Ni pessimiste, ni optimiste, la foi chrétienne nous rend responsables

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Psaume 130/1-8

1 Cantique des degrés. Du fond de l’abîme je t’invoque, ô Éternel ! 2 Seigneur, écoute ma voix ! Que tes oreilles soient attentives À la voix de mes supplications ! 3 Si tu gardais le souvenir des iniquités, Éternel, Seigneur, qui pourrait subsister ? 4 Mais le pardon se trouve auprès de toi, Afin qu’on te craigne. 5 J’espère en l’Éternel, mon âme espère, Et j’attends sa promesse. 6 Mon âme compte sur le Seigneur, Plus que les gardes ne comptent sur le matin, Que les gardes ne comptent sur le matin. 7 Israël, mets ton espoir en l’Éternel ! Car la miséricorde est auprès de l’Éternel, Et la rédemption est auprès de lui en abondance. 8 C’est lui qui rachètera Israël De toutes ses iniquités.

Chers frères et sœurs, le temps de l’Avent est le temps de l’advenue, de l’advenue du Messie. Soit. Nous connaissons notre catéchisme. Mais qu’est-ce que cette advenue va changer à notre vie ? C’est là une question qui se pose à chacun de nous une fois que nous sommes rendus à notre vie quotidienne. Qu’est-ce que ça change, la vie spirituelle, en particulier quand elle est orientée vers Noël, vers le temps où nous célébrons Dieu parmi les Hommes ? L’auteur de ce psaume nous propose un parcours, plus exactement une montée puisque c’est un psaume des montées. C’est Le parcours de l’espérance dont nous allons observer les trois étapes.

  1. Le front penché vers la terre

Tout commence par le point de départ. Le psalmiste est au plus bas. Il est dans les profondeurs dit-il lui-même. Aujourd’hui, on dirait qu’il est au fond du trou. C’est la déprime, la sinistrose, le creux de la vague. C’est une personne qui éprouve la tristesse, la douleur, la souffrance, probablement à cause de difficultés, de malheurs qui l’accablent, qui le poussent vers le fond.

Les textes bibliques sont nombreux à présenter les êtres humains aux prises avec des difficultés importantes, qui plombent vraiment la vie. Cela montre que la foi chrétienne ne nous protège pas des ennuis. Pour le dire avec le pasteur Charles Wagner, Dieu ne protège pas l’homme de la foudre. Ce n’est pas parce qu’on est croyant qu’il ne nous arrivera rien.

Ce serait bien pratique si la foi chrétienne nous exonérait des ennuis, mais la condition de l’homme croyant ne lui permet pas d’échapper à ce que la vie contient de négatif. L’être biblique est entièrement immergé dans le monde, dans le quotidien. L’être biblique est un être touché parce tout ce qui peut blesser, par tout ce qui peut abîmer. Rien n’est épargné au croyant. Rien. Il est pleinement humain et son humanité se constate avec sa vulnérabilité, avec ses insuffisances, avec ses limites.

Je ne voudrais pas trop m’appesantir sur la condition humaine telle qu’elle apparaît dans ce psaume et d’une manière plus générale dans les textes bibliques. Ce que le Bible dit de l’humanité, l’anthropologie biblique, n’est pas optimiste en ce sens qu’elle n’imagine pas un seul instant que la vie est facile pour celui qui croit en Dieu.

  1. Nos fautes, notre responsabilité

Pour autant, le regard biblique sur la condition de l’homme, l’anthropologie biblique, donc, n’est pas non plus pessimiste au sens où elle considérerait que tout est fichu, que la vie n’est qu’une suite de problèmes, de tuiles, de malheurs. Cela se constate de plusieurs manières dans ce psaume 130 qui a commencé par le fond du gouffre. Tout d’abord, l’homme invoque Dieu. Cela signifie qu’il pressent que la situation actuelle n’est pas une fatalité. Un autre ordre du monde est possible. Il fait appel à Dieu pour que ça change, justement. Il demande à Dieu d’être plus présent dans le monde, dans son histoire, pour que sa vie ne soit pas condamnée à rester ce qu’elle est : la sensation d’être dans le caniveau. Le fait d’invoquer Dieu, le fait de prier Dieu, le fait de se révolter, de se mettre en colère, de vouloir que ça change, sont autant d’indications d’une espérance qui nous travaille, qui nous ressuscite.

Le deuxième indice d’une anthropologie qui n’est pas pessimiste, c’est la mention des fautes. Le psalmiste dit : « si tu gardais le souvenir des fautes, Eternel, qui pourrait subsister ? » À première vue, c’est ultra pessimiste. Cela semble dire que l’homme est plein de fautes. Qu’il est pécheur, quoi. Mais dire que l’être humain commet des fautes et peut-être tellement de fautes qu’il la de quoi en avoir honte devant Dieu, ce n’est pas du tout pessimiste. Dire que l’homme est fautif c’est dire qu’il est responsable de ses actes. C’est dire que ce qui lui arrive n’est pas la faute des autres auquel cas l’homme serait soumis aux événements, qu’il ne ferait que subir. En reconnaissant qu’il est fautif, l’homme se découvre responsable, ce qui est une excellente nouvelle, car c’est le début de la liberté. Quand on est responsable de quelque chose, quand on est responsable de ce qu’on fait, on a la liberté de donner du sens à ce que nous faisons. Cela ne veut pas dire que nous réussissons tout ce que nous faisons, loin de là – de ce point de vue, nous sommes pécheurs, c’est-à-dire que nous n’atteignons pas toujours nos objectifs et on se retrouve parfois au fond du trou. Cela veut dire que nous avons la capacité d’entreprendre des choses, dans la vie, et que nous pouvons décider de la tournure que peuvent prendre les événements sur lesquels nous avons la main, pour lesquels nous avons notre mot à dire.

En convoquant ses fautes dans la situation de désarroi où il se trouve, le psalmiste se retrouve ; il retrouve sa dignité d’être irréductiblement libre et donc responsable de ses actes, de ses paroles, de ses réactions. Tout ce qui lui arrive n’est pas forcément de sa faute – il y a bien des fois où il y a du mal absurde qui ne dépend pas de nous et qui nous plonge dans des situations extrêmement pénibles – mais en réalisant qu’il est l’auteur de certaines fautes, il se rend compte qu’il est l’auteur d’une partie de son histoire. C’est donc une manière de remettre la main sur sa vie.

Je sais que cela peut paraître assez paradoxal, mais c’est en constatant qu’il est fautif que le psalmiste va pouvoir se reconstruire. Jusque là tout lui échappait. Il subissait tout. Désormais, il sait qu’il y a des choses qui dépendent de lui, même si ces choses sont mauvaises, même si cela a fait du mal. Au moins, il peut se reconstruire sur ces décombres de la vie parce que ce sont ses décombres, avec ses miettes de vie.

  1. La miséricorde divine

Le risque de mettre le doigt sur les fautes, c’est que nous nous mettions à nourrir notre culpabilité. Et le risque serait que la culpabilité remplisse toute notre vie. Or le but de la prière de repentance ce n’est pas de nous immerger dans la culpabilité, c’est de faire quelque chose de notre culpabilité. Une fois que nous avons pris conscience de ce que nous faisons et des effets de ce que nous faisons, que ce soit en bien ou en mal, vient le moment d’orienter notre vie, de lui donner du sens. Ce sens, c’est le sens du pardon, de la miséricorde divine dont il est question ensuite au verset 7. La hesed est traduite par bienveillance dans nos éditions Louis Segond, mais la miséricorde serait plus appropriée pour exprimer la grandeur de ce qui nous est permis. C’est pour cela que, dans notre culte, après la prière de repentance, il y a l’annonce du pardon.

L’espérance que découvre le psalmiste, c’est ce que la miséricorde divine va lui apporter, à savoir la libération abondante dont il est juste question après, ce qu’on appelle aussi la rédemption. Compte tenu du fait que ce psaume est un psaume des montées, on pourrait appeler cela la remontada. C’est une forme de résurrection.

La culpabilité, c’est ce que provoquerait une anthropologie pessimiste qui considère que l’homme est condamné à souffrir, à supporter le malheur. L’espérance chrétienne consiste dans la libération de la faute comme unique perspective, comme seul horizon. Notre rédemption, c’est le fait d’être délivré de cette vilaine image de nous-mêmes qui nous fait penser que c’est fichu, que rien de bon ne pourra plus nous arriver, ou si peu que cela ne vaut vraiment plus la peine de se donner de la peine, justement. Il n’y a plus rien à attendre de la vie, en quelque sorte.

Mais l’anthropologie biblique va à rebours de cette vision des choses. « Attends-toi à l’Eternel », dit le psalmiste. Il y a, justement, encore à attendre de la vie : il y a l’Eternel à attendre. Concrètement, l’attente de l’Eternel qui est qualifiée de plus certaine que l’arrivée du matin, c’est la possibilité d’être libéré de ce qui nous retient au fond du gouffre. C’est la possibilité d’être libéré de ce qui nous écrase, de ce qui nous retient de donner de l’ampleur à notre vie, de lui donner de la hauteur, de la sortir du gouffre.

« L’Eternel libérera Israël de toutes ses fautes ». C’est ainsi que se termine ce psaume qui donne la direction que notre vie peut prendre par cette troisième étape qui est le passage de la servitude à la liberté. Le passage de la résignation à l’enthousiasme. Le passage de l’angoisse à la joie. Le passage de l’invocation à l’action de grâce. Le passage du deuil à la vie.

Dieu ne protège pas l’homme de la foudre, mais il protège l’homme foudroyé en lui offrant la possibilité d’un avenir, en lui donnant les moyens de se projeter vers l’avenir, ce qui passe par la libération de la culpabilité d’une part, et par la révélation de ce qui est bon, de ce qui est désirable dans la vie.

Réjouis-toi d’attendre l’Éternel, car il vient chargé de miséricorde qui ouvrira ta vie à cette grâce d’un bonheur possible, ce que la Bible appelle la terre promise.

Un commentaire

  1. « Je sais que cela peut paraître assez paradoxal, mais c’est en constatant qu’il est fautif que le psalmiste va pouvoir se reconstruire. Jusque là tout lui échappait. Il subissait tout. Désormais, il sait qu’il y a des choses qui dépendent de lui, même si ces choses sont mauvaises, même si cela a fait du mal. Au moins, il peut se reconstruire sur ces décombres de la vie parce que ce sont ses décombres, avec ses miettes de vie. »
    Oui.

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