Réconcilier la France avec elle-même

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Depuis des années, notre pays connaît des divisions qui tiennent, pour une part, au fait que des responsables politiques considèrent qu’il faut cliver pour mieux régner et, pour une autre part, au fait que nous ayons du mal à faire quelque chose de positif de nos différences. Notre société est capable d’anathématiser, d’excommunier; elle a toutes les peines à favoriser la communion qui serait à même de forger une véritable communauté nationale où la fraternité serait une réalité vécue.

Les mois de campagne électorale ont porté cette situation à des niveaux rarement atteints et qui pourraient encore s’aggraver si nous n’y faisons rien. Les réactions et les images que nous avons vues hier, juste après les résultats, ont de quoi nous inquiéter sérieusement.

C’est la raison pour laquelle il est apparu, au pasteur Luc-Olivier Bosset et à moi-même, que nous pourrions profiter de ce lendemain d’élection pour engager notre agglomération sur un chemin d’apaisement et de résolution des divisions dont nous souffrons tous. Il nous est apparu que nous avons dans notre patrimoine protestant un outillage particulièrement pertinent : les travaux du philosophe Paul Ricœur. Son ouvrage La mémoire, l’histoire, l’oubli, constitue une réflexion précieuse pour faire face à notre situation. Par bien des aspects, le moment que nous vivons peut faire penser à la situation de la France au moment de la rédaction de l’Edit de Nantes, destiné à mettre fin aux guerres de religions. Paul Ricœur revient sur cette période dans son ouvrage pour penser la réconciliation des mémoires. 500 ans après la Réforme protestante, catholiques et protestants se sont réconciliés – ce qui montre qu’une société déchirée n’est pas condamnée à le rester. Ricœur est celui qui nous invite à faire face au risque d’effacer les désaccords, le dissensus et de condamner les mémoires concurrentes à une vie souterraine malsaine car elles deviendraient du même coup des foyers d’éruptions à venir.

Que propose Ricœur ? Il propose de réaffirmer l’unité nationale par une liturgie du langage : être en mesure de pouvoir se raconter, de pouvoir dire ses angoisses et ses espoirs « sur un mode apaisé ». Un temple protestant est, précisément, un lieu qui autorise cela. C’est un lieu pour la parole, un lieu où la parole peut être prolongée par des hymnes et des célébrations publiques. Et si c’est bien la grâce qui anime ce lieu, alors disons clairement qu’un temple est un lieu pour honorer les paroles qui rendent le monde un peu plus vivable et certainement pas celles qui seraient proférées pour servir des ambitions personnelles, partisanes, ou encore pour cadenasser un système idéologique qui tiendrait lieu de refuge.

A la pertinence de la pensée de Paul Ricœur s’ajoute l’intérêt renouvelé pour les travaux du philosophe dû à l’élection à la présidence de la République de l’un de ses collaborateurs pour la rédaction de ce livre, justement, Emmanuel Macron.

Avec Luc-Olivier Bosset, nous avons estimé que le professeur Olivier Abel était le mieux placé pour nous aider à opérer ce travail d’unité nationale. Olivier est « un Monte-Cristo de la bonne humeur : il en dispense à l’infini pour circonscrire les vilaines âmes qui veulent nous empêcher de vivre, de dialoguer, de nous comprendre », selon les mots du journaliste Frédérick Casadesus.

Il a fait la rencontre de Paul Ricœur dans les années 68. C’est avec lui qu’il fera son mémoire de maîtrise et de DEA une dizaine d’années plus tard, puis son doctorat. Il sera nommé professeur de philosophe à la faculté de théologie protestante de Paris dans les années 80. Soulignons qu’il sera à l’initiative du comité d’éthique de la Fédération protestante de France et qu’il a œuvré à la création du fonds Ricoeur à la faculté de théologie de Paris, Paul Ricœur. Olivier Abel est aujourd’hui professeur d’éthique à la faculté de théologie protestante de Montpellier.

Le président de la République ne pouvait être des nôtres ce soir, en raison de son agenda, mais il souhaite au professeur Abel que son intervention – je cite – « rencontre le meilleur succès et donne lieu à de riches discussions ».

Merci, cher Olivier, d’avoir répondu favorablement à notre sollicitation et merci de nous permettre d’engager ce travail indispensable et que nous espérons fructueux.

Lire et écouter la conférence d’Olivier ABEL

Un commentaire

  1. Dans les mots clés qui invitent à lire et guide notre intérêt il y a des noms propres et des substantifs, j’aimerais ajouter entre autre , en même temps, d’autre part- – -sans en savoir la nature grammaticale. j’apprécie cette pensée qui ne se contente pas d’un OUI ou d’un NON qui accepte et questionne la complexité, qui accepte aussi le doute et supporte l’absence de certitude, j’aime cette pensée qui est vraiment une pensée nuancée argumentée qui sur la durée, continue à progresser re envisager. Une pensée qui est juste car elle s’ajuste refuse le manichéisme et ne se contente jamais d’être en opposition seulement.

    Mais question comment l’homme d’action ou de pouvoir décide de l’agir nécessaire? de l’agir bon ?Cette pensée est elle favorable à l’action à la décision pour un homme politique? Le langage est action mais pas le tout de l’action.
    j’espère qu’une action d’homme à la pensée plurielle et complexe sera une » meilleure action » car c’est un homme ouvert dont l’agir ne sera pas au seul bénéfice de lui même. C’est ma confiance !!

    Merci à Olivier Abel pour cette présentation large et claire de la pensée de Ricoeur et à James de diffuser

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