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Marc 1/1, 14-20
1 Commencement de l’Évangile de Jésus -Christ, Fils de Dieu. 14 Après que Jean eut été livré, Jésus alla dans la Galilée, prêchant l’Évangile de Dieu. 15 Il disait: Le temps est accompli, et le royaume de Dieu est proche. Repentez-vous, et croyez à la bonne nouvelle. 16 Comme il passait le long de la mer de Galilée, il vit Simon et André, frère de Simon, qui jetaient un filet dans la mer; car ils étaient pêcheurs. 17 Jésus leur dit: Suivez -moi, et je vous ferai pêcheurs d’hommes. 18 Aussitôt, ils laissèrent leurs filets, et le suivirent. 19 Étant allé un peu plus loin, il vit Jacques, fils de Zébédée, et Jean, son frère, qui, eux aussi, étaient dans une barque et réparaient les filets. 20 Aussitôt, il les appela; et, laissant leur père Zébédée dans la barque avec les ouvriers, ils le suivirent.
Chers frères et sœurs, vous avez bien fait de venir, ici. En mettant les pieds dans ce temple, vous n’avez pas seulement rejoint une communauté fraternelle au sein de laquelle il est possible de se ressourcer. Ce temple a une histoire dans laquelle il est possible de trouver matière à penser et à nourrir notre foi, certes. Mais ce temple a aussi une géographie qui est hautement symbolique et qui dit très précisément ce que l’évangéliste Marc indique dans ce récit de vocation des quatre premiers disciples de Jésus-Christ. La géographie spécifique de notre temple qui se distingue du 54 de l’avenue de la Grande Armée ou du 58 de la rue Madame ou du 95 rue de l’Ouest, est d’être au 53 rue Erlanger. Pas au 54, mais au 53…
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Rejoindre chacun dans sa vérité
Mais avant de nous intéresser à notre situation géographique, intéressons-nous à ce qui se passe entre Jésus et les futurs disciples. Jésus ne va pas au temple de Jérusalem pour chercher ses disciples, il se promène sur le bord de la mer de Galilée et va rejoindre des gens sur leur lieu de travail. Il les rejoint dans leur vie quotidienne. Le fils de Dieu nous rejoint dans nos occupations personnelles les plus ordinaires.
Et Jésus ne va pas appeler les disciples à prendre de la hauteur et à s’exiler dans un monde sans déficit public, sans antisémitisme et sans anti-islam, sans virus, sans frigo à remplir etc. Il s’agit d’aller dans la profondeur de la vie pour mettre à jour sa vérité ultime.
Marc précise que les futurs disciples sont des pêcheurs, qui s’occupent de leurs filets. Et il rapporte que Jésus leur dit : « venez à ma suite, et je ferai de vous des pêcheurs d’hommes ». Autrement dit, Jésus rejoint les disciples dans leur vie quotidienne, dans leur occupation professionnelle. Et ce qu’il fait consiste à injecter de la spiritualité dans cette vie quotidienne.
Les disciples sont appelés à considérer de quelle manière leur savoir-faire pourrait être utilisé pour rendre le Royaume de Dieu bien plus proche dès à présent. Donner à son métier le sens d’un plus grand accomplissement, c’est cela la conversion : changer le sens en visant plus loin. Mettre son savoir-faire au service d’une cause qui a le sens de l’Évangile. C’est cela spiritualiser sa vie. Etre disciple du Christ consiste à donner le sens du Royaume à ce que nous faisons, à ce que nous vivons, en famille, en vacances, au travail.
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Approfondir notre connaissance de la vie
La conversion ne consiste pas à changer radicalement de vie, mais à changer radicalement le sens de la vie. Nous le comprenons mieux en nous reportant au verbe grec qui est traduit par la conversion ou la repentance. Le verbe metanoeo est construit avec un préfixe meta, qui veut dire après, au-delà ; et avec un radical qui vient de noos, l’intelligence. La metanoia, c’est notre intelligence au-delà de ses capacités propres. C’est donc permettre à notre intelligence d’aller au-delà de ce à quoi elle est habituée. La metanoia, c’est notre capacité à comprendre plus loin. Il s’agit d’un mouvement qui consiste à approfondir notre connaissance d’une situation. C’est comme si nous corrigions notre myopie et que nous pouvions enfin discerner ce qu’il y a après les quelques mètres voire centimètres où nous voyons net. La transcendance s’expérimente dans l’approfondissement de notre compréhension de la vie.
Se convertir ne consiste pas à se détacher des affaires matérielles et des contingences. La conversion ne consiste pas à tourner le dos à la vie ordinaire et à s’échapper dans un monde céleste. La vie spirituelle ne consiste pas non plus à plaquer un verni religieux sur nos actions, sur nos journées. L’appel de Jésus consiste à croire en l’Évangile, c’est-à-dire à placer notre confiance dans le fait que le message de Jésus dit vrai quand il parle de la vie. Et, à partir de là, être disciple du Christ, c’est observer la vie avec une plus grande profondeur de champ et l’orienter dans le sens du Règne de Dieu.
La metanoia, c’est ouvrir notre intelligence à ce qu’il y a après les stéréotypes. C’est le fait d’aller au-delà des images toutes faites, pour rejoindre la vérité de chaque situation, de chaque personne. C’est quitter le monde des illusions pour entrer dans le Royaume du réel, de la vérité.
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Nous avons une identité irréductible
Quelle est la vérité de notre localisation géographique, et en quoi est-elle en accord avec ce texte biblique ? Notre temple est situé au 53, un numéro qui est un nombre premier. La caractéristique d’un nombre premier est de n’être divisible que par 1 et par lui-même. Cela signifie que dans l’ensemble des entiers, les nombres premiers ne peuvent pas se perdre. On les retrouve toujours. Même quand ils sont multipliés à d’autres nombres, il est possible de les retrouver parce qu’il n’y a qu’une seule décomposition en facteurs premiers pour chaque nombre. Prenez un nombre premier, multipliez-le par tout ce que vous voulez. Dans le résultat obtenu, en le décomposant, on pourra toujours retrouver ce nombre premier.
Voyons maintenant le rapport avec l’appel des premiers disciples. Jésus, comme cela a été rappelé par Marc à la première ligne de son évangile, est Christ, le Fils de Dieu. Jésus incarne Dieu parmi les hommes. Or Dieu, c’est l’altérité. C’est la figure de l’autre. C’est ce qui nous sort de notre état naturel pour nous mettre hors de nous, pour nous faire exister. Jésus incarne donc l’altérité.
Que fait Jésus ? Il appelle des personnes qui sont des frères. Jésus appelle des personnes qui sont les plus proches possibles d’un point de vue physiologique. Il les appelle pour devenir ses disciples, c’est-à-dire pour qu’ils incarnent, un jour, ce que lui incarne aujourd’hui – l’altérité qui injecte de la vie dans le monde. Jésus choisit des frères, par deux fois, pour incarner l’altérité.
Il y a là un enseignement précieux pour commencer l’Évangile. Le ministère de Jésus commence en affirmant que même les personnes les plus semblables sont résolument différentes. Il y a de l’altérité chez des frères, ce qui implique que chaque être humain est porteur d’une spécificité qui lui est propre. Dans une foule, chaque être est unique. Chacun peut être repéré d’une manière distincte. Jésus révèle que nous sommes, chacun, un nombre premier, qui ne peut être divisé que par un ou par lui-même, ce qui veut dire que nous ne disparaissons pas dans la foule, dans la masse. Même au cœur d’une humanité de 8 milliards d’êtres humains, nous restons uniques. Du point de vue de Dieu, on peut nous retrouver. Nous ne sommes pas dissous dans le grand tout. Au fil des ans nous pouvons changer d’apparence, de style de vie, mais nous gardons une valeur inaltérable.
Rapportée à notre Église, cette vérité signifie que notre présence est déterminante. Si nous ne sommes pas là, personnellement, alors l’Église n’est plus la même. Mais disons-le de manière positive. Notre présence change la donne. Non seulement notre présence n’est pas indifférente, mais nous apportons à l’ensemble ce que personne d’autre ne peut apporter, car nous sommes porteur d’une singularité dont nul autre n’est porteur.
C’est la raison pour laquelle le protestantisme s’est tellement intéressé à la décentralisation. Autant la concentration des pouvoir empêche de prendre des décisions éclairées par la multiplicité des points de vue, autant la décentralisation fait appel aux différentes expertises qui sont, chacune, irremplaçables.
C’est pour cela que Jésus avait non seulement besoin de Simon, mais aussi d’André. Et, pour ne pas laisser entendre que c’était un hasard, il récidive, en allant auprès des fils de Zébédée, il appela non seulement Jacques, mais aussi Jean, son frère. Il avait besoin de l’un et de l’autre, quoi qu’ils fussent frères. Aujourd’hui encore, notre présence est requise. Chacun de nous a sa part à prendre dans l’accomplissement du Royaume de Dieu.
Amen
Merci James.
Mais le temple de la rue Erlanger se distingue surtout du 58 rue Madame où trône un magasin de vêtements…. Viens nous rendre visite : Christian s’en va bientôt et nous ayons le plaisir de t’accueillir pour un échange de chaire avec Sophie.