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Esaïe 9/6-7
6 Car un enfant nous est né, un fils nous a été donné, et le gouvernement sera sur son épaule; et on appellera son nom : Merveilleux, Conseiller, Dieu fort, Père pour toujours, Prince de paix. 7 De l’accroissement pour son gouvernement, et pour la paix, pas de fin sur le trône de David et sur son royaume, pour l’établir et le soutenir en jugement et en justice, dès maintenant et pour toujours.
Chers frères et sœur, ce verset du prophète Ésaïe sonne d’une tonalité toute particulière en cette veille de Noël 2024, puisque la question d’un gouvernement est on ne peut plus d’actualité.
Ces versets d’Ésaïe ne nous disent pas quelle doit être la feuille de route du prochain gouvernement de notre République. Ils parlent d’un enfant qui naît, d’un fils qui est donné. L’enfant, c’est la nouveauté, c’est ce qui n’a encore jamais été. Le fils, c’est celui qui s’inscrit dans une histoire, dans une tradition.
Unir une société tiraillée
Ce verset nous dit la rupture et la continuité. Le neuf et le vieux, l’innocence de l’enfant qui ne sait pas, qui a tout à apprendre, et la connaissance du fils qui sait tout ce qu’il a reçu en héritage. Noël, c’est Dieu qui se tient à l’intersection de l’ancien et du moderne, qui s’incarnent dans une seule et même personne. Noël, c’est Dieu nous aide à tenir ensemble tous les bouts d’une société qui est toujours trop fragmentée.
Cette annonce du messie est à la fois polémique contre les intégristes qui pensent que rien ne doit jamais changer. Polémique contre ceux qui pensent que la jeunesse n’a pas sa place aux postes à responsabilité, que les jeunes feraient mieux de se taire, que les choses sérieuses ne les concernent pas et que l’histoire ne doit pas progresser. C’est une déclaration polémique contre la sagesse, présente au sein même de la Bible, dans le livre de l’Ecclésiaste, qui déclare : « Malheur à toi, pays dont le roi est un enfant », Qo 10/16.
Cette annonce du messie est aussi polémique contre ceux qui voudraient se passer de l’expérience et des leçons de l’histoire – les progressistes qui rejettent la tradition d’un revers de la main et qui veulent conformer la culture, l’Eglise, la nation, à leur propre idée, sans tenir compte de l’histoire, sans tenir compte des besoins fondamentaux de chaque être humain.
Ce n’est finalement que du bon sens de tenir ensemble tous les éléments d’une communauté, d’une société. Mais le bon sens n’est pas toujours bien partagé. Il a besoin de venir au monde à chaque nouvelle génération. Il faut le faire surgir. Dieu le fait advenir à Noël, en rassemblant ce qui est désuni, fracturé, en créant une communion entre les différents pôles de l’existence, au lieu de les laisser s’exclure mutuellement.
Nous avons besoin de toutes les cases de ce calendrier de l’avent, nous avons besoin de tous les personnages de l’histoire biblique, pour que l’histoire progresse vers une plus grande humanité. L’ange seul avec son message est un être pathétique. L’homme seul est vulnérable. La femme seule n’est pas féconde. L’enfant seul est sans avenir. Et il faut ajouter la lumière pour ne pas vivre dans les ténèbres des cavernes inhumaines. Il faut aussi les bergers qui prennent soin des brebis. Il faut également le pouvoir politique qui assure la cohésion de tout cela, mais qui n’a aucune légitimité sans le peuple au service duquel il doit se placer. Noël est l’histoire de la communion entre toutes les composantes d’une société, des composantes qui prennent sens en se mettant au service les uns des autres.
une berceuse qui appelle la douceur
Outre le contenu de ces versets, disons aussi un mot de leur forme, de leur style. Les mots qui sont au cœur de ce message sont manifestement la trace d’une berceuse. En hébreu, nous entendons bien ces sonorités qui apaisent« ki yeled youlad lanou, ben nitan lanou » (car un enfant nous est enfanté, un fils nous est donné). Nous entendons la paix, de la douceur, , autre chose que le tumulte et parfois la fureur que nous ne connaissons que trop bien au quotidien.
Que la forme de ce verset soit une berceuse dit l’importance de la douceur par laquelle ce gouvernement doit s’exercer. La naissance du messie sous les traits d’un enfant qui appelle une berceuse nous dit que la recherche d’un monde meilleur passe par la douceur, par la bienveillance. Le fils qui vient d’une lignée faite de grandeur et de vicissitude, de moments de grâce et de monstruosité, sait qu’il ne faut pas être naïf, qu’il faut être prudent, vigilant, qu’il faut veiller parce que le monde est chargé de menaces. Mais l’enfant que nous avons tous été, et que nous sommes encore, a besoin de douceur, de respect, d’attention. C’est cette dimension si vulnérable de notre humanité que les bergers viennent saluer, comme le feront les mages dans l’évangile de Matthieu. Pour calmer l’inquiétude de l’enfant qui peut se transformer en fureur à l’âge adulte, Noël nous appelle à privilégier la douceur dans nos relations interpersonnelles.
Amen