Job, l’expérience de la transcendance

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Job 38/3-18 
3 Ceins tes reins comme un vaillant homme; Je t’interrogerai, et tu m’instruiras. 4 Où étais-tu quand je fondais la terre ? Dis -le, si tu as de l’intelligence. 5 Qui en a fixé les dimensions, le sais -tu? Ou qui a étendu sur elle le cordeau ? 6 Sur quoi ses bases sont-elles appuyées ? Ou qui en a posé la pierre angulaire, 7 Alors que les étoiles du matin éclataient en chants d’allégresse, Et que tous les fils de Dieu poussaient des cris de joie? 8 Qui a fermé la mer avec des portes, Quand elle s’élança du sein maternel; 9 Quand je fis de la nuée son vêtement, Et de l’obscurité ses langes; 10 Quand je lui imposai ma loi, Et que je lui mis des barrières et des portes; 11 Quand je dis: Tu viendras jusqu’ici, tu n’iras pas au delà; Ici s’arrêtera l’orgueil de tes flots ? 12 Depuis que tu existes, as-tu commandé au matin ? As-tu montré sa place à l’aurore, 13 Pour qu’elle saisisse les extrémités de la terre, Et que les méchants en soient secoués; 14 Pour que la terre se transforme comme l’argile qui reçoit une empreinte, Et qu’elle soit parée comme d’un vêtement; 15 Pour que les méchants soient privés de leur lumière, Et que le bras qui se lève soit brisé ? 16 As-tu pénétré jusqu’aux sources de la mer ? T’es-tu promené dans les profondeurs de l’abîme ? 17 Les portes de la mort t’ont-elles été ouvertes ? As-tu vu les portes de l’ombre de la mort ? 18 As-tu embrassé du regard l’étendue de la terre ? Parle, si tu sais toutes ces choses.

Une théologie de l’alliance pourrait faire penser que Dieu est un bon ami. Nous pourrions penser que Dieu est un proche et peut-être plus qu’un proche : un double de nous-mêmes, un autre moi-même. Le personnage Job nous permet de redécouvrir le Dieu transcendant dont l’islam est particulièrement porteur.

  1. Nous sommes des créatures

Le premier constat que nous pouvons faire à la lecture du discours que Dieu tient à Job, c’est que nous sommes bien peu de chose. Cette description du monde qui se prolonge bien au-delà de ces versets, souligne bien que le monde tourne très bien sans nous. Plus encore, ce passage nous dit que nous ne sommes pas à l’origine de ce monde et de ces puissants mouvements, ces puissantes actions cosmiques qui le caractérisent. Dit autrement, nous sommes des créatures, seulement des créatures. Et cela devrait toujours nous ramener à une grande humilité. L’aurore ne nous doit rien. La mer ne nous doit rien. Les astres ne nous doivent rien. Nous, par contre, nous sommes le fruit d’interactions nombreuses qui nous ont précédés et qui nous ont permis de venir au monde. Le discours de Dieu décrit l’être humain comme n’étant pas à l’origine de nombreux aspects de la vie, ce qui est une manière d’exprimer, en creux, la transcendance. Il y a dans notre vie, bien des aspects qui transcendent notre condition, qui transcendent nos espoirs et nos vœux.

  1. Nous ignorons bien des choses

Il découle de cela une seconde raison de faire preuve d’humilité et certainement pas d’orgueil, c’est que nous ignorons bien des choses sur le cours de la vie. Individuellement, nous ne savons pas tout. Il faut tellement se spécialiser dans un domaine pour en savoir un peu que nous sommes incapables de tout savoir sur tout de manière sérieuse. Nous sommes ignorants dans bien des domaines, à commencer par celui dont nous sommes pourtant le plus familier : nous-même. Nous avons toutes les peines du monde à savoir qui nous sommes, ce que nous désirons, ce qui est souhaitable. En conséquence de quoi il est bien prétentieux celui qui prétend savoir ce que Dieu veut, ce que Dieu espère, autrement dit ce qui a un caractère universel dans notre monde, ce qui est véritablement vivable pour tous. Là encore, il y a de la transcendance dans notre vie. Bien des aspects échappent à notre action ou à notre volonté, mais aussi à notre connaissance. La religion nous enseigne l’humilité ; elle nous rappelle que nous sommes des êtres limités. Nous le savions par le fait qu’il y a un terme à notre vie biologique – la théologie nous l’enseigne aussi sous l’angle de l’origine et du savoir. Pour autant Dieu ne désigne pas tout ce que nous ignorons. Dieu n’est pas un bouche-trou à nos lacunes. Dieu désigne ce qui nous fait prendre conscience de notre humanité.

  1. Transcendance horizontale

Quand nous regardons de plus près les différents domaines décrits dans ce passage biblique, nous constatons que les différents exemples ne sont pas si étrangers que cela à notre connaissance. Les différents mystères de la vie ont été percés les uns après les autres. L’inconnaissance a reculé de plus en plus au fur et à mesure que la science progressait. Mais déjà, à l’époque biblique, les hommes savaient d’où venait l’eau qui fait la mer. Ils connaissaient les cycles astronomiques. Ils savaient aussi le grand cycle de la nature qui, comme le dira plus tard Monod, peut être vu comme un intestin géant. Ils savaient les temps de gestation etc. Ils le savaient, mais pas individuellement disais-je à l’instant. Nous avons nos zones d’ombre, nos zones d’inconnaissance qui sont éclairées par d’autres qui se sont spécialisés dans des directions que nous n’avons pas le temps ou pas le goût de prendre. Cela nous dit qu’il y a de la transcendance, qui n’est pas seulement verticale entre nous et le ciel, mais aussi de la transcendance horizontale, entre nous et l’autre, entre nous et les autres. L’autre, celui qui se tient là, à mes côtés, un peu plus loin, beaucoup plus loin, celui que je ne vois même plus, est non seulement une figure de l’altérité, mais aussi une figure de la transcendance. L’autre est celui qui me révèle que le monde, la vie, la connaissance, sont infiniment plus grands que nous, bien sûr, et infiniment plus grands que ce que nous pouvons penser.

Le théologien John Hick avait une image saisissante pour parler des religions. Il proposait d’imaginer des peuples vivant et se déplaçant dans des vallées différentes. Chaque peuple est confronté à des épreuves particulières ; chaque peuple développe des projets spécifiques ; chaque peuple accumule des expériences qui lui sont propres. Puis vient un moment où ces différents peuples se retrouvent dans une même vallée. Ils partagent leurs expériences, leurs découvertes, leurs explications et les réponses qu’ils ont données aux grandes énigmes de l’univers. Ce pourrait être cela le dialogue interreligieux : partager les expériences qui sont détentrices de vérités qui, jusque là, ont échappé aux autres, nous ont échappé.

Notre capacité à conjuguer nos expériences, nos savoirs, nos analyses, nos compétences avec celles des autres, voilà ce qu’il y a de divin dans notre vie, voilà ce qui transcende notre quotidien, voilà ce qui est à même de transcender notre avenir.

Amen

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