Prier pour se désapproprier 3/5

Notre parcours sur la prière se poursuit avec ce troisième entretien mené par Béatrice Soltner sur RCF. Nous abordons le thème de la prière sous l’angle de nos gouffres personnels, des moments de vide, de déprime, qu’il nous arrive de connaître de temps à autre.

Comment prier alors que nous désirons seulement être seul, que nous venons de vivre une injustice et que selon le cas, nous souhaitons simplement que tout s’arrête rapidement ? Comment même penser à Dieu dans ces circonstances-là – lui qui n’a possiblement rien fait pour écarter ces situations de notre route ?

Le livre des psaumes contient quelques perles qui méritent alors notre attention. C’est un recueil de prières qui montrent combien leurs auteurs ont, eux-aussi, vécu des passages à blanc, mais aussi des résurrections qui les ont relevés. Nous connaissons bien ce psaume 22 qui commence par cette plainte « Mon Dieu mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Si nous le lisons jusqu’au bout, nous nous apercevons que le psalmiste se met subitement à louer l’Eternel, et qu’il invite toute les nations à faire de même (v 28). Que s’est-il passé entre temps ? Le texte ne le dit pas. Le psalmiste ne dit pas comment Dieu a répondu à ses supplications, mais il montre clairement à partir du verset 23, que l’Eternel a répondu, et qu’il l’a fait au delà de ses espérances.
La fin du psaume 91, que nous évoquions dans notre entretien d’hier, est elle aussi éloquente. La traduction de la Bible de Jérusalem rend ainsi les versets 15 et 16:

« Il [le psalmiste] m’appelle et je lui réponds :
Je suis près de lui dans la détresse,
je le délivre et je le glorifie,
de longs jours je veux le rassasier
et je ferai qu’il voie mon salut. »

Dieu qui est proche de nous, dans la détresse ! Ce n’est pas nécessairement la première idée qui nous viendrait à l’esprit, pourtant le texte est explicite : Dieu nous accompagne également dans ces moments-là. Ce texte ne dit pas que Dieu éloigne la détresse de nous. Et le fait que nous soyons croyant ne change rien à cela. Pour le dire avec le pasteur Charles Wagner, fondateur du Temple du Foyer de l’Âme à Paris : « Dieu ne protège pas l’homme de la foudre ; il protège l’homme foudroyé ».

Se pose alors la question de la toute puissance de Dieu. Il est remarquable de constater qu’il existe dans la Bible des textes qui remettent en cause cette qualité que nous accordons peut-être trop souvent à Dieu. Mais au-delà même de cette expression qui n’apparaît pas dans la Bible hébraïque, par exemple, il est plus important de comprendre que nous sommes appelés à faire valoir ce que nous sommes devant Dieu, et de combattre avec lui (et non « contre ») comme Jacob le fera lors de la rencontre du Yabboq (Genèse 32/23-33). Se tenir face à Dieu, en tension avec lui afin de coopérer à la suite de l’histoire, c’est cela être une âme. Une révolte exprimée dans la prière révèle non pas que Dieu voulait le drame qui s’est produit, mais, au contraire, qu’il n’a pas pu éviter que celui-ci se produise. La semaine de Pâques nous révèle que Dieu n’a même pas pu éviter que son fils meure sur une croix.

La toute-puissance de Dieu, si elle existe, ne se joue pas sur le terrain du surnaturel ou d’un pouvoir sur les lois de la physique. La toute-puissance de Dieu s’exprime dans son amour. Dieu est présent auprès de son fils cloué sur la croix, comme l’atteste le voile du temple, déchiré en deux, ce qui est le geste classique du deuil – que Dieu prend.

NB : l’émission complète est désormais disponible ici, sous réserve d’une inscription gratuite sur le site.

5 commentaires

  1. Bonjour,
    Je ne suis que très rarement auditeur de la radio, et a fortiori de RCF, mais je suis tombé sur votre commentaire.
    Et bien évidement, ce que vous dites m’a interpellé :  » Dieu n’est pas tout puissant ! »
    Vous expliquez par ailleurs, que la toute puissance de Dieu s’exprime dans son amour … certes !
    Mais si ce n’est que dans son amour, alors il ne s’agit pas d’exacte toute puissance !
    Or le « je crois en Dieu » ne précise pas cela, et place cette toute puissance juste avant « créateur du ciel et de la terre ».
    Il y a donc une apparente contradiction.
    La question est donc la suivante : comment conciliez-vous ce que vous dites avec le symbole des apôtres ?
    Aymeric

    1. Vous faites référence à la confession de foi dite « symbole des apôtres ». Dans ce texte, la toute puissance se rapporte à la paternité de Dieu, non à la création du ciel et de la terre. Ainsi, au paragraphe deux, il est dit que Jésus est auprès du Père tout puissant. La puissance paternelle est une puissance d’amour. C’est la capacité à nommer, à donner du sens – et c’est bien ainsi que Dieu crée, selon Genèse 1 : par la parole et non en fabriquant les atomes, les molécules etc. D’ailleurs, les récits bibliques soulignent à quel point Dieu désigne les paroles qui portent à la vie, qui encouragent l’existence, plutôt que quelque chose qui défierait les lois de la physique, par exemple en fabriquant un bâton avec un seul bout.

  2. Votre exemple du bâton avec un seul bout ne défie que les lois de la définition. En maths un segment n’est pas une demie-droite. Si un segment s’avérait n’avoir qu’un bout, ce n’en serait pas un mais une demie-droite.
    Votre autre exemple, de « Dieu qui n’a pu éviter que son fils ne meure sur une croix » , fait écho à « qu’il se sauve lui-même »…c’est un mauvais exemple !
    La volonté et le pouvoir de Dieu n’est pas la même chose. Le pouvoir est subordonné à la volonté.
    Bien sûr, vous pouvez prendre l’exemple des catastrophes qui arrivent aux hommes, pour dire : « Dieu ne veut pas ça ! ».
    Mais bien des fois, d’un mal, Dieu en tire un plus grand bien et nous ne pouvons voir l’ampleur de sa toute puissance.
    Une image intéressante me vient avec la lecture d’un Science et Vie Junior récent :
    Savez-vous qu’il existe encore des « platistes » (personnes pensant que la terre est plate), l’un d’eux a fabriqué une fusée artisanale pour vérifier l’état de la terre à l’altitude de 500m. Malheureusement pour lui, la machine n’a pas fonctionné.
    Tout comme cette personne qui ne voulait pas voir les signes indirects de l’état physique de la terre, nous ne voyons pas toujours les signes de la toute puissance de Dieu.
    Il faut s’élever bien plus haut que 500m pour voir la magnificence de la terre, de même il faut combien plus nous élever pour voir toute la magnificence de la puissance de Dieu.
    En outre, que dire de la résurrection de la chair par rapport aux lois de la physique ?
    Et plus encore, en parlant de son fils, que dire de sa résurrection par rapport aux même lois ?

  3. @Beaufort Bonjour. Pourquoi vouloir que : « Le pouvoir est subordonné à la volonté. » ? Elle n’est pas du tout première !

    1. Je m’opposais au fait de dire que Dieu n’a pas pu éviter que son fils ne meure … si tel (éviter que son fils ne meure) n’était pas sa volonté, on ne peut préjuger de son impuissance.
      D’autant plus si le Fils qui connait le Père dit : « Abba … Père, tout est possible pour toi … »

      J’aurais peut-être dû dire : « l’exercice du pouvoir est subordonné à la volonté »

      J’avais réduis la chose à ce qu’on a pu se faire entendre un jour :  » si tu le veux, tu le peux ! »

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