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Marc 16/1-8
1 Lorsque le sabbat fut passé, Marie de Magdala, Marie, mère de Jacques, et Salomé, achetèrent des aromates, afin d’aller embaumer Jésus. 2 Le premier jour de la semaine, elles se rendirent au sépulcre, de grand matin, comme le soleil venait de se lever. 3 Elles disaient entre elles: Qui nous roulera la pierre loin de l’entrée du sépulcre ? 4 Et, levant les yeux, elles aperçurent que la pierre, qui était très grande, avait été roulée. 5 Elles entrèrent dans le sépulcre, virent un jeune homme assis à droite vêtu d’une robe blanche, et elles furent épouvantées. 6 Il leur dit: Ne vous épouvantez pas; vous cherchez Jésus de Nazareth, qui a été crucifié; il est ressuscité, il n’est point ici; voici le lieu où on l ‘avait mis. 7 Mais allez dire à ses disciples et à Pierre qu ‘il vous précède en Galilée: c’est là que vous le verrez, comme il vous l’a dit. 8 Elles sortirent du sépulcre et s’enfuirent. La peur et le trouble les avaient saisies; et elles ne dirent rien à personne, à cause de leur effroi.
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Chers frères et sœurs, les femmes qui se rendent au tombeau ne sont pas animées, comme nous tous, par la Bonne Nouvelle de Pâques. Ce n’est pas « la vie malgré tout » qui les attire vers le tombeau de Jésus dès les premières lueurs d’une journée qui s’annonçait sans éclat.
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Être vers la mort
Marie-Madeleine, Marie et Salomé vont à la tombe non comme les papillons attirés par le soleil, mais comme nous tous attirés par ce qu’il y a de morbide dans la vie. C’est la mort qui attire ces femmes, c’est le cadavre de Jésus qui les a fait se lever et les a mises en route. Ces femmes sont comme nous qui faisons un détour pour voir un accident de plus près, nous qui sommes fascinés par un incendie, nous qui avons passé de trop longues minutes devant le spectacles des tours s’effondrant il y a quelques années à New York, nous qui avons un œil rivé sur les chiffres d’hospitalisation en réanimation que nous servent les distributeurs automatiques de mauvaises nouvelles, et un autre rivé sur le nombre de mort chez nous et chez nos voisins. Reconnaissons qu’il y a tout de même une exception notable, sur les réseaux sociaux, une sorte d’anomalie qui confirme la règle : la folle passion du plus grand nombre pour les photos de chat.
Ces femmes, c’est nous qui avons une attirance morbide pour ce qui se dégrade, pour ce qui est dégradé, pour ce qui blesse, et qui sommes les spectateurs captif des scènes de violence, de harcèlement, de ces scènes où les antihéros prennent le dessus. Ces femmes, c’est nous avec cet attrait pour ce qui ne va pas, pour ce qui ne va pas dans le sens de la vie, d’une vie plus grande, plus épanouie, plus affermie, plus joyeuse.
Ces femmes se sont rendues au tombeau non pour vérifier la prophétie que Jésus serait ressuscité le troisième jour – probablement parce que cette prophétie n’a pas été faite du temps de Jésus, mais bien après l’événement de Pâques. Ces femmes se sont rendues au tombeau pour embaumer le corps de Jésus, pour le maintenir en l’état, pour empêcher que la poussière retourne à la poussière. Il y a une forme de fétichisme, une volonté de conserver l’objet de leur désir, de faire de Jésus un objet, un objet définitif. Le corps de Jésus a finalement plus d’importance que sa vie, que sa personnalité, que son âme, que le message qu’il a délivré, que le Dieu auquel il a rendu témoignage. Ce n’est pas la vie qui intéresse fondamentalement ces femmes qui veulent garder l’image qu’elles ont de leur Jésus, quitte à ce que cette image n’ait aucun rapport avec le réel.
Notons que ce n’est pas exactement au tombeau que les femmes se rendent, mais au mémorial dans lequel Jésus a été déposé. Mnéméion, en grec, et non pas taphos comme c’est l’usage. Mnéméion qui signifie la mémoire, comme le procédé mnémotechnique qu’on utilise pour se souvenir de quelque chose. Ici Jésus a été déposé dans la mémoire morte de l’humanité de quelques uns. Jésus est stocké, il est archivé. C’est une façon d’essayer de bloquer le temps, de bloquer l’histoire. C’est donc, aussi, une façon de bloquer la vie. Ces femmes, à ce moment de la journée, sont des « êtres-vers-la-mort », pour reprendre l’expression du philosophe Martin Heidegger, qui ont inconsciemment un goût prononcé pour la mort et ce qui est mortel.
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Pâques le contre-pied de la morbidité
Mais voilà que ces femmes sont freinées dans leur élan. Un jeune homme vêtu d’une robe blanche, ce qui peut faire penser à un messager divin dans l’imaginaire populaire, un ange, cherche d’abord à les rassurer de leur épouvante et, ensuite, leur délivre le message capital qui est le cœur de leur expérience de Pâques : la vie n’est pas dans le mémorial. Oui, on a voulu enfermer la vie à double tour au fond d’un trou qui tiendrait lieu de mémoire immémoriale. Mais la vie a été plus forte. La vie a déjà filé au loin. Ne restez pas là à vous morfondre. Filez, vous aussi, allez en Galilée, là où Jésus a rencontré des gens, là où il les a contemplés, écoutés, soignés, aimés, enseignés, étonnés, bouleversés, là où il a vécu, là où la vie a été rendue possible.
Le jeune homme, est un ange, un messager, au sens où il porte en lui, dans sa parole, l’être véritable de Dieu. Souvenons-nous que le nom propre de Dieu, dans la langue hébraïque, est construit sur le verbe « advenir » dans une forme qui indique le présent et le futur. Le nom propre de Dieu indique le fait d’advenir et d’advenir encore. Ce jeune homme est donc porteur d’une tout autre histoire que celle que ces femmes et nous tous incarnons trop souvent. Ce jeune homme est porteur de l’être, de l’être-vers-la-vie. Ce jeune homme est là pour susciter et ressusciter la vie là où elle est malmenée, là où elle est rendue impossible, là où l’intolérance et la violence ont pris la place de la liberté.
Ce jeune homme est du côté de ce qui encourage la vie, de ce qui ne se résigne pas à l’abandon de la vie au chaos. Ce jeune homme est du côté du corps médical qui n’abandonne pas les malades à leur triste sort, du côté de la puissance publique qui n’abandonne pas les citoyens à la dégradation de la société. Ce jeune homme est du côté des enseignants qui œuvrent pour l’éclosion de l’intelligence chez chacun ; il est du côté des théologiens qui œuvrent pour l’éclosion du goût de la vie en plénitude. Ce jeune est du côté de tous ceux qui prennent le contre-pied de l’attirance vers ce qui ne va pas. Ce jeune homme est une âme, un être tendu vers un idéal de vie qui est, finalement, la vie elle-même et tout ce qui favorise la vie. Ce jeune homme est du côté du principe de responsabilité développé par un autre philosophe, Hans Jonas, qui disait que notre plus grande responsabilité, en tant qu’être humain, est qu’il puisse y a voir encore des responsabilités à assumer.
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La peur, le symptôme de la vie véritable
Et c’est cette responsabilité retrouvée, celle d’aller dire aux disciples de Jésus que l’histoire n’est pas finie, que le mémorial n’était pas une bonne idée car ce n’est pas un endroit qui convient à la vie en Dieu, est la cause d’un profond effroi chez ces femmes. Au sens strict du terme grec, les femmes ont une phobie, une véritable peur. Elles sont effrayées. Et c’est ainsi que se terminait l’évangile de Marc, avant qu’il ne soit complété par une autre main. L’évangile de Marc se terminait sur l’expérience de Pâques qui provoquait la peur des premiers témoins.
C’est la peur devant l’inconnu, devant ce qui échappe au savoir, devant ce qui échappe à l’expérience. C’est la peur de celui qui ne maîtrise pas le cours des événements. C’est la peur de celui qui est saisi par la vie, la vie qui nous est toujours quelque peu étrangère, la vie qui échappe toujours à nos définitions, à nos espoirs, nos vœux, nos projections, nos certitudes, la vie qui est infiniment plus vivante que l’idée que nous nous en faisons. C’est la peur de celui qui est déstabilisé parce que la vie est infiniment plus jouissive que ce qu’il envisageait, en conséquence de quoi il perd ses repères et constate que ce qu’il tenait jusque là pour la vie n’était que l’ombre de la vie ou, plus exactement, la vie placée dans l’ombre de la mort.
Voilà que le jeune homme du tombeau permet aux humains de faire les quelques pas qui leur manquent pour sortir de la vallée où règne l’ombre de la mort et pour se rendre là où le bonheur et la grâce sont permis. Il n’est donc pas étonnant qu’il soit dit au sujet des femmes qu’elles subissent un trauma et qu’elles se mettent à exister. Ce sont les deux termes grecs qui sont enfouis sous nos traductions gentillettes qui disent le plus souvent : « peur et trouble » ou « tremblement et trouble ». Il y a d’une part un « tromos » et d’autre part une « ekstasis ». Le trauma de Pâques consiste à faire l’expérience radicale du désir de vivre, l’autre nom de Dieu. Alors, inévitablement, le vertige nous gagne, le vertige de se découvrir plus grand, plus vaste que ce qu’on imaginait. Le vertige de découvrir des ressources internes qu’on ne soupçonnait pas pour faire face aux catastrophes de la vie. Le vertige devant tous les possibles de la vie. Le vertige, aussi, devant tout ce qu’on n’a pas fait, tout ce qu’on a laissé passer, tout ce qu’on a enfoui dans sa mémoire au lieu d’en vivre.
La résurrection, c’est la prédication qu’il n’y a pas lieu de sonner la fin de l’histoire. La résurrection est cet encouragement divin à se lancer dans l’aventure de la vie selon ce qu’a vécu Jésus qui nous a ouvert le chemin, qui nous a précédés en Galilée, là où il a révélé ce que vivre veut dire.
Amen
Mille mercis ! on a envie de se lever et d’applaudir ; je diffuse !
Amitiés. Marie-Lou Randon
Bonjour,
C’est bien le culte en visio…c’est différent quoi… mais après tout : « en être sans y être », c’est très chrétien non ?
Pourquoi pas aussi de l’enseignement religieux avec une plateforme de visioconférence ? je suis parisienne et je serais preneuse !…