La place de Jésus dans le coran

Dans le cadre d’une rencontre du groupe montpelliérain Évangile et liberté, Soheib Bencheikh – chercheur rattaché à la mosquée de Paris – a présenté un regard musulman sur Jésus.

L’islam dans la continuité d’un christianisme

L’islam a été considéré comme une hérésie chrétienne dès le VIIè siècle. Nous trouvons cette affirmation chez Jean Damascène, le dernier Père de l’Église, qui était arabophone et qui écrivait en syriaque. L’islam peut être vu comme une réforme, comme une arabisation, une adaptation d’une forme du judéo-christianisme. Il peut être juste de dire que l’islam est d’origine chrétienne, que le coran est d’origine chrétienne.

Le prophète Mohammed a été accusé d’avoir plagié le judéo-christianisme. En fait, il est plus juste de dire qu’il était judéo-chrétien (le courant chrétien issu de la communauté de Jérusalem) : c’était un juif qui a cru que Jésus a été envoyé par Dieu, sans dire qu’il était Dieu. Les judéo-chrétiens sont nommés « minim » (pluriel de « min » qui signifie « hors de ») : ce sont des hérétiques, ce qui choisissent une autre voie que la voie droite.

Dans l’Arabie préislamique, il y avait des juifs, des chrétiens, des idolâtres. Les Hanifs sont ceux qui prennent la voie droite. Au cinquième sens de ce mot, dans les dictionnaires, c’est aussi ceux qui quittent le chemin droit. Ce mot vient d’un terme syriaque « hanpa » qui veut dire hérétique.

Mohammed est à la fois prophète et chef politique qui voulait en finir avec l’émiettement des tribus et la fragmentation de la société qui provoquaient des razzias de l’une contre l’autre. C’est à sa mort que surgira une nation unifiée.

Jésus

Jésus est cité parmi 114 personnages dont 4, seulement, sont arabes. Le plus grand nombre de mentions est pour Moïse (70).

Jésus est exceptionnel par sa naissance puisqu’il est né d’une vierge. Il est considéré comme l’un des verbes de Dieu. Il n’est pas Dieu, mais il est l’âme de Dieu. Il n’est pas non plus fils de Dieu au sens biologique. Il est élu ou adopté (par l’Esprit de Dieu).

La sourate « Les femmes » 4/157 indique que Jésus n’a pas été tué, qu’il n’a pas été crucifié, mais qu’il semblé que c’était ainsi à ceux qui ont voulu sa mort. De ce point de vue, le coran est docète (courant chrétien qui s’oppose au consensus selon lequel Jésus est mort sur la croix). Le raisonnement tient au fait que si un martyr meurt, il est néanmoins vivant auprès de Dieu : c’est une métaphore pour dire qu’on ne réussit pas vraiment à tuer un martyr dont le témoignage perdure après sa mort biologique. De la même manière, on peut dire qu’on n’a pas réussi à tuer Jésus, preuve en est qu’on en parle encore aujourd’hui.

Les musulmans disent que Jésus n’a pas été tué, mais qu’il est vivant. Il est monté au ciel, sauvé par Dieu, selon la sourate « La famille de ‘Imran » 3/55 : Dieu annonce qu’il va rappeler Jésus à lui, qu’il va l’élever vers lui pour le délivrer des incrédules.

Un regard paradoxal

Pour l’islam, Jésus n’est pas Dieu, mais les textes coraniques portent l’attention du lecteur surtout sur le caractère extraordinaire, surnaturel, de la vie de Jésus (sa naissance et sa non-mort). Par ailleurs l’islam ne parle jamais de fils de Dieu, même au sens métaphorique, à part un hadîth (une parole du prophète qui a été rapportée et mise par écrit) qui parle des pauvres qui sont enfants de Dieu).

Il est attendu de Jésus revienne, règne et tue l’antéchrist, qu’il brise la croix et remplisse la terre de justice – ce sera le jour de la résurrection dont il est aussi question dans la sourate « La famille de ‘Imran » 3/55.

Avec des termes de la théologie chrétienne, nous pourrions parler d’une christologie haute, Jésus n’ayant pas seulement une vie remarquable par le fait qu’il incarne la volonté de Dieu, mais par son être même qui échappe à ce que le commun des mortels vit d’un point de vue physiologique. Ces aspects, vus sous l’angle de la métaphore, indiquent le caractère exceptionnel de Jésus qui n’échapperait pas à la condition humaine marquée par la finitude sur le plan biologique, mais qui aurait donné à son quotidien le caractère d’une existence : avoir un retentissement qui dépasse largement les limites matérielles de la vie – susciter le désir de vivre, ressusciter l’espérance (que la vie ait du sens), favoriser la paix au sein des relations humaines etc.

Un commentaire

  1. Heureuse de vous voir mettre en avant l’importance du judéo-christianisme :quels auteurs abordent cette question ? Merci de me donner des références
    Cordialement. Lina Propeck

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