Ne vous conformez pas au monde présent


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Romains 12/1-8
1 Je vous exhorte donc, frères, par les compassions de Dieu, à offrir vos corps comme un sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu, ce qui sera de votre part un culte raisonnable.  2 Ne vous conformez pas au monde présent, mais soyez transformés par le renouvellement de l’intelligence, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait.  3 Par la grâce qui m ‘a été donnée, je dis à chacun de vous de n’avoir pas de lui-même une trop haute opinion, mais de revêtir des sentiments modestes, selon la mesure de foi que Dieu a départie à chacun.  4 Car, comme nous avons plusieurs membres dans un seul corps, et que tous les membres n’ont pas la même fonction,  5 ainsi, nous qui sommes plusieurs, nous formons un seul corps en Christ, et nous sommes tous membres les uns des autres.  6 Puisque nous avons des dons différents, selon la grâce qui nous a été accordée, que celui qui a le don de prophétie l’exerce selon l’analogie de la foi;  7 que celui qui est appelé au ministère s’attache à son ministère; que celui qui enseigne s’attache à son enseignement,  8 et celui qui exhorte à l’exhortation. Que celui qui donne le fasse avec libéralité; que celui qui préside le fasse avec zèle; que celui qui pratique la miséricorde le fasse avec joie.

 

  1. Ne pas se soumettre aux logiques mondaines

Chers frères et sœurs, ne vous conformez pas au monde présent, mais soyez métamorphosés par le renouvellement de votre intelligence. Ne vous conformez pas au monde présent. C’est ce que Jésus a prêché, c’est ce qu’il a vécu, c’est ce qu’il a enseigné à celles et ceux dont il a croisé la route.

Jésus n’a pas dit que le monde était mauvais et qu’il fallait s’en protéger. Jésus a dit que Dieu a tellement aimé le monde qu’il lui a donné son fils, son unique – preuve d’amour par excellence. Jésus n’a pas dit que le monde était l’affaire du mal. Jésus a dit que nous ne sommes pas du monde, mais que nous sommes bel et bien dans le monde – et qu’il n’y a pas d’autre lieu pour vivre ! Jésus n’a pas prêché contre le monde, il a milité contre beaucoup de logiques propres à notre monde et qui ne permettent pas de pouvoir vivre tout ce que propose l’Evangile.

Par exemple, Jésus a dit qu’il ne donnait pas la paix comme le monde la donne. Eh ! bien, en matière de paix, ne vous conformez pas au monde présent, mais soyez métamorphosés par le renouvellement de votre intelligence qui n’en fera pas qu’à sa logique, mais qui s’intéressera aussi à ce que Jésus a révélé. Au temps de Jésus, il y avait la pax romana – la paix de Rome ; cette paix était fondée sur la puissance de Rome et de ses armées. La paix était une paix de domination. Les différentes nations étaient en paix les unes avec les autres parce qu’elles étaient toutes soumises au pouvoir de Rome. C’était une paix par la guerre, par la violence. C’était une paix subie. C’était une paix mal vécue. C’était une paix qui généra de nombreuses révoltes, de nombreux bains de sang et c’est à cause de cette paix que Jésus sera crucifié. En effet, Ponce Pilate, le procurateur romain, aurait bien libéré Jésus quand celui-ci avait été arrêté ; mais Pilate avait peur que le grand prêtre fasse courir le bruit qu’il avait libéré Jésus qui pouvait être considéré comme un ennemi de César puisqu’il se serait déclaré roi des Juifs – seul César pouvait être considéré comme roi des Juifs. Cette paix construite sur un rapport de dominant et de dominé ne peut produire que du malheur, des frustrations et donc des injustices et des violences. Ce n’est pas ce type de paix que Jésus a proposé. Quand il dit qu’il donne la paix, mais pas comme le monde la donne, c’est pour faire comprendre que c’est une paix où personne n’est écrasé par un autre. Ce n’est pas une paix qui se fait sur le dos du plus faible. La paix de Jésus, c’est une situation où toute personne peut prendre sa place, comme le membre d’un corps prend sa place sans être dans un rapport de pouvoir avec les autres membres.

Autre logique qui se brise sur l’Evangile, celle du donnant-donnant, du « un prêté pour un rendu ». La grâce brise en mille morceaux la logique de l’équivalence qui veut que nous fassions toujours quelque chose en échange d’autre chose. La grâce, qui s’exprime dans l’amour agapè, dit que vivre selon la logique de Dieu, c’est vivre de manière absolue, c’est vivre en fonction de ce qui est juste, de ce que est vivable, et non en fonction de ce que je vais pouvoir gagner en échange. L’amour ne cherche pas son propre intérêt rappellera l’apôtre Paul. L’amour aime pour prendre soin de celui qui est aimé, par pour prendre soin de notre amour-propre. Alors cela ne veut pas dire que nous n’éprouvions pas de grandes satisfactions à aimer – cela veut dire que nous n’aimons pas pour être aimés en retour. Nous aimons parce qu’il est juste et bon d’aimer et de prendre soin des frères et des sœurs que notre foi nous révèle.

Cela a une conséquence majeure sur les relations humaines : si nous agissons par grâce seule, alors nous rejetons la logique de l’équivalence, ce qui signifie que si quelqu’un nous agresse, nous refusons de rendre coup pour coup. Nous nous défendrons, bien entendu… il ne s’agit pas de se sacrifier sur l’autel de la grâce, mais nous ne chercherons pas à faire à l’autre ce qu’il nous a fait. Cela signifie que nous renoncerons à la vengeance, ce qui est pourtant une logique courante dans le monde. Le pardon dit cela. Le pardon dit que nous renonçons à faire usage de la vengeance contre celui ou ceux qui nous ont fait du mal. Selon ce que propose l’Eternel dès le livre de la Genèse avec Caïn, nous refusons d’entrer dans le cercle mortel de la vengeance qui consiste à punir les amis de Caïn pour le crime qu’il a commis. Ce cercle est vicieux car, dans ce cas, les amis de Caïn voudraient à leur tour venger leur ami et ainsi de suite jusqu’à extinction du monde entier.

Bien souvent, la logique du monde qui est dénoncée par la Bible, est une logique qui fait courir le monde à sa perte. Ce sont toutes les logiques qui acceptent que l’homme soit un loup pour l’homme et que la loi du plus fort règne en maître. Or l’Eternel est le Dieu de la veuve, de l’orphelin et de l’étranger ; l’Eternel est le Dieu de ce qu’il y avait de plus faible, de plus fragile dans la société israélite à l’époque des rédactions de la Bible, quand il n’y avait ni les pensions de réversion, ni les Maisons d’Enfants à Caractère Social, ni les Centres d’Accueil pour Demandeurs d’Asile. Notre Dieu est le Dieu qui se préoccupe de ce qui est menacé, qui s’intéresse aux maillons les plus faibles et qui ne se réjouit pas de l’injustice – pour employer des anthropomorphismes au sujet de Dieu.

La Torah, les prophètes et Jésus en tête, les apôtres, les rédacteurs bibliques font valoir un autre ordre du monde que la paix par la violence, l’amour conditionnel ou encore vivre sur le dos du plus faible.

  1. Faire valoir la grâce qui nous a été accordée

Notre foi consiste à dire oui à cette alternative que propose l’Evangile. Notre foi, personnelle, consiste à dire oui, individuellement, à la possibilité de vivre sans rivalité, sans monnayer notre amour, sans soumettre autrui à notre propre volonté. Notre foi consiste à résister aux pratiques majoritaires quand elles sont injustes. Notre foi consiste à ne pas céder à la tentation de profiter du système au prétexte que d’autres le font. Notre foi consiste à ne pas nous aligner sur la vulgarité au prétexte que c’est tendance. Notre foi consiste à ne pas se conformer à ce qui, dans le monde présent, est contradictoire avec ce que notre jugement personnel estime juste, quand il est éclairé par ce que nous pouvons apprendre de nos textes fondateurs, de nos expériences personnelles, de nos dialogues avec des personnes qui pensent aux sujets auxquels nous réfléchissons.

Notre foi consiste à ne pas s’aligner aveuglément sur la position du plus fort, du plus puissant, de celui qui a le plus à nous offrir ou de celui qui prétend nous tenir à sa merci. Notre foi consiste à nous rendre libres à l’égard de tous les conformismes, libres à l’égard des pressions des médias, des amis, de la famille, de l’Eglise, de notre courant de pensée, de nos idoles. Être protestant ne consiste pas à faire comme les protestants du XVIè ou comme les autres protestants qui fréquentent le même temple que nous. Être protestant consiste à faire valoir son expertise personnelle, à renouveler personnellement son intelligence, à exercer ses dons particuliers, sans craindre le regard des autres, sans craindre la moindre réprobation et encore moins quelque excommunication que ce soit. Nous sommes libres de cela parce que notre identité ne se joue pas dans une place sociale, dans un statut ecclésial, dans une fonction familiale, dans un montant de compte bancaire, dans le nombre de personnes sur lesquelles nous avons un peu de pouvoir. Notre identité se joue dans notre appartenance au corps du Christ, rappelle Paul, dans le fait que nous ne dépendons ni de nos réussites, ni de nos échecs, ni de notre réputation, ni de quoi que ce soit d’autre que cette grâce manifestée à tout être humain : il est juste et bon que tu sois là ! Quoi qu’en pense le monde, quoi qu’en pensent tes parents, quoi qu’en pensent tes amis ou tes ennemis : il est juste et bon que tu sois là. Il est juste et bon que tu prennes ta place et que tu puisses exercer tes talents. Je dis bien tes talents et non ceux des autres.

La grâce qui nous est faite et non seulement d’être libérés de l’obligation de nous conformer à un modèle qui nous empêcherait d’être ce que nous devenons, mais la grâce qui nous est faite est, aussi, d’être rendus capables de pouvoir exercer nos compétences à fond. « Chacun, selon la mesure de foi que Dieu lui a départie » peut s’ouvrir à l’absolu et en vivre, pleinement. Notre monde se portera bien mieux si chacun peut faire valoir ses dons, pleinement, au lieu de devoir s’astreindre à des tâches qui ne sont pas son cœur de vocation.

Bien entendu, nous sommes tous capables de faire du pain. Mais pendant ce temps-là, nous ne faisons pas ce pour quoi nous sommes le plus qualifiés ou le plus aptes. Bien entendu un avocat peut lui-même faire tout son travail de secrétariat et gérer ses rendez-vous, mais pendant ce temps là il ne fait pas ce pour quoi il est le plus qualifié ou le plus apte. Bien entendu un professeur peut créer les emplois du temps, procéder aux inscriptions des élèves, gérer les fournitures scolaires ; mais, pendant ce temps-là, il ne fait pas ce pour quoi il est le plus qualifié ou le plus apte. Et ainsi de suite.

Nous avons tous des dons différents, rappelle Paul ; ne nous conformons pas au monde présent, mais faisons bénéficier le monde de nos dons, de ces dons qui n’appartiennent qu’à nous, que personne ne pourra faire valoir à notre place. Ne nous conformons pas au monde présent, de grâce ! Ne nous alignons pas sur les effets de mode ou sur les logiques que notre intelligence, renouvelée à la lumière de l’Evangile, jugera néfastes. Ne nous conformons pas au monde présent, mais pensons notre action, notre vie, en fonction de ce qui a pour un nous un caractère absolu, ce que la Bible nomme Dieu. Ne nous conformons pas au monde présent, mais offrons au monde ce que nous sommes, ce à quoi nous aspirons car c’est ainsi que nous rendrons le monde infiniment sublime.

Amen

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