« Dieu est lumière »


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1 Jean 1/5-10

5 Et c’est ici le message que nous avons entendu de lui et que nous vous annonçons, savoir que Dieu est lumière et qu’il n’y a en lui aucunes ténèbres. 6 Si nous disons que nous avons communion avec lui, et que nous marchions dans les ténèbres, nous mentons et nous ne pratiquons pas la vérité; 7 mais si nous marchons dans la lumière, comme lui-même est dans la lumière, nous avons communion les uns avec les autres, et le sang de Jésus Christ son Fils nous purifie de tout péché. 8 Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n’est pas en nous. 9 Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés et nous purifier de toute iniquité. 10 Si nous disons que nous n’avons pas péché, nous le faisons menteur et sa parole n’est pas en nous.

Chers frères et sœurs, lorsque nous voulons parler de Dieu, lorsque nous voulons dire ce qu’est Dieu, il est courant que nous fassions appel à la première lettre de Jean qui dit que Dieu est amour (1 Jn 4/8). Mais en ouvrant la Bible à la première lettre de Jean, nous apprenons une autre chose au sujet de Dieu, dès le premier chapitre : « Dieu est lumière » (v. 5).

Dire que Dieu est lumière est très intéressant sur le plan religieux. Tout d’abord, cela nous enseigne quelque chose de la manière dont la Bible parle de Dieu et de la vie. Bien évidemment, lorsque nous lisons que Dieu est lumière, et que nous réfléchissons un peu à ce que cela signifie, nous comprenons que c’est une image figurée. En conséquence, même une Église doit prendre un contrat d’électricité pour éclairer le temple lorsque le soleil a passé l’horizon. Dire que Dieu est lumière est une image qu’il ne faut pas prendre à la lettre, même s’il est bien question de « lumière », dans le texte grec – phos. Dieu n’est pas une lumière physique. Cette image de la lumière est à comprendre comme une opposition aux ténèbres qui sont une manière de parler des situations où nous ne distinguons rien : ces situations où nous sommes tout à fait incapables de nous orienter correctement, de voir et donc de comprendre ce qui nous arrive ; ces situations où nous sommes comme enveloppés dans un voile épais.

Cela nous conduit à la deuxième chose intéressante que cette expression « Dieu est lumière » nous enseigne et qui va être développée dans ce passage biblique : la lumière a un rapport avec la vérité en conséquence de quoi Dieu est en rapport avec la vérité. Dire que Dieu est lumière nous enseigne que Dieu est source de vérité. C’est ce que nous allons découvrir en reprenant ce texte biblique.

  1. Confesser ses péchés pour être libéré des opinions

Par deux fois, l’auteur de ce texte dit qu’il peut arriver que nous ne soyons pas dans la vérité : quand nous marchons dans les ténèbres en disant que nous sommes pourtant en communion avec Dieu (v.6), et quand nous disons que nous n’avons pas de péché (v. 8). Pour le dire un peu rapidement, rien de tel que la confession du péché pour être au plus près de la vérité. Donc un conseil : n’arrivez pas trop tard au culte pour ne manquer le grand moment de vérité qu’est la confession du péché, la prière qui a lieu après la louange au début du culte.

Pourquoi la confession du péché a-t-elle un lien étroit avec la vérité ? Probablement parce que la confession du péché est un peu comme une épreuve de vérité pour le croyant : on se place devant Dieu, sans maquillage, sans masque, et on ose dire ce qu’il y a de plus vrai en nous, même si ce qu’il y a de plus vrai est aussi ce qu’il y a de plus laid. Nous sentons bien, pendant la confession du péché, que nous sommes dans un moment de vérité ; que ce n’est pas le moment de faire semblant ; que c’est plutôt le moment de creuser, de gratter, et de révéler ce qu’il y a derrière les apparences que nous offrons en spectacles à nos amis, à nos proches, aux gens que nous côtoyons.

C’est cette expérience de la confession du péché qui est décisive pour comprendre ce qu’est la vérité et pour comprendre que l’expression « Dieu est lumière » a un rapport avec la vérité et que les croyants sont appelés à entretenir un rapport de communion avec la vérité.

La première façon de le comprendre, c’est de faire un peu d’étymologie. La vérité, en grec, c’est alèthéia. Il y a un alpha privatif au début, qui a pour fonction de changer complètement le sens du mot qui suit. Et le mot qui suit, lèthè, cela veut dire « oubli ». La vérité, c’est donc l’inverse de l’oubli : c’est le dévoilement, c’est la révélation. Dieu est lumière en ce sens que Dieu révèle ce qu’est la vie, ce que nous sommes, ce que nous sommes appelés à devenir, à faire, à espérer, alors que nous l’oublions souvent, parce que nous sommes pris par les occupations du quotidiens, par beaucoup de préoccupations qui nous enveloppent au fur et à mesure en nous faisant perdre de vue l’essentiel. Dieu est lumière parce que Dieu met en lumière ce qui n’est plus tellement visible sous la pile des choses à faire, à lire, à voir, sous la pile des gens dont il faudrait prendre des nouvelles et la liste des courses à faire et des problèmes à régler. Dieu est lumière parce qu’il sort de l’oubli nos rêves de jeunesse, parce qu’il sort de l’oubli ces fulgurances que nous avions lorsque nous étions enfants, et que nous avons perdues au fil du temps, à mesure que notre cuir s’est épaissi et endurci. Souvenons-nous quand nous étions encore enfant et que nous écoutions les adultes discuter de la vie, des questions de tous les jours. Souvenons-nous comme nous les trouvions un peu nigauds, nous qui, du haut de nos huit ou neuf ans, nous comprenions mieux et plus vite qu’eux, la vérité profonde des sujets dont ils parlaient. Ne vous souvenez-vous pas de ces quelques fois où vous vous êtes fait cette réflexion effrayante : comment ça se fait que les adultes aient tant de mal à comprendre ce qui est pourtant évident ?

Dire que Dieu est lumière nous aide à comprendre pourquoi nous parlons de la simplicité de l’évangile et pourquoi il nous semble que le message de la Bible soit souvent d’une grande banalité et pourquoi les prédications n’apportent pas souvent beaucoup d’originalité ou de nouveauté. C’est parce que la Bible parle de Dieu qui est lumière et qui nous révèle la vérité de la vie. Or la vérité, n’est pas un secret qui serait réservé à des initiés triés sur le volet. La vérité de la vie n’a rien à voir avec des formules magiques qui déclencheraient des forces surnaturelles. La vérité, c’est ce que nous oublions trop souvent et que la Bible nous rappelle par des formules simples ou des histoires somme toute assez banales et, en fait, fondamentales.

Et pour accéder à la vérité, tout commence par la confession du péché. Tout commence par le fait d’accepter que nous ne savons pas. La confession du péché, c’est savoir qu’on ne sait pas. La confession du péché, c’est reconnaître la distance qu’il y a entre la vérité et nous. La confession du péché nous aide à passer d’une situation où nous croyons savoir à une situation ou nous savons ce que nous savons et ce que nous ignorons. Je veux dire que le travail de la foi ne consiste pas à remplacer des opinions fausses par des opinions vraies. Le travail de la foi consiste à remplacer des croyances scientifiques par des savoirs scientifiques. La théologie est du côté de la science parce qu’elle est du côté de l’expérience qui interroge notre réalité pour vérifier que nous ne vivons pas dans une grande illusion. C’est pour cela que la foi a grandement besoin de la théologie. Je le dirai en reprenant le vocabulaire d’Emmanuel Kant, philosophe des Lumières. La théologie nous permet de passer d’une situation où nous sommes mineurs, pas encore adulte, parce que nous croyons les gens sur parole, à une situation de majorité où nous exerçons notre intelligence pour forger notre propre jugement sur les choses, sur les situations. Par exemple, il y a une différence entre dire que la terre et ronde parce qu’on croit son professeur de géographie et dire que la terre est ronde par ce qu’on a compris le raisonnement qui aboutit à cette affirmation.

La qualité de la lumière n’est pas de donner la vue, ni de donner la vérité. La qualité de la lumière est de permettre aux humains de voir le monde dans toute sa clarté, sans que rien n’échappe à son observation. Pour le dire avec le vocabulaire religieux, Dieu en tant que lumière nous permet d’observer la vie et de l’interroger sans le moindre tabou. C’est ainsi que nous pouvons accéder à la vérité : la lumière nous permet de cheminer et d’explorer la moindre parcelle de notre univers pour en accueillir la vérité.

 

  1. Le sang de Jésus nous donne accès à la vérité

Une fois que nous avons pris conscience de cette différence entre opinion et savoir, grâce à la confession du péché, nous pouvons faire bon accueil à la vérité qui est semblable à cette grâce qui rejoint le pécheur qui se repent sincèrement, ce que nous retrouvons précisément dans l’ordre de notre culte. C’est ce que le rédacteur biblique dit d’une manière religieuse en déclarant que le sang de Jésus, fils de Dieu, nous purifie de tout péché.

Là encore, il convient de faire attention à la manière biblique de dire les choses : le sang de Jésus, c’est une métaphore. Il ne faut pas imaginer le véritable sang biologique de Jésus nous laver de telle manière que nous deviendrions plus blanc que neige au sens littéral du terme. Dans la Bible, le sang c’est la vie – ce qu’explique l’évangéliste Jean en disant que si nous ne buvons pas le sang de Jésus nous n’avons pas accès à la vie qui est alors qualifiée de vie éternelle (6/53-54). Ou, pour le dire avec le livre du Lévitique, le sang, c’est l’âme de la chair (17/14). Par conséquent, c’est la vie de Jésus, ce qu’il a dit, ce qu’il a fait, ce qu’il a révélé, ce qu’il a créé, ce qu’il a pensé, qui nous purifie de tout péché, qui réduit la distance entre nous et le réel, entre notre savoir et la vérité. Et comment Jésus s’y est-il pris pour réaliser cela ?

Certains diront que c’est en mourant sur une croix que Jésus nous as purifiés du péché. Mais ce serait confondre la vie de Jésus avec la mort de Jésus. C’est le sang de Jésus, c’est la vie de Jésus et non sa mort, qui nous sauve d’une vie dénuée de vérité, qui nous sauve d’une vie définitivement plongée dans les ténèbres, dans l’obscurantisme, dans l’âge de la minorité où nous ne comprenons rien à rien et ne faisons que subir une vie dont nous ignorons l’essentiel.

Jésus, par sa vie, par son ministère, a libéré les gens qu’il rencontrait de tout ce qui les maintenait dans l’état de minorité. Jésus a libéré les gens des tuteurs qui ont la fâcheuse tendance à maintenir les hommes dans une situation de servitude. Jésus offre l’autonomie aux personnes qu’il rencontre et qui, jusque là étaient dépendantes. Il ouvert la vue à ceux qui en étaient privés, il a rendu la parole à ceux qui en étaient privés. En quelque sorte, Jésus nous dit : « pensez par vous-mêmes sinon d’autres le feront à votre place. »

Jésus nous sort des schémas qui nous rendent prisonniers de ce qui n’est plus une vie. Par exemple, Jésus met en lumière le fait qu’une femme qui a des écoulements de sang n’est pas impure et que la vie lui est encore promise. Jésus met en lumière le fait qu’un enfant a droit à sa part de vérité. Jésus met en lumière que l’amour est le véritable moteur d’une vie harmonieuse et que le pouvoir qu’on peut exercer sur les autres n’est pas la solution à notre besoin d’accomplissement personnel, mais un problème pour la société. Jésus libère la parole de ceux qui en sont privés. Jésus libère la parole de ses contradicteurs car la vérité vient du dialogue, du débat. Jésus restaure la dignité individuelle pour que chacun puisse exercer son esprit critique, personnellement, et, ainsi, forger un jugement personnel qui rapproche de la vérité.

C’est en disciple de Jésus que le réformateur Martin Luther dira à la diète de Worms, en 1521 : « À moins que je ne sois convaincu par le témoignage des Écritures ou clairement par la raison (car je ne me fie ni au Pape ni aux conciles seulement, car on sait qu’ils se sont souvent trompés et se sont contredits), je suis lié par les Écritures que j’ai citées et ma conscience est captive de la Parole de Dieu. Je ne peux ni ne veux rien renier, puisqu’il n’est ni sûr ni juste d’aller contre sa conscience. Que Dieu m’aide. Amen ».

Ce détour par Martin Luther nous aide à comprendre que, dans la perspective chrétienne, la vérité n’est pas quelque chose qui serait enfoui en soi et qu’il faudrait trouver. La vérité se découvre dans le dialogue avec d’autres que soi-même. Avec les Écritures bibliques, pour ce qui concerne le domaine de la foi, avec les autres chercheurs de vérité d’une manière plus générale. C’est ce que met en scène un autre passage biblique, dans le livre de la Genèse, qui raconte le combat de Jacob avec un personnage mystérieux pendant toute une nuit (Gn 32/25ss.). Cela dit bien que la vérité est le résultat d’une quête, d’un combat, d’une lutte acharnée au bout de laquelle jaillit l’aube de la vérité. La vérité est la traversée victorieuse des ténèbres, lorsque la nuit cède au jour, que nous accédons à la part divine de l’existence, et que nous recevons, nous aussi, le nom d’Israël, parce que nous avons lutté avec Dieu et que nous l’avons emporté sur tout ce qui brouille la compréhension de notre identité, de notre place dans le monde, de la place des autres et des relations que nous pouvons entretenir avec eux, ou encore de ce qui fait avancer l’histoire dans un sens plus vivables, pacifié. Comme le dit le verset 7 de la lettre de Jean, marcher dans la lumière, c’est être en communion les uns avec les autres. Cette communion est impossible tant que la lumière n’a pas été faite sur ce que nous sommes vraiment. Cette communion est impossible tant qu’on continue à se mentir, tant que nous ne sommes pas allés au bout de la confession de notre péché, chemin le plus efficace pour pouvoir accueillir la vérité comme une grâce qui fera jaillir la possibilité d’une vie marquée par la justice.

Amen

 

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