Redonner espoir à Dieu

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Genèse 6/5-9 
5 L’Éternel vit que la méchanceté des hommes était grande sur la terre, et que toutes les pensées de leur coeur se portaient chaque jour uniquement vers le mal.  6 L’Éternel se repentit d’avoir fait l’homme sur la terre, et il fut affligé en son coeur.  7 Et l’Éternel dit: J’exterminerai de la face de la terre l’homme que j’ai créé, depuis l’homme jusqu’au bétail, aux reptiles, et aux oiseaux du ciel; car je me repens de les avoir faits.  8 Mais Noé trouva grâce aux yeux de l’Éternel.  9 Noé était un homme juste et intègre dans son temps; Noé marchait avec Dieu.

Genèse 7/6-24
6 Noé avait six cents ans, lorsque le déluge d’eaux fut sur la terre.  7 Et Noé entra dans l’arche avec ses fils, sa femme et les femmes de ses fils, pour échapper aux eaux du déluge.  8 D’entre les animaux purs et les animaux qui ne sont pas purs, les oiseaux et tout ce qui se meut sur la terre,  9 il entra dans l’arche auprès de Noé, deux à deux, un mâle et une femelle, comme Dieu l’avait ordonné à Noé.  10 Sept jours après, les eaux du déluge furent sur la terre.  11 L’an six cent de la vie de Noé, le second mois, le dix-septième jour du mois, en ce jour-là toutes les sources du grand abîme jaillirent, et les écluses des cieux s’ouvrirent.  12 La pluie tomba sur la terre quarante jours et quarante nuits.  13 Ce même jour entrèrent dans l’arche Noé, Sem, Cham et Japhet, fils de Noé, la femme de Noé et les trois femmes de ses fils avec eux:  14 eux, et tous les animaux selon leur espèce, tout le bétail selon son espèce, tous les reptiles qui rampent sur la terre selon leur espèce, tous les oiseaux selon leur espèce, tous les petits oiseaux, tout ce qui a des ailes.  15 Ils entrèrent dans l’arche auprès de Noé, deux à deux, de toute chair ayant souffle de vie.  16 Il en entra, mâle et femelle, de toute chair, comme Dieu l’avait ordonné à Noé. Puis l’Éternel ferma la porte sur lui.  17 Le déluge fut quarante jours sur la terre. Les eaux crûrent et soulevèrent l’arche, et elle s’éleva au-dessus de la terre.  18 Les eaux grossirent et s’accrurent beaucoup sur la terre, et l’arche flotta sur la surface des eaux.  19 Les eaux grossirent de plus en plus, et toutes les hautes montagnes qui sont sous le ciel entier furent couvertes.  20 Les eaux s’élevèrent de quinze coudées au-dessus des montagnes, qui furent couvertes.  21 Tout ce qui se mouvait sur la terre périt, tant les oiseaux que le bétail et les animaux, tout ce qui rampait sur la terre, et tous les hommes.  22 Tout ce qui avait respiration, souffle de vie dans ses narines, et qui était sur la terre sèche, mourut.  23 Tous les êtres qui étaient sur la face de la terre furent exterminés, depuis l’homme jusqu’au bétail, aux reptiles et aux oiseaux du ciel: ils furent exterminés de la terre. Il ne resta que Noé, et ce qui était avec lui dans l’arche.  24 Les eaux furent grosses sur la terre pendant cent cinquante jours.

Genesis 8/1-14
1 Dieu se souvint de Noé, de tous les animaux et de tout le bétail qui étaient avec lui dans l’arche; et Dieu fit passer un vent sur la terre, et les eaux s’apaisèrent.  2 Les sources de l’abîme et les écluses des cieux furent fermées, et la pluie ne tomba plus du ciel.  3 Les eaux se retirèrent de dessus la terre, s’en allant et s’éloignant, et les eaux diminuèrent au bout de cent cinquante jours.  4 Le septième mois, le dix-septième jour du mois, l’arche s’arrêta sur les montagnes d’Ararat.  5 Les eaux allèrent en diminuant jusqu’au dixième mois. Le dixième mois, le premier jour du mois, apparurent les sommets des montagnes.  6 Au bout de quarante jours, Noé ouvrit la fenêtre qu’il avait faite à l’arche.  7 Il lâcha le corbeau, qui sortit, partant et revenant, jusqu’à ce que les eaux eussent séché sur la terre.  8 Il lâcha aussi la colombe, pour voir si les eaux avaient diminué à la surface de la terre.  9 Mais la colombe ne trouva aucun lieu pour poser la plante de son pied, et elle revint à lui dans l’arche, car il y avait des eaux à la surface de toute la terre. Il avança la main, la prit, et la fit rentrer auprès de lui dans l’arche.  10 Il attendit encore sept autres jours, et il lâcha de nouveau la colombe hors de l’arche.  11 La colombe revint à lui sur le soir; et voici, une feuille d’olivier arrachée était dans son bec. Noé connut ainsi que les eaux avaient diminué sur la terre.  12 Il attendit encore sept autres jours; et il lâcha la colombe. Mais elle ne revint plus à lui.  13 L’an six cent un, le premier mois, le premier jour du mois, les eaux avaient séché sur la terre. Noé ôta la couverture de l’arche: il regarda, et voici, la surface de la terre avait séché.  14 Le second mois, le vingt -septième jour du mois, la terre fut sèche.

  1. Se méfier des formes religieuses

Chers frères et sœurs, il faut se méfier des formes religieuses. Il faut se méfier de ce qui a l’apparence du sacré et qui n’en a pas nécessairement la nature. Ainsi, il ne suffit pas que de l’eau soit utilisée en milieu chrétien pour que nous ayons à faire à un baptême. De l’eau peut être mortelle sans qu’elle soit, en même temps, le signe de la grâce. Un déluge, même situé dans la Bible, n’est pas nécessairement un baptême qui dira l’amour inconditionnel de Dieu pour l’humanité. C’est ce que nous donne à penser ce récit de la Genèse. Méfions-nous des apparences. Ne nous laissons pas fasciner par quelques mots du vocabulaire religieux. Ne nous laissons pas fasciner par des gestes, par des objets, par des formes religieuses. Ne nous méfions pas de la religion, mais de ce qui a l’apparence de la religion et qui n’a pas le sens de l’Evangile, qui n’a pas le sens de la grâce.

Les mythes donnent à penser, disait le philosophe Paul Ricœur. Alors pensons avec ce mythe de la Genèse sur la vigilance nécessaire en matière de religion. Prenons un exemple qui vaut aussi bien dans l’architecture du temple de la rue de Maguelone que dans l’imaginaire populaire et tout spécialement protestant. Si je vous demande quel est l’animal qui symbolise le saint Esprit, vous me répondrez que c’est… la colombe. Colombe que l’on voit au sommet du temple de la rue de Maguelone, colombe que l’on voit sur les croix protestantes, colombe qui est devenu symbole de paix avec son rameau d’olivier dans le bec, dans le prolongement direct de ce récit de la Genèse.

Or la colombe ne figure pas le saint Esprit, en tout cas dans la Bible hébraïque et j’irais même jusqu’à dire dans les récits du baptême de Jésus. Dans la fin de ce récit du déluge, c’est le corbeau qui est envoyé hors de l’arche pour faire des allers-retours à la surface des eaux jusqu’à ce que les eaux eussent séché de dessus la terre (Gn 8/7). La colombe, elle, ne fait pas grand-chose. Elle est spectatrice du travail du corbeau qui plane à la surface des eaux comme l’esprit de Dieu le faisait dans le premier récit de la création, au tout début de la Genèse, pour passer du tohu-bohu à la création vivable. La colombe reviendra avec une feuille arrachée à un olivier, signe que le travail de création est accompli, signe que la terre sèche pourra, à nouveau être habitée par les humains.

C’est le corbeau qui figure l’esprit de Dieu, comme on pourra le constater dans le livre des Rois : ce ne sont pas des colombes, mais des corbeaux qui viendront sauver le prophète Elie de la mort (1 R 17/4). Le corbeau, d’ailleurs, ne peut être mangé selon les prescriptions du Lévitique (11/15), contrairement à la colombe qui pourra aussi être sacrifiée. D’ailleurs, la Bible ne fait guère de distinction entre les colombes et les pigeons. Tout cela est bien anecdotique, je vous l’accorde, mais cela nous aide à prendre conscience que nous pouvons attacher à des formes religieuses une valeur qui n’est pas biblique et qui nous emmène loin de ce que la Bible nous propose. Quant à la colombe du baptême de Jésus, cela se dit « Jonah » en hébreu, et cela ne m’étonnerait pas que les évangiles disent que l’esprit passe par Jean.

Tout ceci pour dire qu’il est nécessaire d’exercer son esprit critique en matière religieuse et qu’il ne faut pas se fier aveuglément aux apparences et encore moins aux idées reçues sans qu’elle soient passées par notre examen. A chaque fois que nous ne faisons pas ce travail critique, la religion se transforme en superstition et la grâce en verni religieux qui nous barre l’accès du souffle divin.

  1. Juste selon Dieu

Après les éléments anecdotiques, j’aimerais aborder un point autrement plus important, à savoir celui de la justice. Ce texte dit que Noé était juste et intègre (Gn 6/9). Et c’est parce qu’il était juste qu’il trouva grâce aux yeux de Dieu qui lui permit d’échapper au déluge. En quoi Noé était-il juste ? Nous pourrions être tentés de penser que Noé était juste au sens où il n’était jamais pris en défaut sur le plan moral : aucun reproche n’aurait pu lui être fait au regard de la loi. Mais le texte ne nous dit rien à ce sujet. Le texte biblique nous oriente plutôt sur la différence entre les habitants de la terre et Noé. D’un côté ce n’est que méchanceté et conception de mauvaises pensées et, de l’autre, Noé, juste et intègre, marche avec Dieu. Il y a d’un côté une méchanceté contagieuse et, de l’autre, avec Noé, une personne qui se distingue des autres, qui ne fait pas comme les autres, qui n’aligne pas son pas sur le pas de la majorité, mais sur le pas de Dieu. Autrement dit, nous avons d’un côté un conformisme ambiant qui s’autoalimente et, de l’autre côté, Noé qui vit en compagnie de Dieu, en compagnie de l’altérité.

Cela me fait penser que Noé est déclaré juste et intègre parce qu’il vit ce qui est juste pour lui, sans s’assimiler au plus grand nombre, sans sacrifier sa personnalité sur l’autel du conformisme. Noé est intègre ou parfait, selon comment on traduit « tamim », en ce sens qu’il ne se laisse pas pervertir par la masse. Il ne se laisse pas corrompre. Le texte ne parle pas de son rapport à la loi des hommes, mais à sa qualité propre, à savoir qu’il a été créé à l’image de Dieu. Quiconque se défigure en prenant les traits à la mode, en se fondant à la masse, prive le monde de l’image de Dieu et de sa ressemblance. Et le monde devient moins humain, il retourne vers le tohu-bohu. Au contraire, quiconque soigne sa spécificité, sa singularité, le fait qu’il soit créé personnellement à l’image de Dieu, sauve le monde du chaos en le sauvant de la grisaille, de la confusion.

Et cela nous aide à comprendre le sens du déluge qui est moins une punition en forme de peine de mort générale, qu’une manière de dire à quoi nous conduit une attitude qui consiste à se fermer à l’altérité dont l’Eternel est la figure biblique. En nous plaçant du point de vue de Dieu, l’attitude des hommes qui s’autoalimentent, qui vivent en circuit fermé, qui ne vivent que l’entre-soi, est une attitude mortelle. C’est une attitude qui consiste à s’enfermer dans un univers clôt dans lequel on se noiera immanquablement. N’avoir que soi comme horizon, c’est du narcissisme, dont une mythologie voisine dira qu’elle conduit à la noyade. A l’autre bout de la Bible, les évangélistes nous alerterons avec la figure de Pierre qui, obsédé par ses seules peurs, perdant de vue Jésus qui incarne l’altérité, s’enfoncera dans les eaux du lac de Galilée. La justice de Dieu consiste à offrir à l’humanité les appels au large dont elle a besoin pour exister. Se priver de Dieu, c’est se priver de la grâce, c’est dépérir en s’asphyxiant.

Et il en va de même au tournant du déluge, au moment où le niveau de l’eau commencera à baisser. Le moment décisif est lorsque Dieu se souvient de Noé (Gn 8/1). Ce verset est au centre du récit. C’est la phrase pivot. Est-ce que Dieu se souvient de Noé, vraiment ? Par cette question, j’entends interroger le fait qu’il y a ait, quelque part dans l’univers, un personnage qui s’appelle Dieu et qui utilise sa mémoire pour se souvenir de Noé. Est-ce bien comme cela que les choses se passent ?

Répondre oui au prétexte que c’est écrit tel quel dans la Genèse, c’est faire du texte biblique un verni religieux qui nous asphyxiera au lieu de nous permettre de mieux respirer. Considérer que Dieu se souviendrait comme nous, nous nous souvenons, c’est considérer que Dieu serait tout aussi capable de précipiter un déluge d’eau qui recouvrirait la surface de la terre. Quand le narrateur écrit que Dieu se souvint de Noé, il exprime le fait que le souvenir de Noé avait un caractère universel et inconditionnel. Cela signifie que l’exemple de Noé est valable pour tous : Il est possible de vivre de manière intègre au milieu de la corruption, au milieu du tohu-bohu.

Au sens technique du terme, Noé est un « shear ». C’est un « reste ». C’est ce que dit le texte (Gn 7/23). Et le texte nous fait comprendre que tant qu’il y a un reste, il y a de l’espoir. Ce thème du shear est très important dans la Bible hébraïque qui est marquée par les épisodes de la destruction et de la déportation dans le Royaume du Nord puis le Royaume du Sud. Dieu se souvient de Noé signifie que le petit reste que constitue Noé est susceptible de ressusciter l’espérance divine qui avait été mise à mal au départ du Déluge, Dieu étant décrit comme regrettant d’avoir créé l’homme. Noé redonne espoir à Dieu. Noé fait figure du petit reste qui permet de considérer qu’il y a un au-delà possible au désastre. Se souvenir, c’est trouver dans le passé de bonnes raisons de croire encore. C’est ce qui va se poursuivre aussitôt après. Le travail du corbeau, le travail de l’esprit, c’est-à-dire l’intelligence collective, consiste à faire revenir à la surface ce qui rend le monde vivable. Le travail du corbeau consiste à faire remonter à la surface les points d’appui nécessaires à l’humanité.

C’est un nouveau travail de création, semblable à Gn 1, qui consiste à retrouver les possibilités enfouies, retrouver les promesses recouvertes du marasme de la vie quotidienne, des inquiétudes, des regards faussés sur la vie. Il y a là une véritable archéologie de l’espérance qui est à l’œuvre. Il s’agit de retrouver l’inspiration dans les figures, dans les événements que nous avons perdus de vue. C’est la raison pour laquelle un être sans passé n’a que peu d’avenir : c’est en faisant mémoire des actes de salut du passé, c’est en remettant à la lumière du jour la possibilité d’une vie juste, que nous pouvons retrouver foi en la vie. Et pour cela il peut suffire d’une personne, d’un être, d’un seul être. Ce n’est pas la peine d’entrer dans des négociations de marchand de tapis comme le fera plus tard Abraham au sujet de Sodome et Gomorrhe pour finalement arriver à 10 justes nécessaires pour sauver la ville. Non, il suffit d’un signe, d’un seul signe, pour réactiver les promesses de vie peut-être un peu trop enfouies. Un seul signe, un seul sacrement, pour que la vie l’emporte à nouveau après un désastre.

Amen

2 commentaires

  1. au travers de notre courage et volonté de développer un monde fraternel que Dieu approuveras nos actions car lui a toujours de l’espérance dans ces créatures

  2. Bonjour James,
    Comment vivre au milieu du marasme, du tohu-bohu, de la corruption et finalement dans le désastre ? Ce texte et votre analyse me conduit à penser qu’il s’agirait à la fois de regarder notre monde avec lucidité, un monde d’ailleurs dont de nombreuses surfaces habitées sont menacées d’engloutissement, mais surtout en gardant courage et espoir, sans se laisser aller au pessimisme et au renoncement. Ce qui me marque peut être dans votre analyse est la notion de « shear » – Noé est un « shear » est éclairant ! – le petit reste qui ressuscite l’espérance divine…un bon sujet de méditation pour aujourd’hui !
    Bien à vous,
    Laurent

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