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Genèse 6/9-7/5
9 Voici la postérité de Noé. Noé était un homme juste et intègre dans son temps; Noé marchait avec Dieu. 10 Noé engendra trois fils: Sem, Cham et Japhet. 11 La terre était corrompue devant Dieu, la terre était pleine de violence. 12 Dieu regarda la terre, et voici, elle était corrompue; car toute chair avait corrompu sa voie sur la terre. 13 Alors Dieu dit à Noé: La fin de toute chair est arrêtée par devers moi; car ils ont rempli la terre de violence; voici, je vais les détruire avec la terre. 14 Fais -toi une arche de bois de gopher; tu disposeras cette arche en cellules, et tu l’enduiras de poix en dedans et en dehors. 15 Voici comment tu la feras: l’arche aura trois cents coudées de longueur, cinquante coudées de largeur et trente coudées de hauteur. 16 Tu feras à l’arche une fenêtre, que tu réduiras à une coudée en haut; tu établiras une porte sur le côté de l’arche; et tu construiras un étage inférieur, un second et un troisième. 17 Et moi, je vais faire venir le déluge d’eaux sur la terre, pour détruire toute chair ayant souffle de vie sous le ciel; tout ce qui est sur la terre périra. 18 Mais j’établis mon alliance avec toi; tu entreras dans l’arche, toi et tes fils, ta femme et les femmes de tes fils avec toi. 19 De tout ce qui vit, de toute chair, tu feras entrer dans l’arche deux de chaque espèce, pour les conserver en vie avec toi: il y aura un mâle et une femelle. 20 Des oiseaux selon leur espèce, du bétail selon son espèce, et de tous les reptiles de la terre selon leur espèce, deux de chaque espèce viendront vers toi, pour que tu leur conserves la vie. 21 Et toi, prends de tous les aliments que l’on mange, et fais-en une provision auprès de toi, afin qu’ils te servent de nourriture ainsi qu’à eux. 22 C’est ce que fit Noé: il exécuta tout ce que Dieu lui avait ordonné. 7/1 L’Éternel dit à Noé: Entre dans l’arche, toi et toute ta maison; car je t’ai vu juste devant moi parmi cette génération. 2 Tu prendras auprès de toi sept couples de tous les animaux purs, le mâle et sa femelle; une paire des animaux qui ne sont pas purs, le mâle et sa femelle; 3 sept couples aussi des oiseaux du ciel, mâle et femelle, afin de conserver leur race en vie sur la face de toute la terre. 4 Car, encore sept jours, et je ferai pleuvoir sur la terre quarante jours et quarante nuits, et j’exterminerai de la face de la terre tous les êtres que j’ai faits. 5 Noé exécuta tout ce que l’Éternel lui avait ordonné.
Genèse 8/6-14
6 Au bout de quarante jours, Noé ouvrit la fenêtre qu’il avait faite à l’arche. 7 Il lâcha le corbeau, qui sortit, partant et revenant, jusqu’à ce que les eaux eussent séché sur la terre. 8 Il lâcha aussi la colombe, pour voir si les eaux avaient diminué à la surface de la terre. 9 Mais la colombe ne trouva aucun lieu pour poser la plante de son pied, et elle revint à lui dans l’arche, car il y avait des eaux à la surface de toute la terre. Il avança la main, la prit, et la fit rentrer auprès de lui dans l’arche. 10 Il attendit encore sept autres jours, et il lâcha de nouveau la colombe hors de l’arche. 11 La colombe revint à lui sur le soir; et voici, une feuille d’olivier arrachée était dans son bec. Noé connut ainsi que les eaux avaient diminué sur la terre. 12 Il attendit encore sept autres jours; et il lâcha la colombe. Mais elle ne revint plus à lui. 13 L’an six cent un, le premier mois, le premier jour du mois, les eaux avaient séché sur la terre. Noé ôta la couverture de l’arche: il regarda, et voici, la surface de la terre avait séché. 14 Le second mois, le vingt -septième jour du mois, la terre fut sèche.
Chers frères et sœurs, choisir le récit du déluge et de l’arche de Noé, un jour de baptême, cela pourrait faire penser à une facétie, puisque Noé fait vraiment tout pour éviter la moindre goutte d’eau. Une fois de plus, cela montre que l’eau n’est pas seulement une source de bénédiction. Elle peut être mortelle. Cela est vrai aussi pour la religion, qui peut être mortelle selon l’usage qu’on en fait. Dans le cas de Noé, la religion se révèle sous un jour positif, je dirais même doublement positif. Avec Noé, la religion permet de prévenir, dans deux sens du terme que nous allons examiner.
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Prévenir du malheur
La religion sert à prévenir du malheur. Noé était un homme qui marchait avec Dieu, autrement dit il était non seulement croyant, mais aussi pratiquant. Et sa religion va lui permettre d’échapper au malheur qui va toucher l’humanité. La religion de Noé n’empêche pas qu’il y ait des malheurs qui s’abattent sur le monde puisqu’il est bien précisé que la terre était corrompue et qu’elle était pleine de violence. La religion de Noé n’empêche pas qu’il soit lui-même menacé par cette violence et par les conséquences de cette violence, à savoir le déluge qui va arriver.
Cependant, la religion de Noé va le prévenir de telle manière qu’il puisse se préparer à ce qui va arriver et qu’il puisse de pas succomber au déluge qui va tout emporter. La religion de Noé n’empêche pas le déluge, mais elle lui permet de faire face et de ne pas succomber au malheur. Levons un possible malentendu : ce texte ne prétend pas que la religion permet d’échapper à tous les malheurs – le personnage Job n’échappera pas au malheur, et il est probable que toute personne dans la situation de Noé serait consternée par la mort de tant et tant de personnes dont probablement des proches. Ce texte biblique est une métaphore de l’homme face au danger et, plus précisément, de l’homme face aux dangers de la société.
Il n’est pas question d’un texte qui nous dit comment éviter les virus et les bactéries. Ce n’est même pas un texte qui nous dit ce qu’il faut faire en cas de cataclysme. Ce texte dit que la religion permet de prévenir les conséquences catastrophiques de la violence sociale et de l’injustice latente. La religion sert à se préparer en cas de mauvais temps social, quand l’air de la cité devient irrespirable, quand l’ambiance est proprement mortelle.
Il n’est pas dit que ce récit nous serve un jour. Ce récit est là pour nous préparer en cas de besoin. Bien des aspects de la religion ne nous seront nécessairement utiles, au même titre que le baptême peut n’avoir aucune utilité. Le baptême n’est pas un vaccin contre les moments difficiles, il n’empêche pas les situations compliquées. Toutefois, il peut nous arriver de vivre des moments particulièrement douloureux pendant lesquels le baptême s’avère redoutablement efficace. Par exemple, le baptême qui déclare que nous avons notre place au sein de l’humanité, nous permettra de ne pas succomber au découragement lorsque nous aurons peut-être du mal à trouver un travail, ou un logement, ou que nous aurons des voisins particulièrement détestables qui feront tout pour nous faire comprendre que nous ne sommes pas les bienvenus. Cela est vrai aussi au sein d’une communauté chrétienne. Nous sommes nombreux à avoir connu des moments où nous n’avons pas été bien accueillis au culte, d’autres moments où nous étions regardés de travers, ou encore des fois où notre parole a été totalement ignorée ou déconsidérée. Dans ces cas, le baptême nous rappelle que nous sommes aimés de manière inconditionnelle par Dieu, en conséquence de quoi nous n’avons pas à nous justifier d’exister.
La religion, en instituant la grâce par les sacrements, en la célébrant régulièrement par le culte, permet à chaque croyant de bien intégrer qu’il est justifié par grâce seule – ce qui pourra être particulièrement précieux en cas de mauvais temps, quand nous avons l’impression que nous ne valons pas grand-chose, que nous n’avons plus rien à faire ici bas. Dieu nous a jugé justes – c’est cela la justification par grâce seule, à laquelle nous adhérons par notre foi, c’est-à-dire la grâce à laquelle nous faisons confiance. Cela signifie que nous sommes comme Noé. Et comme Noé, la religion nous prévient qu’il faut se préparer à affronter les difficultés de la vie, si bien que lorsque l’hiver vient, nous ne sommes pas totalement dépourvus. Bien au contraire.
Cela se résume en une formule rappelée par Robert Redford qui fait le théologien dans le film Jeu d’espions : il demande à sa secrétaire quand Noé a construit son arche. Devant son air interloqué il lui dit : « avant le déluge… avant le déluge ». La religion, c’est une manière de prévenir le malheur pour se préparer à pouvoir faire face et ne pas succomber.
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Prévenir – avertir
La religion sert à prévenir au sens d’avertir. Elle prévient comme on informe une personne. D’une part Noé est prévenu que cette situation sociale impossible à vivre va mal finir, d’autre part il est prévenu que la terre est enfin sèche et qu’il va être possible de sortir de l’arche dans laquelle il s’est protégé avec sa famille et des représentants de chaque espèce animale pour éviter l’extinction du monde.
Il y aurait bien des explications et des interprétations à donner sur ce qu’est l’arche, sur le sens du déluge et même sur le vol du corbeau qui est en rapport avec l’assèchement de la terre. Mais j’aimerais, pour une fois, porter l’attention sur la colombe qui fait, elle aussi quelques allers-retours, revenant une fois avec une feuille arrachée à un olivier puis ne revenant plus.
La colombe ne fait rien d’autre que vivre sa vie de colombe et, dès lors que la terre est à nouveau vivable, elle va vivre de son côté, loin de l’arche familiale, comme les enfants qui ont découvert que le monde était vivable, loin du cocon familial, et qui vont construire leur propre foyer là où ils estimeront que c’est le mieux pour eux.
La colombe est comme un signe que Noé observe et qu’il interprète pour connaître l’état du monde. Tant que la colombe revient, c’est qu’elle n’a pas trouvé où se poser. Quand elle revient avec la feuille d’olivier, c’est que l’eau a suffisamment baissé pour que la nature ait pu se développer. Dès lors que la colombe ne revient plus, c’est que la terre est à nouveau habitable, qu’il y a de quoi y vivre et se nourrir.
En interprétant ce signe, Noé est en mesure de pouvoir avertir les siens que le périple touche à sa fin : il n’est pas question de voir le bout du tunnel, mais la fin du déluge, deux métaphores qui disent la même chose. La suite de l’histoire donnera la parole à l’Éternel qui invitera Noé et sa famille à sortir de l’arche.
La religion est donc là pour prévenir, pour avertir, comme une vigie qui guette l’apparition d’un bout de terre pour avertir l’équipage de son navire. La religion est donc là pour prévenir, pour avertir parce qu’elle rend capable d’interpréter les signes et de donner du sens à ce qui arrive. La Bible est un grand recueil de décryptages de ce qui fait notre monde – ou de ce qui le défait. La Bible nous aide à identifier ce qui annonce les temps favorables ou ce qui est contraire à l’humanité. La Bible nous aide à identifier les phénomènes de violence collective, les phénomènes de cour, les phénomènes de rivalité, les phénomènes de bouc émissaire, pour que nous soyons en mesure de prévenir nos contemporains des risques.
La Bible nous aide aussi à identifier ce qui relève de la grâce, ce qui relève de la logique du pardon, ce qui va dans le sens de la rédemption, ce qui favorise la reconnaissance, ce qui est gratitude, ce qui transcende notre condition vers une plus grande liberté, pour que nous soyons en mesure de prévenir nos contemporains des opportunités à saisir qui se présentent.
Bien souvent, la religion est à la traîne. Elle suit les mouvements de société alors qu’elle devrait les annoncer. La religion s’ajuste aux changements de vie alors qu’elle devrait prévenir des nouvelles possibilités qui s’offrent à nous pour que chacun soit libre de s’orienter avec une plus grande latitude. Les chrétiens puisent dans les textes bibliques des justifications aux idéologies qu’ils veulent défendre alors qu’ils devraient découvrir dans les textes bibliques les idées à proposer pour que nul ne soit condamné à demeurer le reste de sa vie dans son arche, dans sa bulle, hors du monde. La religion est là pour former des éclaireurs du sens qui ouvrent des voies nouvelles en direction d’une société ouverte.
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La religion permet donc de se préparer à affronter les éléments déchaînés pour ne pas être submergés, pour ne pas périr. La religion permet aussi d’annoncer les issues disponibles, les temps propices, les lieux favorables. La religion prévient contre ce qui menace l’existence en donnant les moyens de s’équiper contre ce qui s’oppose à ce qui humanise le monde. La religion prévient en révélant quels sont les points d’appui qui nous permettront de pouvoir poursuivre notre route, qui nous permettront de continuer à écrire notre histoire.