La croissance des Églises


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Actes 16/1-11

1 Il se rendit ensuite à Derbe et à Lystre. Et voici, il y avait là un disciple nommé Timothée, fils d’une femme juive fidèle et d’un père grec. 2 Les frères de Lystre et d’Icone rendaient de lui un bon témoignage. 3 Paul voulut l ’emmener avec lui; et, l’ayant pris, il le circoncit, à cause des Juifs qui étaient dans ces lieux-là, car tous savaient que son père était grec. 4 En passant par les villes, ils recommandaient aux frères d’observer les décisions des apôtres et des anciens de Jérusalem. 5 Les Églises se fortifiaient dans la foi, et augmentaient en nombre de jour en jour. 6 Ayant été empêchés par le Saint -Esprit d’annoncer la parole dans l’Asie, ils traversèrent la Phrygie et le pays de Galatie. 7 Arrivés près de la Mysie, ils se disposaient à entrer en Bithynie; mais l’Esprit de Jésus ne le leur permit pas. 8 Ils franchirent alors la Mysie, et descendirent à Troas. 9 Pendant la nuit, Paul eut une vision: un Macédonien lui apparut, et lui fit cette prière: Passe en Macédoine, secours -nous ! 10 Après cette vision de Paul, nous cherchâmes aussitôt à nous rendre en Macédoine, concluant que le Seigneur nous appelait à y annoncer la bonne nouvelle. 11 Étant partis de Troas, nous fîmes voile directement vers la Samothrace, et le lendemain nous débarquâmes à Néapolis.

Chers frères et sœurs, c’est un peu avant la fin d’un mois d’août qu’un homme de Dieu fit un rêve. Il fut saisi par un appel qui disait l’exact contraire de ce que la majorité pensait alors « je m’en fiche, je m’en moque ». Cet homme de Dieu fut saisi par la vision d’un autre ordre du monde, par une vision qui ne pouvait pas le laisser indemne, indifférent. Ce fut la vision d’un monde qui impliquait nécessairement une réponse de sa part, et l’implication de tout son être.

Mais bien avant cela, bien avant ce 28 août 1963 où le pasteur Martin Luther King Jr partagea avec le monde entier sa vision d’un monde réconcilié, d’un monde marqué par le bonheur et la grâce, quelques siècles auparavant, l’auteur du livre des Actes des Apôtres raconte que c’est l’apôtre Paul qui fut saisi par une vision nocturne, par un rêve qui allait l’embarquer vers d’autres horizons que ceux auxquels il se destinait. Ce fut le point de départ d’une nouvelle page de l’histoire de l’Évangile. C’est cet avec cet épisode que je vous embarque pour une nouvelle année paroissiale.

  1. Se laisser interpeller

L’apôtre Paul, vaillant éclaireur de la foi, ouvrait des voies en Asie mineure, la partie orientale de l’actuelle Turquie. Il aurait bien aimé se rendre en direction de l’Asie, mais, selon les termes du rédacteur, il était empêchait par le Saint Esprit (v. 6). Paul aurait aimé évangéliser l’Asie, mais le Saint Esprit soufflait dans un sens contraire, et c’est vers l’Ouest qu’il se rendit, en compagnie de Timothée, son nouvel acolyte.

Entendons-là une caractéristique majeure de l’homme de Dieu : ne pas en faire qu’à sa tête, mais répondre favorablement aux sollicitations divines. C’est aussi ce qui se passera à la fin de cet épisode, lorsqu’il décidera de répondre favorablement à cette vision nocturne pendant laquelle un Macédonien fit appel à lui.

L’homme de Dieu est celui qui répond à l’appel de Dieu plutôt qu’à son inclination personnelle. L’homme de Dieu est celui qui accepte que des situations auxquelles il ne prêtait pas attention jusque là, requièrent son attention.

La vie du pasteur King nous aide à comprendre comment l’homme de Dieu peut être sensible à l’appel de Dieu, comment un appel de Dieu peut retentir jusqu’à nous. Tout d’abord, s’agissant du rêve, une forme d’appel commun à Paul et à Martin Luther King Jr, nous comprenons par la rhétorique du discours d’août 1963 que le rêve n’est pas le résultat de l’activité cérébrale pendant le sommeil. King n’a pas rêvé la veille de son discours à Washington : c’est devant la foule qu’il livre le rêve qu’il est en train de faire et qui est la vision de ce que cette foule chamarrée, rassemblant des gens de tous les âges, de toutes les conditions, de toutes les origines sociales, culturelles, ethniques et religieuses, ce que cette foule est appelée à vivre. Et Paul n’était pas en train de dormir au verset 9. C’était la nuit, un temps privilégié pour les révélations décisives selon la symbolique biblique. Mais ce n’était pas un temps d’inactivité. C’est le temps de la prière, ce dialogue exigeant avec le réel, avec la vérité, avec l’universel. C’est le temps du combat personnel contre soi, contre ses mauvais penchants, contre sa paresse, contre son inclination personnelle quand elle n’est pas orientée vers le divin, vers ce qui a un caractère universel.

Quant au saint Esprit qui contrarie la trajectoire de Paul – le saint Esprit est très contrariant dans la Bible… il est rare que le saint Esprit souffle dans le sens du poil – c’est l’ensemble des interactions avec les personnes qui nous entourent et qui s’interrogent, elles aussi, sur le sens de la vie, le sens ultime de la vie. Comme j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire, le jeune pasteur Martin Luther King n’a pas eu l’idée tout seul de s’engager pour les droits civiques de tous les américains. Ce sont des gens de sa congrégation qui l’ont interpellé en lui disant qu’il devait répondre présent, qu’il devait prendre ses responsabilités et conduire le mouvement. Ces paroissiens étaient le saint Esprit, détournant le pasteur de sa vie tranquille de fonctionnaire du religieux. Et pour l’apôtre Paul, si nous ne savons pas qui l’aida à orienter sa démarche, ayons bien conscience que le saint Esprit dont il est question, ce sont les personnes qui sollicitèrent Paul au fur et à mesure, l’attirant vers eux comme le fit le Macédonien – ce qui éloigna Paul du chemin qu’il comptait prendre.

Ainsi, vous êtes le saint Esprit – ne laissez pas vos pasteurs être les seuls à orienter la vie de l’Église, et n’hésitez pas à faire souffler un vent contraire quand ils se contentent d’une petite vie paroissiale tranquille.

Et vous êtes également les hommes et les femmes de Dieu qui serez sensibles à l’appel de Dieu en étant à l’écoute de vos contemporains. Car notez bien que le Macédonien qui attire l’attention de Paul n’est pas réputé être chrétien (personne ne l’est encore à l’époque) ni juif ; il n’a aucun titre de noblesse à faire valoir et la suite de l’histoire montrera que les gens que Paul va rencontrer n’ont rien de bons croyants. C’est en étant à l’écoute de l’homme de la rue, pour reprendre une expression contemporaine, que nous serons les fidèles disciples de Jésus, comme l’a été l’apôtre Paul, et comme le fut aussi le révérend Robert McAll.

C’est ce pasteur écossais qui est à l’honneur du culte de l’Assemblée du Désert, aujourd’hui. C’est l’occasion de célébrer la création de la Mission populaire évangélique fondée en 1871 après qu’un homme de Belleville, à Paris, lui a envoyé à la figure, il n’y a pas d’autres mots : « Dans un quartier qui contient des ouvriers par dizaines de mille, nous ne pouvons accepter une religion imposée, mais si l’on nous présentait une religion de liberté et de sincérité, alors nous l’écouterions. »

Cet homme fut le Macédonien de McAll. Et nous, quel sera notre Macédonien cette année ? Nous le saurons en nous mettant vraiment à l’écoute du bruissement du monde. Nous le saurons en nous ouvrant à nos contemporains, quels qu’ils soient et, comme nous le comprenons à la lumière des Actes des Apôtres, même s’ils ne sont pas là où nous aimerions aller, même s’ils n’expriment pas ce que nous aimerions entendre. Notre responsabilité de croyants, c’est d’être à l’écoute de la réalité vécue par nos contemporains parce que l’appel divin passe par eux, notamment. Je dirais même que la parole de Dieu n’est pas dans la Bible. La parole de Dieu est dans l’interprétation que je fais des paroles de mes contemporains au regard de ce que les rédacteurs bibliques ont transmis de leurs compréhension de la présence de Dieu dans notre histoire.

Je dirais que la parole de Dieu n’est pas dans la Bible au sens où nous devrions avoir les yeux rivés sur le texte biblique pour savoir comment rendre notre vie divine. C’est en écoutant attentivement nos contemporains, et en l’interprétant à partir de ce que les théologiens qui nous ont précédés et dont les réflexions sont devenues notre livre de référence en matière de foi, la Bible, que nous pourrons discerner une parole de Dieu pour aujourd’hui.

  1. Être fournisseur de solutions

Et à partir de là, au travail, en route ! Embarquons vers d’autres horizons que ceux que nous avons toujours contemplés. Passons sur l’autre rive, travers la rue pour commencer. C’est littéralement l’appel qui est lancé à Paul au verset 9 : le verbe grec diabano est ce qui traduit le verbe hébreu ‘avar qui a justement donné le terme « hébreu », celui qui traverse, celui qui passe. Paul est ainsi fermement établi dans sa condition d’hébreu, cette vocation à ne jamais s’arrêter, mais à se rendre sans cesse vers la terre promise, terre dont le cadastre ne cesse de changer au fil des pages de la Bible car la terre promise n’est pas géographique, elle est existentielle, elle concerne notre existence et l’existence de nos contemporains, pas les lieux physiques.

Paul se retrouve donc à nouveau hébreu et que fait-il ? Avec ses acolytes, il se mit à chercher. Il se mit aussitôt à chercher. Il se mit aussitôt à cherche à se rendre en Macédoine. Paul cherche des solutions. Il ne se dit pas que cela va être compliqué, même si c’est effectivement le cas. Il ne se dit pas que si ça doit se faire ça se fera tout seul. Il se met aussitôt à chercher des solutions. Ainsi, Paul fait du croyant un fournisseur de solutions, pas un créateur de problèmes.

La responsabilité de Paul, est de trouver des solutions pour qu’advienne ce qu’il estime être divin. Il cherche des solutions avec d’autres et qui font appel à des compétences qu’il n’a pas. Mais il ne se résigne pas au prétexte qu’il n’aurait pas sous la main, immédiatement, tout ce dont il a besoin pour mener à bien son projet. Ce qui est immédiat, c’est de se mettre en recherche des moyens qui lui permettront d’aller en direction de l’horizon que Dieu désigne.

Fournir des solutions, c’est aussi ce qu’il fait en semant partout où il passe les décisions prises par les apôtres et par les anciens de Jérusalem. Les décisions en questions, ce sont des « dogmes », selon le texte grec. Non pas des dogmes au sens que ce mot a pris au fil des siècles d’un christianisme qui a voulu imposer ses vues et faire du monde une chrétienté, mais au sens de ce qui a été décidé. Il faudrait plutôt comprendre les dogmes comme des décrets, ce qui dit mieux qu’ils sont le fruit de réflexions humains alors que nous avons en tête les dogmes qui sont quasiment de droit divin.

C’est à la fois en se référant à la sagesse des anciens, des presbytres pour employer le mot issu du texte grec, et à la vision d’avenir des apôtres (v. 4), que les Églises se fortifiaient dans la foi et qu’elle augmentait en nombre de jour en jour (v. 5). En allant à la rencontre de ses contemporains, en allant au cœur du monde, en sortant du cocon de sa communauté religieuse, Paul n’a ni dilué la foi de l’Église, ni diminué le nombre de lieux de culte, tout au contraire. En se jetant à corps perdu dans le monde, il a fortifié la foi des Églises et il a fait surabonder leur nombre (aritmos). C’est une arithmétique de la croissance que Paul développe et qui n’aurait pas eu lieu s’il était resté dans ses habitudes. Rappelons-nous qu’au départ il faisait lapider tout ce qui dépasser du cadre religieux auquel il s’était astreint – ce qui n’est pas vraiment un geste qui favorise la croissance, comme tout penchant pour la pureté absolue. La croissance advient par le fait d’aller à la rencontre de l’autre, l’autre qui porteur de l’altérité qui renvoie à l’altérité divine. En ne se limitant pas aux territoires connus ou appréciés, en ne se limitant pas aux gens connus ou aimable, Paul est un fidèle disciple de Jésus qui incarna la grâce de Dieu. En faisant droit à l’expérience des anciens et à l’enthousiasme des apôtres, il fit germer comme jamais depuis longtemps le champ de la foi, de la confiance en Dieu, de la confiance dans une vie riche de bénédictions. Je ne saurais nous souhaiter de plus belles perspectives pour cette nouvelle année paroissiale.

Amen

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