Non pas comme le colibri, mais selon la grâce surabondante de l’Éternel

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Psaume 66

1 Au chef des chantres. Cantique. Psaume. Poussez vers Dieu des cris de joie, Vous tous, habitants de la terre ! 2 Chantez la gloire de son nom, Célébrez sa gloire par vos louanges ! 3 Dites à Dieu: Que tes œuvres sont redoutables ! À cause de la grandeur de ta force, tes ennemis te flattent. 4 Toute la terre se prosterne devant toi et chante en ton honneur; Elle chante ton nom. -Pause. 5 Venez et contemplez les œuvres de Dieu ! Il est redoutable quand il agit sur les fils de l’homme. 6 Il changea la mer en une terre sèche, On traversa le fleuve à pied: Alors nous nous réjouîmes en lui. 7 Il domine éternellement par sa puissance, Ses yeux observent les nations: Que les rebelles ne s’élèvent pas! -Pause. 8 Peuples, bénissez notre Dieu, Faites retentir sa louange ! 9 Il a conservé la vie à notre âme, Et il n’a pas permis que notre pied chancelât. 10 Car tu nous as éprouvés, ô Dieu ! Tu nous as fait passer au creuset comme l’argent. 11 Tu nous as amenés dans le filet, Tu as mis sur nos reins un pesant fardeau, 12 Tu as fait monter des hommes sur nos têtes; Nous avons passé par le feu et par l’eau. Mais tu nous en as tirés pour nous donner l’abondance. 13 J’irai dans ta maison avec des holocaustes, J’accomplirai mes vœux envers toi: 14 Pour eux mes lèvres se sont ouvertes, Et ma bouche les a prononcés dans ma détresse. 15 Je t’offrirai des brebis grasses en holocauste, Avec la graisse des béliers; Je sacrifierai des brebis avec des boucs. -Pause. 16 Venez, écoutez, vous tous qui craignez Dieu, et je raconterai Ce qu’il a fait à mon âme. 17 J’ai crié à lui de ma bouche, Et la louange a été sur ma langue. 18 Si j’avais conçu l’iniquité dans mon cœur, Le Seigneur ne m’aurait pas exaucé. 19 Mais Dieu m’a exaucé, Il a été attentif à la voix de ma prière. 20 Béni soit Dieu, Qui n’a pas rejeté ma prière, Et qui ne m’a pas retiré sa bonté !

Chers frères et sœurs, il y eut un jour un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu !  » Et le colibri lui répondit : « Je le sais, mais je fais ma part. »

Cette histoire est émouvante car elle met en scène la petitesse fasse à l’immensité. Cette histoire est émouvante parce qu’elle met en scène le caractère tragique de la vie. Elle peut faire penser au jeune berger David qui va faire face au géant philistin, Goliath, qu’il arrivera à terrasser en dépit que tout le monde le donnait perdant d’avance. Cette histoire du petit colibri face à l’incendie géant peut faire penser à notre condition humaine face aux défis gigantesques du temps présents et, d’ailleurs, cette histoire est souvent reprise dans les questions liées au réchauffement climatique. Cette histoire est belle, mais elle est fausse. Ou, plus exactement, l’esprit scientifique qui doit nous habiter nous rend attentif au fait que la fin de l’histoire ne correspond pas à ce que les promoteurs de cette histoire imaginent.

En effet, jetez quelques gouttes d’eau sur des braises, par exemple, et vous verrez que ces gouttes provoquent des flammes. Jeter des gouttes d’eau sur un feu est la meilleure manière d’attiser le feu, de le rendre encore plus dévorant. Cela s’explique facilement : la chaleur dégagée par le foyer provoque le passage de la goutte d’eau à l’état de vapeur, un gaz formé d’oxygène et d’hydrogène qui va s’enflammer. L’histoire du colibri, c’est l’histoire d’un pyromane qui va attiser le feu au lieu de l’éteindre.

Cette histoire est édifiante, car elle nous révèle que ce que nous tenons pour une belle action (la petite goutte d’eau jetée sur l’incendie) aboutit à l’effet inverse du but recherché. Cette histoire nous enseigne que le saupoudrage ne règle pas les problèmes, il les attise. C’est ce que nous révèle ce psaume 66 qui chante la louange de Dieu. Observons que louer l’Éternel, c’est louer le Dieu vivant or, ce que nous constatons, c’est que le Dieu vivant n’y va pas de main morte !

  1. Une surabondance à l’œuvre

Ce qui caractérise l’action d’Israël, c’est qu’elle se réfère à l’œuvre de Dieu. Si Israël est victorieux, c’est grâce à l’Éternel, c’est par grâce seule. C’est la raison pour laquelle la réforme protestante proclamera « à Dieu seule la gloire » parmi ses principes directeurs.

Ni les réformateurs, ni les rédacteurs bibliques n’imaginaient que Dieu était une personne dotée de pouvoirs supérieurs à la moyenne, qui était en mesure de régler les problèmes à place des êtres humains. En rapportant la gloire à Dieu seul, les théologiens disent que la victoire n’est pas remportée par celui qui agit comme le colibri, mais par celui qui se réfère à ce que Dieu désigne dans les textes bibliques. Or, dans les textes bibliques, Dieu ne désigne pas un colibri, ni une éthique qui se référerait à l’attitude du colibri. Dieu n’est pas un pyromane et il ne souffle pas sur les braises. Dieu ne désigne pas une manière d’agir de main morte, ni une manière d’y aller mollo et on ne peut pas dire non plus que Dieu y aille par le dos de la cuiller pour ajouter un anthropomorphisme. Ce qui caractérise une action divine, c’est la surabondance.

Dieu ouvre la mer des Joncs pour faire passer le peuple hébreu. Dieu coupe le fleuve Jourdain pour le faire entrer à pied sec en terre promise (v. 6). Ses œuvres sont redoutables, dit le psalmiste (v. 3). Cela n’a rien du colibri. D’ailleurs, au sujet du fleuve Jourdain qui est coupé, la lecture du récit dans le livre de Josué est édifiante. Au chapitre 2 nous observons deux espions qui traversent le fleuve sans problème et, au chapitre suivant, quand tout le peuple traverse, le fleuve est coupé de telle manière que les Hébreux passent à pied sec. Cela indique à quel point l’action de Dieu ne va pas dans le sens de moins disant, de la décroissance, mais dans le sens de la surabondance. Tout le monde aurait pu traverser tant bien que mal ce fleuve qui avait déjà été franchi au chapitre précédent, or l’action de Dieu ne s’exprime pas dans le tant bien que mal, mais dans le tant et plus qui permet de créer les conditions les plus favorables à la vie. L’action est massive, imposante, sans hésitation. Il n’y est pas question de saupoudrage qui risque de provoquer un effet inverse à ce qui est attendu – ici, faire passer les Hébreux au compte goutte aurait été une manière de laisser aux habitants de Jéricho l’opportunité d’être alertés et de tuer l’un après l’autre ceux qui auraient franchi le fleuve.

La surabondance, plutôt que le « colibrisme », c’est la perspective divine qui est exprimée clairement au verset 12 – après les difficultés qui sont évoquées, le psalmiste déclare : « tu nous en as fait sortir pour (nous donner) la surabondance ». Il n’est pas question de décroissance dans cette perspective, bien au contraire. Et n’imaginons pas que ce dû au fait qu’à cette époque on ne manquait de rien. Il suffit de relire le cycle de Joseph pour constater qu’il fallait parfois gérer la pénurie. Il n’est qu’à s’intéresser à l’époque du Bronze récent pour constater qu’il y a eu des bouleversements géopolitiques dans le bassin méditerranéens dus à un changement climatique, ce qui a fait monter les Hébreux dans les hautes terres, pour comprendre que la terre dite promise n’avait rien d’une corne d’abondance sans limite.

  1. Pour les uns et pour les autres, pour le temps passé et pour l’avenir

Cette perspective divine de la surabondance se constate dans l’étendue de l’action de Dieu. Ce psaume nous révèle qu’une action qui se réfère à Dieu n’est ni limité pour les personnes, ni limitée dans le temps. Ce sont deux autres caractéristiques utiles pour comprendre le sens d’une vie chrétienne.

Ce psaume mêle volontiers toutes les personnes. Il y a aussi bien l’individu qui s’exprime en « je » (v. 13-15, 17-20), que la communauté qui s’exprime en « nous » (v. 6-7, 9-12) ce qui crée déjà une tension entre l’individu et le collectif, et il y a aussi le « vous » (v. 1-5, 8, 16) qui crée une tension supplémentaire entre l’intérieur et l’extérieur. Cela correspond bien avec l’interpellation qui retentit par deux fois, à savoir que la louange soit faite par « toute la terre » (v. 1,4). Avec Dieu, on n’oppose pas les uns contre les autres, on rassemble les uns avec les autres, sans exception. C’est la grâce pour tous. La perspective de Dieu, c’est la perspective universelle. Autrement, c’est un sectarisme.

Contre le colibri qui dit : « je fais ma part », l’homme de Dieu fait alliance avec Dieu pour établir des partenariats avec les autres : ces autres qui sont là, qu’il n’a pas forcément choisis, qu’il n’apprécie peut-être pas, mais qui sont là, offerts à ses sens, et qui sont aussi sous le regard de Dieu, c’est-à-dire à portée de grâce. L’homme de Dieu, le psalmiste, reconnaît chez l’autre celui avec lequel il est donc possible de coopérer pour porter son action à hauteur de Dieu, c’est-à-dire de se référer à ce que Dieu caractérise pour en faire une manière d’être, en l’occurrence la surabondance. Je dirais même une surabondance farouche, tant les textes bibliques nous invitent à métamorphoser la moindre parcelle de notre histoire en une épopée qui n’a rien à envier à nos plus valeureux héros. Une surabondance farouche parce qu’elle est tenace, opiniâtre.

La grâce est pour les uns, et pour les autres. Elle est universelle et elle n’est pas fragmentée. Elle n’est pas dépecée ou alors ce n’est plus la grâce. La grâce surabonde par delà les individus, les groupes, les partis, les tendances.

Notre psalmiste ne s’en tient pas à la question des personnes. La surabondance de l’action de Dieu vaut aussi pour le temps. L’action de Dieu surabonde en transcendant le passé et le présent. L’action de Dieu célébrée par le psalmiste surabonde par delà l’hier et l’aujourd’hui. Au verset 6 l’acte de délivrance de l’Égypte et l’ouverture du Jourdain sur la terre promise disent l’action salvatrice de Dieu autrefois. C’est le passé d’Israël. Aux versets 10 à 12 Israël connaît une épreuve difficile à surmonter. C’est le présent d’Israël. Et voici la surabondance du temps qui s’exprime dans la fin du verset 12 : tu nous en as fait sortir… tu nous en as fait sortir pour (nous donner) l’abondance. Et cela propulse le psalmiste dans le temple au verset 13 : « j’irai dans ta maison avec des holocaustes », le plus grand des sacrifices rituels qu’un homme puisse offrir. C’est là que nous constatons la surabondance de l’action de Dieu du passé jusque dans l’avenir, un avenir qui va être célébré dans le temple, dans la maison de l’Éternel. Le psalmiste fait mémoire du passé pour retrouver l’espérance qui lui permettra de se tourner vers l’avenir avec foi dans la bienveillance de Dieu.

Le psalmiste tient tout à la fois : les uns et les autres, le passé et le présent ; c’est cela qui autorise l’avenir. Bien souvent, l’avenir semble barré parce que nous mettons des « ou » (fromage ou dessert, foi ou raison, égalité ou liberté), là où nous devrions mettre des « et ». Le thème biblique de l’alliance dit bien ce que le colibri est incapable d’exprimer : ce n’est pas le saupoudrage qui sauve les situations. Ce qui sauve les situations problématiques, c’est la surabondance que permettent les coopérations, ce que le vocabulaire théologique nomme le « saint Esprit ». Le saupoudrage, c’est l’ennemi de la foi parce que c’est  un calcul de boutiquier qui ne fait pas honneur à la grâce surabondante. Le saupoudrage a plutôt tendance à aggraver les situations comme le fait le « colibrisme ».

La grâce, c’est tout sauf des mesurettes. C’est tout sauf des coups de pouce, tout sauf les minima qu’ils soient sociaux, éducatifs, spirituels ou autres. Ce dont nous avons besoin pour transcender nos situations problématiques, c’est de la grâce surabondante.

Amen

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