Ne prenez pas un air triste

Chers amis, les chrétiens doivent-ils être de tristes sires, au visage grave, fermé, pour être de bons chrétiens ? Cela a pu être dit au sujet des protestants dont on pensait qu’ils ne se nourrissaient que de gâteaux secs, ce qui pouvait expliquer leur visage crispé. Toutefois, cela serait diamétralement opposé à l’attitude espérée par Jésus. Contrairement à l’idée reçue par certains, la vie chrétienne ne consiste pas en un chemin de souffrance qui permettrait de se conformer aux souffrances du Christ. Jésus l’exprime très clairement sous la plume de l’évangéliste Matthieu, au chapitre 6, versets 16 à 18.

16 Lorsque vous jeûnez, ne prenez pas un air triste, comme les hypocrites, qui se rendent le visage tout défait, pour montrer aux hommes qu’ils jeûnent. Je vous le dis en vérité, ils reçoivent leur récompense. 17 Mais quand tu jeûnes, parfume ta tête et lave ton visage, 18 afin de ne pas montrer aux hommes que tu jeûnes, mais à ton Père qui est là dans le lieu secret; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra.

Ne prenez pas un air triste. Pour le dire avec les rabbins : c’est une grande mitsva, c’est un grand commandement, que d’être toujours dans la joie. La joie n’a rien de futile. Ce n’est pas quelque chose à réserver pour les moments dits profanes. La joie, toujours, tout le temps, sans exclusive. La vie spirituelle est une chose sérieuse, mais elle ne doit pas être exempte de joie. Si nous arborons un air triste, destiné à susciter la pitié chez ceux que nous côtoyons, alors il n’y a rien de plus antiévangélique. Il n’y a rien de plus contraire à l’Evangile que communiquer la tristesse autour de soi.

D’un autre côté, vous me direz peut-être que Jésus joue un peu à l’hypocrite en nous demandant de ne pas prendre un air triste, de se mettre du parfum sur la tête… comme s’il fallait faire bonne figure et jouer la comédie, ce qu’est le sens du mot hypocrite… tenir un rôle, derrière un masque. Toutefois, ce que Jésus demande, ce n’est pas de faire semblant et de maquiller la vérité. Ne pas prendre un air triste, c’est, justement, ne pas se parer du moindre artifice. Quant à se laver le visage, c’est retirer tout ce qui pourrait rendre les apparences trompeuses. Ce que Jésus nous demande, c’est d’être soi, vraiment soi, sans fard, sans poudre.

Comprenons bien que le jeûne ou toute autre action à caractère religieux ne doit pas nous éloigner de nous, mais, au contraire, nous permettre d’être un peu plus celui que nous devenons, pour le dire avec André Gide. Toute religion qui ferait écran entre ce que nous sommes et ce que nous sommes appelés à devenir, est à bannir. Toute morale, toute idéologie, toute forme de vie qui nous retiendrait de nous épanouir est à bannir. Si tu jeûnes, si tu communies, si tu pries, si tu vas au culte, au travail, au lycée, au musée, chez ton médecin, à la plage ou au cimetière, ne prends pas un air de composition, ne cherche pas à tenir un rôle. Sois vrai et pare-toi comme tu le fais chaque jour, en mettant cette note de parfum sur ta tête, ce qui exalte ta personnalité, ce qui met en valeur ton caractère.

Ce que tu fais, fais-le parce que c’est juste et bon. Ne le fais pas pour te faire remarquer : tu serais pitoyable. Agis, non par calcul, mais parce que tu vas accomplir un bien absolu.

Et alors tu auras ta récompense. Tu profiteras des bienfaits du jeûne ou de ta lecture, de ton travail, de ton séjour, de ce que tu auras fait. Tu ne te seras pas arrêté dès le premier compliment venu, mais tu seras allé au bout de ton engagement que nul autre que toi connaît. Tu auras pu aller plus loin que ce que les convenances imposent. Tu auras fait, aujourd’hui et les jours à venir, quelques pas de plus vers toi-même.

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