La foi rend la prière possible. La prière forge la patience. La patience fatigue le mal.


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Luc 18/1-8

1 Jésus leur adressa une parabole, pour montrer qu’il faut toujours prier, et ne point se relâcher. 2 Il dit: Il y avait dans une ville un juge qui ne craignait point Dieu et qui n ‘avait d’égard pour personne. 3 Il y avait aussi dans cette ville une veuve qui venait lui dire: Fais-moi justice de ma partie adverse. 4 Pendant longtemps il refusa. Mais ensuite il dit en lui-même: Quoique je ne craigne point Dieu et que je n’aie d’égard pour personne, 5 néanmoins, parce que cette veuve m ‘importune, je lui ferai justice, afin qu ‘elle ne vienne pas sans cesse me rompre la tête. 6 Le Seigneur ajouta: Entendez ce que dit le juge inique. 7 Et Dieu ne fera-t-il pas justice à ses élus, qui crient à lui jour et nuit, et tardera-t-il à leur égard ? 8 Je vous le dis, il leur fera promptement justice. Mais, quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ?

Chers frères et sœurs, vous avez peut-être déjà entendu que la patience est la mère de toutes les vertus. Et ce passage biblique semble indiquer que la patience de la veuve lui permet d’obtenir justice. La patience de la veuve serait donc un trait de caractère qui lui permet d’obtenir gain de cause. La patience, serait cette capacité qu’ont quelques uns à rendre le temps moins long, plus supportable. Mais la patience n’est pas un trait de caractère qui serait le propre de quelques personnes. La patience n’est pas non plus une vertu. La patience est une conséquence pratique de la spiritualité chrétienne dont ce passage biblique nous offre une illustration. J’aimerais remonter le fil de ce récit pour observer les détails de ce bénéfice de la spiritualité chrétienne.

  1. La patience fatigue le mal

Le dénouement de cette histoire nous indique que la patience permet de venir à bout de l’injustice du juge qui ne voulait pas rendre la justice. En revenant à la charge pour que le droit l’emporte, la veuve a incarné une attitude que Tertullien (150-220), un Père de l’Église, encouragera : « fatigue la méchanceté par ta patience »[1]. La patience fatigue le mal.

Tertullien fonde ce principe à partir d’une autre parole de Jésus qui indiquait qu’il faut présenter une autre joue quand on se fait frapper sur la joue. Il faut en présenter encore et encore, jusqu’à ce que le méchant se lasse. C’est ce qu’a fait cette femme qui est revenue, inlassablement. Voilà une figure de la patience. Mais la patience de la femme ne tient pas à un trait de caractère. Elle tient à un rapport de force que nous explique l’évangéliste. D’un côté, il y a un juge qui ne craignait ni Dieu ni les hommes. De l’autre côté, il y a cette femme dont on sait qu’elle est veuve, c’est-à-dire une personne particulièrement vulnérable, une des personnes les plus faibles, selon la Bible, avec l’orphelin et l’étranger. Le rapport de force est clairement en faveur du juge, un peu à la manière du géant Goliath qui est muni de nombreuses armes, face au petit David qui n’a qu’une fronde et quelques pierres. Le rapport de force est clairement en défaveur de la femme.

Mais au fur et à mesure, la peur gagne le juge. Je ne peux pas dire que la peur change de camp car il n’est pas dit que la femme ait jamais eu peur. C’est d’ailleurs parce qu’elle n’a pas tremblé, c’est parce qu’elle n’a jamais été saisie par la peur que la femme n’a pas craint d’aller au devant du juge inique, à la manière de David qui n’a pas craint d’aller au devant du géant Goliath. Ce rapport de force qui bascule en faveur de la femme à mesure que le juge est gagné par la peur indique que ce n’est pas la patience qui est à la base de l’attitude de la femme. La patience, le fait qu’elle ne se lasse pas, lui vient d’ailleurs et c’est ce deuxième point que je vais aborder maintenant.

  1. La prière forge la patience

La patience de la femme et son courage, lui viennent de la prière. C’est par la question de la prière que commence d’ailleurs ce texte qui est présenté comme un enseignement sur la prière et le fait de ne pas se lasser. C’est par la prière que la femme ne s’est pas lassée, qu’elle a fait preuve de patience et qu’elle a obtenu gain de cause contre le juge inique.

La prière, c’est le fait de porter sa vie devant Dieu. La prière, c’est le fait de penser sa vie en tenant compte de Dieu. Cela a pour effet de procéder à un tri dans nos pensées, dans nos préoccupations, dans nos espoirs. La prière permet de faire mourir les fausses idées, les visions erronées du monde, pour les ressusciter en une vision plus fidèle à l’Évangile. Face à Dieu, ce qui nous traverse la tête est hiérarchisé : face à Dieu, nous réalisons mieux ce qui est important, ce qui l’est moins, ce qui ne l’est pas du tout. La prière nous permet de faire ce travail de discernement qui nous permet de prendre conscience de l’importance ou de la futilité de ce qui nous travaille. Dieu relativise nos réflexions, nos sentiments, ce qui nous permet de purifier nos pensées et de ne retenir que ce qui en vaut la peine, du point de vue de l’Evangile. La prière.

Porter un sujet dans la prière, c’est le confronter à ce que l’Évangile nous révèle de la vie. C’est aussi le confronter à une perspective universelle qui implique l’ensemble de nos prochains. Par conséquent, la prière donne du poids à nos convictions, car la prière permet de garder ce qui a de la valeur non seulement pour nous, mais aussi pour autrui. Cette femme qui se présente devant le juge est forte de sa demande de justice qui a été éprouvée devant Dieu. La prière est une manière de mettre le juge face à Dieu, même s’il ne le craint pas, même s’il s’en moque totalement. La veuve, qui a forgé sa conviction dans la prière, incarne désormais la volonté de Dieu. Quand elle se présente devant le juge inique, elle est forte de sa relation avec Dieu, à la manière de David qui déclare au géant Goliath : « tu marches devant moi avec l’épée, la lance et le javelot, et moi je marche contre toi au nom de l’Éternel, du Dieu des troupes d’Israël, que tu as mises au défi. (1 S 17/45) »

  1. La foi rend possible la prière

Nous avons constaté que la patience était le résultat de la prière. La prière, elle, est la conséquence de la foi.

La foi, c’est le lien entre Dieu et nous. La foi, c’est le fait d’être saisi par Dieu. C’est le fait d’intégrer dans le cadre de nos convictions le caractère inconditionné de la grâce divine. Le fait qu’on ne badine pas avec la grâce, qu’on n’est pas dans la demi-mesure, dans l’à peu près. On reste ferme, on ne se rétracte pas, quelles que soient les circonstances, quelle que soit l’adversité à laquelle nous devons faire face.

La foi, c’est le fait d’être saisi par le sens de la vie que l’Évangile nous révèle. La foi, c’est ce qui nous permet de ne pas nous détourner de cet horizon et de le porter constamment avec nous, sans nous lasser. Par conséquent, lorsque la femme va vers le juge, elle porte Dieu en elle, elle porte le caractère inconditionné du sens de la vie. Elle ne transigera pas. Cela doit se voir suffisamment pour que le juge inique en prenne conscience et qu’il se mette à avoir peur, pour qu’il se mette à craindre de cette femme qu’elle ne vienne lui casser la tête jusqu’à la fin des temps.

Finalement, le juge ne fait pas le poids face à la veuve. La foi de la veuve lui a donné une consistance que le juge n’a pas et cela est un enseignement précieux pour nous qui devons faire face à bien des situations difficiles, parfois à des situations pénibles, pour lesquelles il nous arrive de penser que nous ne sommes pas à la hauteur, que nous n’arriverons pas à nous en sortir. Parfois, avec une forme d’audace ou de témérité, nous nous lançons dans la bataille, nous faisons preuve d’impétuosité, et puis nous nous décourageons parce que le courage d’un instant ne suffit pas. Nous sommes gonflés à bloc et puis le soufflé retombe. Et nous nous écrasons devant la difficulté, devant le problème.

Mais la veuve nous présente une alternative à ce scénario malheureux. La veuve nous fait découvrir le bénéfice de la foi. Et ce bénéfice, c’est de tenir bon. Qu’est-ce qui nous permet de tenir lorsque c’est dur, voire très dur ? C’est la foi, ce lien fort avec ce qui est essentiel à notre vie. C’est parce que nous prenons conscience de la valeur de la cause que nous défendons, ou du projet que nous menons, que nous ne baissons pas les bras quand il y a des difficultés ou de l’hostilité. Dieu fait justice à tous ceux qu’il appelle, à ces personnes qui en viennent à crier à lui, à le prier. Mais le Fils de l’Homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ?

C’est par cette question que se termine ce passage biblique qui montre bien que le fondement de la justice, c’est la foi. C’est la foi qui nous ouvre les yeux sur ce qui mérite que nous nous mobilisions, que nous nous engagions de tout notre être. La foi nous engage à la prière pour que nous puissions nous forger des convictions qui ne vacilleront pas au premier vent contraire. Et cela nous permet de ne pas nous lasser, cela nous permet d’être patient, cela nous permet d’inscrire nos actions, nos engagements, dans la durée car le temps cesse d’être la durée pendant laquelle nous ne faisons pas ce que nous voudrions ou la durée pendant laquelle nous n’obtenons pas ce que nous espérons, mais devient ce qui est à notre disposition pour faire advenir ce qui compte vraiment, ce à quoi la foi nous relie.

On admire l’attitude de cette veuve, on admire sa présence à la vie. Cette veuve est une invitation à être témoin de ce que l’Évangile nous appelle à vivre en toutes circonstances, dans tous les domaines de notre vie. Cette veuve nous dit qu’être témoin de la vie en Dieu, ça se fonde sur la foi en Dieu, ça se travaille par la prière, et tout cela nous rend patient pour ne pas renoncer à nos idéaux, pour ne pas renoncer à une vie profondément juste et pour avoir une manière d’être, pour avoir des paroles, des réactions, qui rendent Dieu présent dans notre monde, ce qui sera à même de convertir les esprits les plus obtus.

Frères et sœurs, la victoire par laquelle le monde de l’injustice et du malheur est vaincu, c’est notre foi. Seigneur, augmente notre foi.

Amen

[1] Tertullien, De la Patience, VIII.

2 commentaires

  1.  » Par conséquent, la prière donne du poids à nos convictions, car la prière permet de garder ce qui a de la valeur non seulement pour nous, mais aussi pour autrui ». Cette idée m’aide à croire que certains de nos projets arrivent à leur terme.

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