Prédication de Michel Miaille
Juges 3/15-30
15 Les enfants d’Israël crièrent à l’Éternel, et l’Éternel leur suscita un libérateur, Éhud, fils de Guéra, Benjamite, qui ne se servait pas de la main droite. Les enfants d’Israël envoyèrent par lui un présent à Églon, roi de Moab. 16 Éhud se fit une épée à deux tranchants, longue d’une coudée, et il la ceignit sous ses vêtements, au côté droit. 17 Il offrit le présent à Églon, roi de Moab: or Églon était un homme très gras. 18 Lorsqu’il eut achevé d’offrir le présent, il renvoya les gens qui l ‘avaient apporté. 19 Il revint lui-même depuis les carrières près de Guilgal, et il dit: O roi ! j’ai quelque chose de secret à te dire. Le roi dit: Silence ! Et tous ceux qui étaient auprès de lui sortirent. 20 Éhud l’aborda comme il était assis seul dans sa chambre d’été, et il dit: J’ai une parole de Dieu pour toi. Églon se leva de son siège. 21 Alors Éhud avança la main gauche, tira l’épée de son côté droit, et la lui enfonça dans le ventre. 22 La poignée même entra après la lame, et la graisse se referma autour de la lame; car il ne retira pas du ventre l’épée, qui sortit par derrière. 23 Éhud sortit par le portique, ferma sur lui les portes de la chambre haute, et tira le verrou. 24 Quand il fut sorti, les serviteurs du roi vinrent et regardèrent; et voici, les portes de la chambre haute étaient fermées au verrou. Ils dirent: Sans doute il se couvre les pieds dans la chambre d’été. 25 Ils attendirent longtemps; et comme il n’ouvrait pas les portes de la chambre haute, ils prirent la clé et ouvrirent, et voici, leur maître était mort, étendu par terre. 26 Pendant leurs délais, Éhud prit la fuite, dépassa les carrières, et se sauva à Seïra. 27 Dès qu’il fut arrivé, il sonna de la trompette dans la montagne d’Éphraïm. Les enfants d’Israël descendirent avec lui de la montagne, et il se mit à leur tête. 28 Il leur dit: Suivez -moi, car l’Éternel a livré entre vos mains les Moabites, vos ennemis. Ils descendirent après lui, s’emparèrent des gués du Jourdain vis-à-vis de Moab, et ne laissèrent passer personne. 29 Ils battirent dans ce temps -là environ dix mille hommes de Moab, tous robustes, tous vaillants, et pas un n’échappa. 30 En ce jour, Moab fut humilié sous la main d’Israël. Et le pays fut en repos pendant quatre-vingts ans.
Matthieu 10/34
34 Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée.
Matthieu 25/31-3331 Lorsque le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, avec tous les anges, il s’assiéra sur le trône de sa gloire. 32 Toutes les nations seront assemblées devant lui. Il séparera les uns d’avec les autres, comme le berger sépare les brebis d’avec les boucs; 33 et il mettra les brebis à sa droite, et les boucs à sa gauche.
Éphésiens 6/14-1714 Tenez donc ferme: ayez à vos reins la vérité pour ceinture; revêtez la cuirasse de la justice; 15 mettez pour chaussure à vos pieds le zèle que donne l’Évangile de paix; 16 prenez par-dessus tout cela le bouclier de la foi, avec lequel vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du malin; 17 prenez aussi le casque du salut, et l’épée de l’Esprit, qui est la parole de Dieu.
Le texte des Juges qui servira à la base de notre méditation ressemble à un roman policier ou à une film de cape et d’épée : et pourtant, nous devons le lire comme une des expressions de la Parole – comme une parole qui nous construit.
Un point préalable est nécessaire. Le livre des Juges est l’un des plus anciens du Vieux Testament. Il raconte le moment où le peuple hébreu s’installe en Canaan ; un moment où tout est encore à faire, alors qu’il y a pas encore de gouvernement central. « En ce temps là, il n’y avait point de roi en Israël et chacun faisait ce qui lui semblait bien (Jg 17,6). » Heureux moment de la fin de l’errance dans le désert et pas encore de l’organisation monarchique.
Nous sommes dans le moment suspendu de l’installation qui suppose la conquête de territoires déjà occupés et d’une multitude de petits royaumes dont il faut s’assurer la protection ou qu’il faut abattre.
Moment, donc, où l’autorité non institutionnalisée se manifeste dans des êtres qui vont représenter l’unité temporaire et la foi en Dieu. Ces êtres sont les Juges, autorités spontanées cumulant force et sagesse, et guidant leur tribu ou plusieurs d’entre elles.
Ce moment d’avant l’institutionnalisation nous en dit long sur ce qu’est la fidélité à Dieu : non la répétition de cérémonies ou l’application de règles claires, mais au contraire, l’invention de solutions inédites, avec une succession de réussites (les enfants d’Israël crièrent à l’Éternel qui leur suscita un libérateur, 3,15) et de défaites cuisantes (les enfants d’Israël firent ce qui est mal aux yeux de l’Éternel, qui les livra entre les mains d’un potentat local, 4,1).
Dons une période d’incertitude et d’établissement, mais sans plan préconçu apparemment, pour aboutir un jour à un système semblable à celui des autres peuples, une monarchie entre Salomon et David. Dans ce cas, les règles politiques et religieuses sont fixées et constituent une normalité qui empêche chacun de « faire ce qui lui semble bon ».
C’est dans ce contexte qu’apparaît cette curieuse histoire d’Ehud qui est suscité comme un juge libérateur contre le pouvoir du roi voisin, Eglon roi de Moab. Et le contexte est absolument banal : le responsable israélite s’incline devant la force du Moabite et se déplace pour aller déposer un présent, c’est-à-dire le prix de la liberté, aux pieds du roi de Moab.
C’est dans cette trame banale de soumission d’une petite tribu – les Israélites – à un royaume, que se situe cette étonnante histoire et traîtrise et de ruse. Et il nous faut lire dans cette histoire de trahison et de guerre… la parole de Dieu !
Nous venons de le lire, une histoire en trois actes : un libérateur Ehud se prépare à un simulacre de soumission ; puis contre toute attente et suite à une trahison, il assassine le roi Eglon : enfin la troisième séquence peut s’ouvrir : celle où les serviteurs du roi sont lents à comprendre ce qui se passe, et où Ehud gagne, armes à la main, la lutte contre les Moabites. Et alors s’ouvre une période de paix de 80 ans (Jg 3,30) où les Moabites sont humiliés.
Prenons donc l’histoire au fil de sa narration et, en même temps, tâchons d’y lire une parole de vie !
- Le héros de l’histoire : Ehud
Apparemment, une histoire banale : on nous présente un personnage central, une figure du héros qui va réussir un grand coup : éliminer le roi qui tient Israël sous sa coupe. Pour cela une russe de guerre : demander une audience et, trompant la confiance du roi, l’assassiner avant de pouvoir défaire son armée privée de son chef.
Dès lors, une de ces multiples séquences qui jalonnent l’histoire du peuple d’Israël, mais aussi tous les peuples. Et finalement la ruse qui est utilisée, peut passer pour une technique acceptable pour deux peuples dont l’un soumet l’autre à sa force.
Mais, dans ce récit il y a plus, qui nous interroge – notamment sur le caractère du récit qui doit nous annoncer la bonne nouvelle. Où est-elle cette bonne nouvelle dans ce récit de guerre et de ruse militaro-politique ? Elle se trouve, me semble-t-il, dans deux passages.
- Le premier est la présentation d’Ehud au verset 15 : « Ehud, benjamite qui était gaucher ». C’est un fils de la tribu de Benjamin, la tribu première dans l’ordre des 12 tribus d’Israël, celle qui, selon son nom, est à droite.
Et d’ailleurs, cette position traverse toute la Bible où nous sommes habitués à cette qualification de « la droite du Père » depuis l’Ancien testament jusqu’à l’Apocalypse. Jésus lui-même en fait une parabole du jugement où seront à droite les sauvés. Toute l’iconographie chrétienne a multiplié ces scènes du jugement dernier avec ceux qui sont à droite et ceux qui seront à sa gauche (Matthieu 25,33). Ceux qui sont à droite seront bénis et recevront le Royaume en héritage – alors même qu’ils n’avaient pas eu conscience d’obéir à Dieu, alors qu’à gauche, il y aura ceux qui sont promis au châtiment éternel, alors même qu’ils n’ont pas eu conscience d’avoir désobéi.
Cette division droite/gauche est une des constantes d’un imaginaire au moins occidental où se partagent le Bien et le Mal. Bref, Ehud est à droite, du bon côté, en étant Benjamite. Et le récit d’ajouter, comme un clin d’œil : et pourtant « il était gaucher ». Comme une sorte de contradiction, cet homme de droite se conduirait à partir de la gauche – défiant ainsi les règles les plus simples. Le rédacteur insiste même lourdement sur cette inversion à propos de son arme (v. 16). Il portait son épée contre sa cuisse droite… évidemment pour pouvoir la saisir commodément avec sa main gauche. Et dans l’action du meurtre du roi, le narrateur insiste encore (v. 21) « il avance la main gauche et tira l’épée qu’il portait au côté droit ». Cette scène explique peut-être que le roi ne se méfie nullement de ce geste inhabituel, trompeur.
Le texte insiste donc sur ce particularisme : l’homme de droite qui agit par la gauche. Et nous avertit : ne soyez pas victime d’une vision classique de la droite/gauche car Dieu peut déjouer nos habitudes. La traduction au sujet de ce benjamite gaucher peut varier. Dans la version primitive(il y a eu deux écritures), il est mentionné qu’Ehud a un problème physique et ne peut se servir de sa main droite – c’est donc très intéressant qu’il compense ce handicap en se servant de sa main gauche.
Celui qui conduit la tribu de droite, mais qui agit par la main gauche – aucune allusion à notre vie politique française… Bref, le message de Dieu dans sa concrétude défait nos habitudes. Une anecdote me l’a récemment rappelé devant un tableau du jugement dernier à la cathédrale de Castres, où le peintre a disposé, sous nos yeux, les bénis de Dieu à droite et les réprouvés à gauche (les protestants d’ailleurs). Mais le peintre a oublié que les personnages devaient être disposés par rapport à la droite et à la gauche de Dieu… non par rapport à la situation du spectateur. De sorte que, depuis trois siècles, les visiteurs, sans s’en apercevoir, ont une image inversée du jugement ! Bien pris qui croyait prendre !
Dieu se moque de nos classements et se plait à mettre à droite un gaucher qui est un monde inversé – et ne peut que nous surprendre.
- Il y a encore un autre élément dans ce récit. C’est le geste d’Ehud. Reprenons le récit. Après avoir remis son cadeau au roi – en réalité un tribut, signe de la soumission des enfants d’Israël – il part. Puis, au bout d’un moment de son chemin, il revient en arrière avec cette demande d’une nouvelle entrevue. « Jai un mot à te dire en secret. (v. 19) » Le roi ordonne le silence et fait sortir tous les serviteurs, se préparant à un message de haute importance. Ce message, Ehud le confirme « j’ai une parole de Dieu pour toi ! (v. 20) » Le roi, soit par signe de respect, soit par surprise, se lève de son trône. Alors, Ehud tire son épée et l’enfonce dans le ventre du roi.
Ce qui me parait intéressant, c’est qu’il n’y a pas d’autre message de Dieu : on comprend que l’annonce était une ruse pour être seul avec le roi. Ou, plutôt, le message est le meurtre, l’épée enfoncée dans le corps du roi. Singulière tromperie : mais pour nous, une annonce.
La parole de Dieu est comme une épée qui entre dans le « vif du sujet » – prenons l’expression à son piège : dans le sujet encore vif, vivant. La parole de Dieu n’est pas un discours insipide, vaguement idéaliste, qui ne fait de mal à personne. La parole tranche, coupe, met à vif ce qui était caché. Elle intervient dans le corps même de nos actions, de manière tranchée – le contraire d’une parole doucereuse, vaguement moralisatrice. La parole de Dieu intervient réellement et ce message n’a donc rien à voir avec un discours abstrait. Il peut évidemment être choquant de caractériser ainsi la parole de Dieu, mais c’est une parole de vérité, qui révèle tout ce qui était caché jusque là. Et, de fait… ce corps se vide ! L’image de la Parole comme une épée se retrouve bien plus tard dans les évangiles.
Bien sûr, mais ne reprenons pas la vision guerrière de l’évangélisation qui a fait tant de morts en Amérique du Sud au XVIè, ou ailleurs – il faut prendre cette image comme une figure de style, mais une figure réelle. La parole de Dieu n’est pas un discours mou et vaguement moralisateur : elle tranche au cœur de nos problèmes et de nos infidélités.
Ce récit de héros et de son action vive plus que violente, nous donne une première leçon : porter la Parole selon des codes inattendus, de droite à gauche !
- Le roi du monde, Eglon, est mort !
Avec Eglon, roi de Moab, c’est une autre question. Le texte nous apprend (v. 12) qu’il est une punition, contre le péché des enfants d’Israël. Réunissant les Moabites, les Ammonites et les Amalécites, il bat Israël et il va faire peser le joug du vainqueur pendant dix-huit ans. Comme la coutume le veut, le vaincu doit s’acquitter de devoirs particuliers, rançon et impôts qui se renouvellent régulièrement – ce qui explique la visite d’Ehud, comme représentant du peuple vaincu.
Mais ce texte nous dit des choses intéressantes sur cette domination, au travers du personnage du roi Eglon.
- La première caractéristique nous est donnée par le verset 17 : le roi de Moab « était un homme très gras ». Cette particularité physique est habituelle pour désigner un vainqueur. Gros et gras, c’est le signe de la richesse, de l’opulence, de la force. Il y a même une certaine vulgarité dans corpulence qui est le signe même du pouvoir et de la force.
Ce potentat local es sûr de lui, dans sa corpulence comme dans son autorité : que pourrait-il craindre d’ailleurs de ce petit envoyé d’un peuple soumis depuis près de vingt ans ? Ce qui explique qu’il le reçoit sans appréhension, entouré de ses serviteurs, et d’ailleurs légitiment protégé par les règles diplomatiques, un envoyé, de plus d’un peuple soumis, ne saurait défier son pouvoir.
C’est cette confiance dans sa force et le respect des règles diplomatiques qui lui fait accepter l’entrevue non prévue à l’annonce d’un secret et l’ordre donné aux serviteurs et aux gardes présents de se retirer. Au fond, un pouvoir tellement sûr de lui qu’il est un peu naïf, et même peu intelligent sur ce qu’est toujours une relation de pouvoir. Il compte tellement sur sa force et son poids qu’au fond, il néglige même les précautions que la simple prudence conseillerait. Bref, un pouvoir aussi gras et lourd reste naïf ou présomptueux – et c’est ce qui le perdra.
- La deuxième observation sur ce pouvoir est traité non allusivement dans le texte, mais très crûment. Quel est l’endroit vulnérable du roi ? Précisément ce qui semble être sa force (comme l’armure du Philistin) : sa corpulence. Le texte nous avait averti : le roi était « très gras ».
Comment ne pas penser au combat raconté dans 1 Samuel 17. Le géant philistin, Goliath, qui mesure plus de 2 mètres, et est harnaché comme un astronaute, défie pendant 40 jours l’armée d’Israël commandée par Saül qui, selon le texte, était « consterné et saisi de frayeur (v. 16) » Face à ce monstre revêtu de cuirasses, de jambières, armé d’un javelot et casqué, un petit berger venu pour ravitailler ses frères, le jeune David – qui va se débarrasser des armes qu’on lui fournit et affronter avec une gibecière garnie de cailloux et une fronde. Ce petit jeune « blond et beau de visage » aura raison du colosse avec une petite pierre envoyée entre les deux yeux… le seul espace non protégé du Philistin !
Le parallèle est saisissant : le roi du monde n’est pas aussi fort qu’il y parait. Il est même vulnérable parce qu’il est trop sûr de lui et de son armement. Dans les deux cas, le pouvoir est plus fragile qu’on ne croit si nous savons viser juste.
Et le narrateur nous donne un détail assez macabre comme dans une analyse de police criminelle : « Ehud enfonça l’épée dans le ventre. La poignée même pénétra après la lame et la graisse se referma autour de la lame. » Et Ehud ne retira pas l’épée qui ressort de l’autre côté… (v. 21.22). Ici une interprétation a été soulevée qui change le texte. En réalité ce ne serait pas l’épée qui ressortirait de l’autre côté, mais ce serait Ehud lui-même ! Cela expliquerait que personne ne se soit aperçu de son départ, puisqu’il est parti par la porte de derrière !
Une indication plus loin donne du spectacle de la scène de crime une vision assez horrible. Nous apprenons que les serviteurs, au dehors, s’étonnent du silence qui dure et trouvent une explication : « sans doute le roi s’est retiré dans sa chambre d’été (v. 21) » Le verbe exact est, en réalité, « le roi se couvre les pieds dans sa chambre d’été ». Cette formule énigmatique est une manière de dire que le roi, dans une position assise, se couvre les pieds de sa robe parce qu’il est en train de satisfaire un besoin naturel. Ce détail sordide a du sens. Le roi s’exonère et libère son ventre de sorte que ce n’est pas de la graisse qui sort autour de la lame, mais des excréments.
Violente image du corps qui se vide – de tout ce qu’il avait accaparé grâce à son pouvoir. Scène inouïe qui nous révèle que le roi du monde est rempli d’immondices comme le poète avait défini « la bête immonde » pour parler du pouvoir nazi.
C’est donc cette mise à mort qui révèle que la Parole de Dieu, épée tranchante, a pour objet de vider ce monde de toute sa pourriture, celle qu’il avait accumulée par son action violente et gardée jusqu’à éclater, au grand jour.
Ehud a donc mis fin au règne « pesant » de ce gros monarque, rempli d’immondices. Et que font alors les serviteurs ?
- Les serviteurs, témoins aveugles et inutiles
Dans cette histoire de crime salvateur, il a y ces personnages curieux, les serviteurs du roi et ses familiers : leur comportement est encore une leçon.
- D’abord, ce sont des anonymes, « ceux qui sont autour du roi (v. 20) », silencieux et obéissants. On ne sait rien d’eux, sinon qu’ils ont un comportement de soumission. Ils servent presque de décor à un univers que le roi remplit seul. Ils sont présents, mais s’éloignent dès que le roi les renvoie. Ils reviennent après un long temps d’absence, mais n’osent rien tant que le maître ne les appelle pas.
Ce sont des serviteurs ou, plutôt, des courtisans. Ils constituent la population autour du maître, disciplinée et peut-être même craintive. Quand ils voient les portes fermées de l’intérieur, ils n’osent prendre aucune initiative : ils gardent le roi, mais sont contemporains d’un assassinat qu’ils n’imaginent pas. Ce roi, gras et autoritaire, ne saurait courir de risque.
Alors, ils trouvent une explication : « le roi est aux toilettes ». Il suffit d’attendre. Et ils attendent longtemps. Pendant ce temps, Ehud a eu le temps de fuir, de rassembler ses troupes et de livrer bataille – plus même, en l’absence d’un chef, de gagner la bataille contre dix mille hommes.
- Curieux comportement de ces serviteurs qui se décidant enfin à rompre la serrure, ne peuvent que constater que le roi est mort, gisant à terre (v. 25). On imagine leur surprise et peut-être leur déconvenue : ça faisait longtemps que le roi était mort et eux, gardaient toujours le palais – en attendant que les toilettes s’ouvrent. Serviteurs bien inutiles !
Comment ne pas voir dans ces serviteurs tous ceux qui nous entourent et pour être sincères… nous-mêmes ? Nous continuons à garder un palais vide alors que Dieu nous dit : mais j’ai vaincu le roi du monde. Ne continuez pas votre vie de serviteur autour d’un cadavre. Vivez pleinement votre liberté car la force de la Justice et de l’amour a déjà gagné la bataille. Au fond, ne serai-ce pas cela, l’évangélisation ? La victoire est déjà acquise : dites-le à tous ces personnels qui continuent à garder un palais silencieux.
Pour conclure.
Cette histoire, a priori curieuse, est pour moi un récit essentiel de notre foi. Ce sont les droitiers de gauche – ou les gauchers de la droite – qui par intelligence peuvent vaincre le roi du monde qui set donc déjà mort. C’est certainement une bonne nouvelle. Vivons désormais cette libération en annonçant partout que notre délivrance se réalise dans des formes et des moments que nous n’imaginons pas et qui peuvent nous dérouter.
Cette histoire est en effet déroutante : le libérateur est un homme de droite qui agit par la gauche ; celui qui nous gouverne dans son opulence et sa graisse est mort ; ceux qui gardent le palais sont des serviteurs inutiles puisqu’ils gardent un cadavre. La bonne nouvelle, c’est précisément cette annonce inouïe : j’ai vaincu le monde – ne continuez pas à servir un roi gros et gras qui n’est plus ! Le souverain, c’est désormais Ehud, dont le nom signifie majesté !
Pour cela, il faut accepter une histoire déroutante, faire confiance à ce benjamite gaucher et à sa ruse libératrice. Sommes-nous prêts à cette aventure ?
La réponse nous appartient…
Merci pour cette subtile analyse qui nous fait oublier la cruauté du texte
Il est intéressant de mettre cette fine analyse du sens de la violence dans la Bible en complément au livre de Jan Assmann sur le même sujet la violence y étant également vue comme l’expression de la Force vive qui mènera à créer « l’homme nouveau ». On pense bien évidemment à Dt30,19.