La liberté est un choix


Qohéleth 3:1-11

3:1 Il y a un temps pour tout, un temps pour toute chose sous les cieux: 2 un temps pour naître, et un temps pour mourir; un temps pour planter, et un temps pour arracher ce qui a été planté; 3 un temps pour tuer, et un temps pour guérir; un temps pour abattre, et un temps pour bâtir; 4 un temps pour pleurer, et un temps pour rire; un temps pour se lamenter, et un temps pour danser; 5 un temps pour lancer des pierres, et un temps pour ramasser des pierres; un temps pour embrasser, et un temps pour s’éloigner des embrassements; 6 un temps pour chercher, et un temps pour perdre; un temps pour garder, et un temps pour jeter; 7 un temps pour déchirer, et un temps pour coudre; un temps pour se taire, et un temps pour parler; 8 un temps pour aimer, et un temps pour haïr; un temps pour la guerre, et un temps pour la paix. 9 Quel avantage celui qui travaille retire -t-il de sa peine ? 10 J’ai vu à quelle occupation Dieu soumet les fils de l’homme. 11 Il fait toute chose bonne en son temps; même il a mis dans leur cœur la pensée de l’éternité, bien que l’homme ne puisse pas saisir l’œuvre que Dieu fait, du commencement jusqu’à la fin.

La lecture de ce passage du livre de Qohéleth (aussi traduit par l’ecclésiaste, celui qui dirige l’assemblée, l’Église) peut donner lieu à deux grandes familles d’interprétation.

  1. Sentiment de fatalité

Une première lecture qui va constater la succession d’actions opposées peut provoquer un sentiment de fatalité et conduire à trois conclusions proches les unes des autres :

  1. La vie est un jeu à somme nulle car elle est constituée d’actions qui s’annulent entre elles. L’histoire serait alors soumise à une loi de compensation et, quoi que nous fassions, cela ne sert à rien puisqu’au final ce sera annulé par une action contraire.
  2. La vie est un enchaînement inéluctable : après la pluie le beau temps, et après le beau temps… la pluie. Après la vie la mort et après avoir déchiré, on recoud comme après avoir fait la guerre, on fait la paix.
  3. La vie est un vaste sens giratoire, un éternel retour pour reprendre l’expression rendue célèbre par Mircea Eliade. Tout recommence tout le temps. On ne peut rien faire pour y échapper. C’est ce que traduit la chanson des Byrds, « Turn ! Turn ! Turn ! » qui va dans le sens de la vie comme une roue qui tourne.

Dans ces conditions, il n’y a plus de place pour la liberté individuelle. La vie serait plutôt le déroulement implacable d’un scénario pour lequel nous n’avons pas notre mot à dire. Cette perspective déterministe provoque la résignation.

  1. Dieu rend libre

Le verset 11 permet de relire différemment cette liste de verbe en ouvrant une perspective de liberté : « Dieu a mis dans le cœur de l’Homme la pensée de l’éternité. »

Si nous avons l’habitude de penser le temps en fonction de la quantité, ou de sa fréquence, de son écoulement, les rédacteurs bibliques nous mettent sur la piste de penser le temps en fonction de la qualité. L’Éternité peut être comprise comme le temps qui a du sens. C’est le sens de la traduction grecque aion –éon – qui désigne une période de temps, une époque, caractérisée par un sens, une intention, un fait marquant.

Ainsi, Dieu nous met au cœur, dans le lieu de la décision – selon l’anthropologie biblique – la pensée de ce qui est inaltérable, ce qui n’est pas éphémère (abel en hébreu, ce qui est abusivement traduit par « vanité » dans beaucoup de nos traductions française au début du livre de Qohéleth), ce qui a valeur d’absolu, ce qui est sacré. Dès lors, l’Homme peut donner de la valeur à ce qu’il fait. Il peut donner du sens à sa vie et, donc, faire histoire.

Ce texte biblique peut être relu comme un texte libérateur et non comme une succession inexorable d’événements à laquelle nous serions soumis. Qohéleth 3 est une palette d’actions possibles par laquelle nous pouvons donner de la couleur à notre existence : autant de possibilités d’agir selon ce que nous estimons juste à un moment donné.

De fait, chaque verbe est neutre alors que nous avons tendance à accorder une valeur positive aux uns et une valeur positive aux autres. Tuer peut être positif selon ce qu’on tue. S’éloigner d’une peut être positif si celle-ci est toxique, alors que le baiser de la mort est… mortel.

La liberté consiste à organiser les éléments qui sont à notre disposition, y compris ce qui peut apparaître comme une contrainte, pour en faire une histoire que nous ne regretterons pas. Orienter nos actes en fonction de ce qui a une valeur ultime.

La liberté, c’est le pouvoir qu’on exerce sur soi. C’est un travail infini.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.