Le prologue de Jean pour une jeunesse déprimée


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Jean 1/1-18

1 Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu. 2 Elle était au commencement avec Dieu. 3 Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n ‘a été fait sans elle. 4 En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes. 5 La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l ‘ont point reçue. 6 Il y eut un homme envoyé de Dieu: son nom était Jean. 7 Il vint pour servir de témoin, pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous crussent par lui. 8 Il n’était pas la lumière, mais il parut pour rendre témoignage à la lumière. 9 Cette lumière était la véritable lumière, qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme. 10 Elle était dans le monde, et le monde a été fait par elle, et le monde ne l ‘a point connue. 11 Elle est venue chez les siens, et les siens ne l ‘ont point reçue. 12 Mais à tous ceux qui l ‘ont reçue, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, 13 lesquels sont nés, non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu. 14 Et la parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme la gloire du Fils unique venu du Père. 15 Jean lui a rendu témoignage, et s’est écrié: C ‘est celui dont j’ai dit: Celui qui vient après moi m ‘a précédé, car il était avant moi. 16 Et nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce pour grâce; 17 car la loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus -Christ. 18 Personne n’a jamais vu Dieu; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, est celui qui l’a fait connaître.

Chers frères et sœurs, la France se classe à la 27è place du dernier rapport mondial sur le bonheur[1]. Quand on pense aux ressources dont dispose notre pays, sur le plan naturel, sur le plan scientifique, sur le plan intellectuel, sur le plan culturel, ce n’est pas très glorieux. Mais ce qui est le plus frappant dans ce rapport, ce sont les grandes disparités dans les tranches d’âges, puisque si nous avons un si bon classement, c’est grâce aux plus de 30 ans. En effet, si nous nous en tenions aux moins de 30 ans, nous serions en 48è position. Cette fracture s’observe aussi en Amérique du Nord et en Allemagne. Les analystes suggèrent que cet écart serait dû aux problèmes d’accès au logement, à la précarité professionnelle, à la pression sociale et médiatique, à l’inquiétude environnementale. Bref, le problème de la jeunesse, ce serait la vie. Être adulte, c’est faire face à tout cela. Et, manifestement, cela ne remplit pas notre jeunesse d’un enthousiasme infini.

En fait, rien de neuf. À l’époque de l’évangéliste Jean, déjà, ce n’était guère différent. Jean débute son évangile en rappelant qu’au commencement était la parole. La parole était auprès de Dieu, la parole était Dieu, tout advint par elle, en elle était la vie, mais le monde ne la pas connue. Bref, l’humanité a tout à sa disposition pour vivre de la meilleure manière qui soit, mais elle n’y parvient pas.

Jean nous offre, dans le prologue de son évangile, une analyse légèrement différente de celle proposée dans le rapport. L’analyse de Jean met la focale sur le rapport que nous entretenons avec la parole. Et, pour être plus précis, en utilisant les versets 7 et 12 comme clef d’interprétation, l’hypothèse de Jean est que la qualité de notre vie se fonde sur notre foi. Ce qui est décisif, c’est notre confiance dans la parole – ce que nous appelons « croire ». Problème : la parole n’est pas accueillie.

  1. La parole mise en échec

L’évangile de Jean commence comme le premier chapitre de la Bible, Genèse 1. Dieu parle et cela crée les conditions favorables à la vie humaine sur terre. La parole de Dieu ne fabrique pas chaque élément de notre univers, comme l’explique fort bien Jean. La parole de Dieu éclaire notre monde (1/9). Elle met en lumière tout ce qui nous entoure en nommant ces éléments et en leur donnant une fonction.

La parole de Dieu crée en donnant du sens à ce qui existe. Dieu crée par sa parole en nous révélant les ressources qui sont à notre disposition pour orienter notre vie dans le sens d’une plus grande humanité. Il fait de chacun de nous un Adam. Dieu fait de nous un humain.

Quand nous n’accueillons pas ces paroles divines, alors nous restons dans les ténèbres – une image pour parler d’une vie dans laquelle tout est confus, obscur. Nous ne savons pas trop où nous sommes. Nous ne savons pas trop ce que nous pouvons envisager pour la suite car tout est dans une sorte de pénombre. Et les jeunes gens, dans cette situation, ne savent pas ce qui leur est permis d’espérer. Le grand refrain des jeunes gens quand on les interroge sur ce qu’ils désirent, ce qui compte le plus pour eux, ce qu’ils envisagent pour la suite est : « je ne sais pas ».

Cela traduit le fait qu’aucune parole n’est suffisamment décisive pour qu’elle éclaire leur vie et leur révèle le sens qu’ils pourraient donner à leur existence. Jean repère deux raisons pour lesquelles la parole est mise en échec, en indiquant comment ces deux problèmes sont surmontés par Dieu en Jésus-Christ.

  1. La Parole nomade

La première raison pour laquelle les jeunes gens sont si nombreux à ne pas croire, et bien des adultes dans une moindre mesure, c’est qu’ils trouvent que la parole qui est déclarée « parole de Dieu » n’est pas crédible. Ca ne leur parle pas. Ce qu’ils entendent sur Dieu ne les incite vraiment pas à croire. Ils préfèrent se dire sans croyance, athée : c’est bien plus honorable selon eux.

Et je les comprends. Il y a des discours religieux qui ne sont pas chrétiens, mais qui relèvent de la superstition, ou de l’accumulation des clichés sans lien avec l’Évangile. Et cela ne rejoint pas les gens dans leurs questions personnelles. Cela ressemble à un folklore d’un autre temps qui n’a plus rien à nous apprendre sur la vie, aujourd’hui.

Quand on relit les querelles du XVIe entre protestants et catholiques sur la célébration de la cène, on ne peut être que gêné vis-à-vis des gens qui ont besoin d’une parole qui éclaire leur vie. Des pages écrites pour savoir s’il faut boire le vin de la cène dans lequel une araignée serait tombée etc. ce n’est qu’un folklore qui fait écran à la parole de Dieu, à la parole qui ouvrira nos yeux sur la beauté de ce monde et qui suscitera notre désir de nous lancer dans l’aventure de la vie.

L’évangéliste Jean nous fait comprendre que la parole de Dieu, elle, vient nous rejoindre là où nous sommes, là où nous en sommes de notre compréhension d’une vie bonne. Jean explique cela en disant que la parole de Dieu est nomade. C’est ce que l’évangéliste Jean dit subtilement au verset 14 quand il écrit que la parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous. Habiter est une manière de traduire le verbe skenoo qu’il vaudrait mieux rendre par « camper » car ce verbe signifie « habiter sous la tente » (skènè).Dieu vient camper parmi nous.

Cela correspond bien à la manière dont la Bible hébraïque parle de la présence de Dieu dans l’histoire humaine : la présence de Dieu (la chekinah) se fait dans la tente (skènè). C’est une manière de dire que Dieu est nomade, qu’il nous accompagne au rythme de notre marche. Il n’est pas figé dans des bâtiments immuables ou dans la lettre de textes définitifs. La grâce qui nous est faite, c’est que la parole est mobile, comme Dieu est mobile. Elle se fraie un chemin jusqu’à nous.

Dire que Dieu s’est fait chair signifie qu’il ne s’est pas fait temple ni livre. C’est pour cela qu’il n’y a ni lieu sacré ni livre sacré, en christianisme. Or beaucoup trop de chrétiens sont d’accord avec l’affirmation que le christianisme est une religion du livre. Jean dit l’exact inverse : Dieu ne s’est pas fait livre, il s’est fait chair. Il s’est fait humain. Le christianisme n’est pas une religion du livre. C’est la religion de la parole. Le christianisme ne se fie pas au livre, même quand il se fait appeler la Bible car la foi chrétienne se fonde sur la parole, c’est-à-dire sur l’interprétation du texte qui tient compte de notre vie, de notre actualité.

Dieu n’est pas dans la lettre d’un texte – lettre qui figerait la vie dans un état définitif. Or la vie, elle, évolue. C’est pourquoi la parole de Dieu ne se laisse jamais enfermer dans des formules définitives, autrement dit dans des définitions. Dieu échappe au Dogme pour nous rejoindre dans notre vie quotidienne et pour éclairer notre présent. Jésus n’est pas venu faire du folklore religieux. Il a parlé à ses contemporains en leur disant comment la grâce les rejoignait dès à présent.

  1. Jésus est l’exégète de la Parole

La deuxième raison pour laquelle les jeunes gens ne se fient pas vraiment à la parole de Dieu, c’est qu’ils jugent que c’est trop compliqué. Bonne nouvelle ! Jean nous dit que nous avons la solution à ce problème. C’est au verset 18, quand il écrit que nul n’a jamais vu Dieu, mais que le fils unique, lui, l’a fait connaître. Le texte grec est infiniment plus intéressant puisqu’il n’est pas question de faire connaître, ici, mais de faire l’exégèse de Dieu (exègèsato). Jésus est l’exégète de Dieu. L’exégèse, c’est le travail que nous faisons pour comprendre un texte biblique, par exemple. On va chercher le contexte dans lequel le texte a été écrit, on va s’efforcer de savoir pour qui il a été écrit, à quoi il fait référence, à quelle question il répond. On va mener l’enquête pour comprendre ce que le texte veut dire et pour savoir ce qu’il peut signifier aujourd’hui.

Que Jésus soit l’exégète de la parole de Dieu est une grande solution à notre problème. Cela répond au problème de toute communication, telle que Bernard Weber l’a exposé : « entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous avez envie d’entendre, ce que vous croyez entendre, ce que vous entendez, ce que vous avez envie de comprendre, ce que vous croyez comprendre, ce que vous comprenez… il y a dix possibilités qu’on ait des difficultés à communiquer[2] ».

Jésus, en étant l’exégète du texte, nous aide à lever les malentendus. Il clarifie les paroles qui retentissent dans les textes bibliques en nous les faisant entendre selon l’esprit de Dieu. Jésus a nettoyé les textes encrassés par la tradition pour en révéler toute leur puissance de vie ; leur caractère subversif aussi.

L’Évangile n’a pas pour objectif de faire de la France le premier pays d’un rapport mondial sur le bonheur – car l’Évangile a une perspective universelle et vise donc le salut de tous. En revanche l’Évangile nous révèle que nul ne devrait se sentir déclassé. Nul ne devrait se sentir perdu, sans avenir. La parole aujourd’hui encore disponible pour rendre chacun capable de se réjouir de la vie.

Amen

[1] https://happiness-report.s3.amazonaws.com/2024/WHR+24.pdf

[2] Bernard Weber, L’encyclopédie du savoir relatif et absolu.

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