Mises au point sur la laïcité

Parmi toutes les initiatives heureuses qui auront été conduites durant les semaines qui viennent de s’écouler, saluons le soin qu’a pris Nicolas Cadène, rapporteur général de l’observatoire de la laïcité, pour chasser de fausses idées sur la laïcité.  En 24 courtes séquences vidéo il aborde ce qui fait débat tout en rappelant inlassablement le cadre légal – la loi du 9 décembre 1905.

Toutes ces vidéos sont consultables sur la chaîne vidéo de l’Observatoire.

Quelques idées à retenir de ces pastilles vidéo :

#1 Il y a neutralité de l’espace publique, mais pas dans l’espace public. Ainsi, les bâtiments publics ne peuvent comporter de signe religieux, mais tout citoyen peut en porter pourvu que cela ne trouble pas l’ordre public.

#2 La loi du 15 mars 2004 impose aux élèves un strict devoir de discrétion et non de neutralité. La neutralité incombe aux personnes en charge d’une mission de service public (les enseignants). La discrétion est demandée pour éviter toute pression sur des personnes mineures qui sont en train de forger leurs propres convictions.

#3 Il faut distinguer les signes ostensibles – les signes visibles de tous -, des signes ostentatoires – les signes accompagnés d’une action, d’un comportement prosélyte, d’une action qui a un caractère revendicatif.

#4 La laïcité soumet à la neutralité tous les fonctionnaires et tous ceux qui exercent une mission de service public. Un élu, lui, est élu pour des convictions politiques qui ne sont pas neutres – il peut aussi mettre en avant ses options religieuses. Les « religieux » n’ont pas manqué de garnir les bancs de l’Assemblée nationale et du Sénat : plus de 400 parlementaires ont été prêtre ou pasteur (le chanoine Kir et l’abbé Pierre étant probablement les plus connus).

#5 Les élus peuvent assister à des cérémonies religieuses, comme tout le monde. En revanche un élu ne devra marquer aucune adhésion au culte, mais pourra respecter les usages (se couvrir la tête, retirer ses chaussures, serrer la main quand il n’y a pas de danger sanitaire).

#6 La laïcité n’est pas contre les religions (elle n’est ni pour ni contre) : elle garantit leur égal traitement, elle distingue ce qui relève du culte et ce qui relève des pouvoirs publics.

#7 La laïcité ne s’impose pas à toutes les entreprises privées, sauf quand elle exercent une mission de service public.

#8 La laïcité n’est pas toujours la neutralité car elle préserve la liberté d’expression, à l’exception des personnes en charge d’une mission de service public.

#9 La loi 1905 concerne toutes les organisation religieuses et non uniquement l’Église catholique. C’est pourquoi il ne faudrait pas l’intituler « séparation de l’Église et de l’État » : il n’y a pas qu’une seule Église qui soit concernée.

#10 La laïcité n’étant contre aucune religion, elle n’est pas contre les musulmans. C’est un principe valable pour tous, qui permet de croire ou de ne pas croire et de changer de religion. Aucun culte en particulier n’est mentionné dans le texte de loi (sinon dans l’article 44 qui fait référence aux dispositifs en vigueur jusque là).

#11Il n’y a pas d’interdiction de tenues religieuses dans la rue. A l’époque des débats sur la loi 1905, un député – Charles Chabert – avait demandé l’interdiction des processions religieuses dans la rue et l’interdiction de tout habit religieux dans la rue, en particulier la soutane. Aristide Briand répondit qu’il serait incohérent qu’un projet de loi visant à instaurer un régime de liberté fasse obligation de revoir la coupe de ses vêtements. [Quelques esprit taquins apprécieraient de nos jours que certaines marques de vêtements soient interdites pour cause de mauvais goût]

#12La laïcité n’est pas la neutralité totale des cimetières et des sépultures, mais des parties communes : les sépultures relèvent du privé et peuvent comporter des signes religieux.

#13 La laïcité ne cantonne pas la religion à la sphère privée. Se fondant sur l’article 10 de la déclaration des droits de l’homme, rappelons que chacun peut exprimer des convictions dans l’espace public pourvu que cela ne trouble pas l’ordre public.

#14 Les jours fériés religieux seraient anti-laïc. Seul le 1er mai est un jour obligatoirement chômé et payé. D’autres jours fériés peuvent être des fêtes religieuses en plus d’être des jours fériés : ces jours fériés le sont pour tout le monde, toutes confessions et non confession confondues. Pour l’État, ces jours fériés n’ont pas de connotation religieuse.

#15 La neutralité des parents d’élève ne vaut que pour ceux qui exercent une mission de service public par une action pédagogique qu’ils pourraient mener dans un établissement – l’accompagnement d’une sortie scolaire ne relevant pas de cette catégorie.

#16 La laïcité n’est pas une exception française. D’autres États ont intégré ce principe dans leur organisation, selon un mode assez éloigné du nôtre (Belgique, Turquie, Inde) ou selon un mode plus proche (Brésil, Mexique, Sénégal).

#17 La loi du 9 décembre 1905 ne s’applique à l’ensemble du territoire français ; il y a 5 régimes différents selon les lieux (en Alsace-Moselle,  Outre-Mer) : 4 millions de Français ne lui sont pas soumis.

#18 La laïcité ne garantit pas toujours l’égalité entre les femmes et les hommes car elle concerne les convictions et non le genre. Par contre, elle affirme l’égalité en ce qui concerne les convictions. Le principe de laïcité n’a pas empêché Émile Combes de militer contre le droit de vote des femmes.

#19 Il convient de distinguer les termes laïcisation et sécularisation. La laïcisation désigne la baisse du religieux dans le champ institutionnel ou le transfert de responsabilité à l’égard d’institutions autrefois gérées par un organisme religieux. La sécularisation désigne la baisse d’influence du religieux dans le champ social (lorsque la pratique religieuse est en baisse). Une laïcisation ne s’accompagne pas nécessairement d’une sécularisation.

#20 La laïcité n’interdit pas le port de burkinis dans les piscines : ils sont interdits pour des raisons d’hygiène. Sur la plage, seule la dissimulation du visage est interdite (pour des raisons de sécurité et d’interaction sociale, comme c’est le cas dans l’ensemble du territoire  [Sauf quand les conditions sanitaires imposent de porter un masque dans le sud de la France, ce qui nécessite également des lunettes de soleil].

#21 En 1905 tous les cultes ont accepté et appliqué la loi sans délai à l’exception de l’Église catholique, Pie X ayant jugé cette loi inique). C’est la raison pour laquelle l’Église catholique a conservé la charge des biens cultuels dont elle était restée propriétaire. En 1924, l’acceptation de créer des associations diocésaines a permis d’assumer les charges des nouveaux bâtiments construits dont elles sont propriétaires.

#22 Il y a plusieurs définitions juridiques de la laïcité dans le monde, mais pas en France.

#23 Puisqu’il ne peut y avoir d’emblème religieux dans l’espace public, il ne peut y avoir de crèche de Noël installée dans les collectivités locales à l’exception des crèches qui ont un caractère culturel et traditionnel, ce qui est prévu par l’article 28 de la loi 1905 [expositions].

#24 La laïcité n’impose pas aux élèves de manger les mêmes plats, mais ne demande pas non plus de servir des repas confessionnels. Le principe est de n’assigner aucun élève à ses croyances, mais de favoriser le repas en commun.

 

 

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