et nous l’ira chercher, qui nous le fera entendre, afin que nous le mettions en pratique ? Il n’est pas de l’autre côté de la mer, pour que tu dises : qui passera pour nous de l’autre côté de la mer et nous l’ira chercher, qui nous le fera entendre, afin que nous le mettions en pratique ? Il est, au contraire, tout près de toi, dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu l’incarnes (le deutéronome dit au sujet du commandement « afin que tu le mettes en pratique ».
Et, de ce point de vue, Marie est exemplaire, en répondant à l’ange : « qu’il me soit fait selon ta parole ». Elle répond de sa personne, elle fait preuve de responsabilité au sens fort du terme. Elle assume sa part dans l’histoire du salut. Elle dit oui à la vie selon Dieu. Elle incarne, effectivement, l’espérance de Dieu, de tout son être, c’est-à-dire de tout sont cœur, de toute son âme, de toute sa force et de toute sa pensée. Marie incarne le sens des responsabilités par lequel l’espérance de Dieu peut se frayer un chemin dans notre monde.
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Jésus inaugure une nouvelle époque
Revenons encore une fois sur le fait que Marie soit présentée comme une vierge. L’évangéliste insiste plus que cela serait nécessaire pour faire le lien avec le verset du prophète Ésaïe, puisqu’il en parle deux fois au verset 27 (alors que Matthieu ne dit jamais que Marie était vierge). Il y a là, probablement, une indication précieuse sur le sens de l’événement Jésus. Une indication que nous retrouverons à l’autre bout de l’évangile, en Luc 23/53, quand l’évangéliste raconte la mise au tombeau de Jésus. On le descendit de la croix, on l’enveloppa d’un linceul, et on le déposa dans un sépulcre, taillé dans le roc, où personne n’avait jamais été déposé. Dans les deux cas, il y a une inauguration. Il y a de la nouveauté. Marie qui accueillit Jésus en son sein, était vierge, comme l’était ce sépulcre qui recueillit Jésus.
Cette indication est précieuse, car elle révèle que Jésus ouvre une voie, un chemin. Il est le chemin qui ouvre tous nos chemins, qui inaugure toutes nos existences, qui nous autorise les commencements et les recommencements. Jésus n’est pas né seulement pour faire ce que les textes bibliques annonçaient. Jésus a été Christ en ce sens qu’il a ouvert une nouvelle époque de l’humanité. En lien avec ce que nous venons de dire sur Dieu à portée de main, cette nouvelle époque inaugurée par Jésus, c’est la possibilité d’une vie bonne. Jésus inaugure la possibilité d’être en prise directe avec une vie bonne.
Jésus va briser les ritualismes et les dogmatismes qui font écran entre Dieu et nous, pour remettre chacun de nous face à Dieu, face à la possibilité du bonheur, et donc face à l’exigence de répondre personnellement à cette grâce qui est faite à chacun. Jésus met fin à notre soumission à un ordre du monde qui nous rend esclaves (Ga 4/4-7).
Confesser que le Christ Jésus est né de la vierge Marie, c’est placer sa foi dans un Dieu qui fait toutes choses nouvelles, un Dieu qui suscite en nous un esprit de recherche, de créativité, d’innovation. C’est confesser un Dieu qui ouvre des voies ; un Dieu qui renouvelle sans cesse notre existence pour la rendre belle et claire comme jamais, à la lumière de l’Évangile.
Amen